Matraqués et rappelés à leur réalité par la glaciale précarité, censée nous enfermer dans les exigences futiles d’un monde qui n’est pas le nôtre et aux critères de leurs lois scélérates et mortifères, à nous priver religieusement du plaisir de voyager, d’aimer, de rencontrer, de manger, de créer, chanter et danser sans la décence vitale que l’inhumain sociétal nous refuse comme mauvaise marchandise ou mauvais rouage d’un mécanisme
que nous dégueulons de toute notre joie armée, nous décidons malgré tout de nous octroyer le plaisir de vivre en voyageant et nous aimant où bon nous semble comme un combat parmi tant d’autres dans la grande lutte contre le pouvoir et le capital. Tout s’achète et se mérite d’après eux, tout s’arrache et se partage d’après nous.
D’un bout de carton chopé dans le caniveau, nous écrivons frappé d’une étoile noire « le sud », « l’Espagne », pour ne pas marquer « où vous allez » ou « là-bas pour y être ». Sans le sous, nous descendons ainsi plus de mille kilomètres avec les rigueurs d’usage et les difficultés à faire face comme une partie du jeu que nous suscitons, chantant gaiement Edith Piaf et La Semaine Sanglante aux heures d’attente au bord de l’autoroute, à danser La Ravachole et la Rue des Bons Enfants dans les stations services après quelques tentatives de réappropriation directe de l’abondance privée.
Nous croisons sur notre route toutes sortes de braves bougres pestant sur le système qu’ils nourrissent depuis trente ans parfois de leur énergie et leur force confisquée par l’esclavage-salariat : des salariés qui sortent de ce qu’ils disent être leur chantier bien que sachant pertinemment l’inverse, des mères de famille avec leurs quatre enfants revenant des courses familiales avant de faire la lessive et la cuisine, des jeunes étudiantes fantasmant et rêvant ce qui devient notre « aventure » et notre « courage » à le « réaliser », quelques opportunistes qui cherchent une certaine monnaie corporelle en gratitude de leur « générosité », des vieux loups solitaires crachant du Renaud sur leurs lecteurs-CD le pétard en main, des anciens persécutés qui ont joué le jeu de la « réussite » et donc le passage formé à la classe dominante des vendeurs et grands commerciaux en sortant de leur condition première de lumpen avec la lucidité résignée qui leur sont assignés, avant d’atteindre finalement les côtes tant espérées nous ouvrant devant la bouche marine qui embrasse les espaces vers de lointains continents.
Après nous être baignés avec délectation dans ces eaux caressantes nous délivrant du vieux monde par sa proximité, sa sensualité et sa donation offerte et aimante, nous nous installons sur les rochers des falaises surplombant les écumes lunaires.
Face à l’immensité océane s’accouplant à son horizon avec le ciel tout aussi offert, voici qu’émerge à nos yeux vivaces le monde dans la pleine étreinte de cette union, la terre comme germe et semence de la jouissance du marin et de l’aérien, de la mer et du ciel, de l’océan et de l’espace, des abîmes marins qui mouillent à l’aurore par la douce pénétration des rayons lunaires. Du haut de nos rochers, nous sommes de ce monde. Nous sommes le monde. Nous sommes la terre et l’air, l’eau et le feu, dans nos regards qui ne veulent plus voir ni temples ni palais, ni usines ni prisons, cafards boutonneux de la vie humaine.
Amour, rage, joie, partage, solidarité, et autres cocktails Molotov…
C’est la force et la jouissance de celui qui allume son Molotov ou arme son fusil avec la réflexion et la volonté, l’amour et la détermination nécessaires pour les brandir et tirer sur l’ennemi. L’ennemi est celui qui empêche notre joie de se répandre et d’unir les individus dans leur autonomie de désir partagé, l’ennemi est celui qui matraque et torture celui qui aide son ami affamé à voler du pain, l’ennemi est qui celui enferme et emprisonne ceux qui sabotent et incendient les bâtiments banquiers qui expulsent les maisons foyers, l’ennemi est celui qui calcule et détruit mathématiquement par l’équation du pouvoir sécuritaire et du profit dominateur tout embyron de partage, toute joie solidaire, toute détermination combative, toute lucidité tactique d’affrontement et de solidarité.
L’émeute est une étreinte avec l’histoire, L’insurrection est un orgasme avec le monde.
Ce sont les banquiers et les gouvernants les parasites, les fachos et les bureaucrates les cafards boutonneux, la logique meurtrière du profit la maladie, la misère et la guerre les plaies et les virus, la répression et la prison les insectes sociaux pleins de microbes, les négociants et les réformateurs les médicaments contaminés, lesdits « représentants » de notre force notre faiblesse, l’attente et la résignation nos symptômes, la solitude et l’exploitation le traitement forcé, face auquel l’amour et la solidarité sont un pavé, un cocktail Molotov, une bombe artisanale, un fusil-mitrailleur.
Par fraternité de combattants, par camaraderie de volontés et de désirs, nous abattons les murs, nous arrachons les barreaux, nous brisons les frontières, nous brûlons les prisons, et noyons nos larmes de joie dans le sang de nos ennemis et défenseurs du système de mort.
La solidarité est capable, par la combativité et l’autonomie affinitaires, par la détermination partagée, par les gestes comme seule parole, par l’acte comme discussion et la pratique comme création, d’anéantir ce qui nous anéantit, de renverser ce qui nous écrase, de détruire ce qui nous écartèle, de brûler ce qui nous désarticule, d’évincer leur place et propriété privée pour libérer le monde qui plie sous leur bitume et leurs chiens de garde casqués.
Nous saurons nous détendre quand nous aurons acquis de nous défendre, Notre guerre e(s)t notre victoire, sont notre paix,
En espérant qu’il reste quelque chose de vrai et d’humain sous les ruines des masques-camisoles de citoyens et les casques-mécanisés des policiers et des soldats, qui, tant qu’ils restent tels, sont les défenseurs des palais assassins bâtis sur les cadavres de crève-la-fin à l’épiderme non répertorié « individu à part entière » dans leur conception du genre humain, sont les chiens de garde féroces des Bourses et cœur virtuel du profit qui viennent s’insérer dans nos cœurs nôtres de chair et de sang perverti par leurs raisons de survie, et sont en cela des ennemis en temps de guerre.
La colère n’a pas besoin de traduction. Car il n’y a pas besoin qu’ils nous comprennent. Car nous ne cherchons pas à nous faire comprendre dans leurs langages aseptisés-salariés-gouvernés, et sommes de fait aux côtés de la colère. A ses côtés à guetter la colonne de flics armés au coin de la rue, à chercher mon frère combattant pris en tenaille dans une charge de civils, à arracher le pavé du sol et trinquer mes cocktails incendiaires sur le comptoir du quotidien-citoyen virtuel de survie redevenu ce qui n’est autre qu’un champ de bataille réel de la vie.
Nous ne vivons et n’existons qu’en nous préparant à submerger les blindés auto-pompes qui tenteront implacablement de nous noyer et nous détruire sous les gueules métalliques de leurs regards vides et froids débordant de vermine contagieuse qu’est la Raison d’Etat, de leurs canons à eau, de leurs fusils lance-grenades, de leurs fusils à balle en caoutchouc, de leurs tazer, de leurs grenades lacrymogènes et offensives, des gaz de lacrymogènes et des éclats des offensives, des cachots ambulants de leurs paniers à salade, de leurs chars anti-barricades qui s’hérissent à rebrousse-poil de leur norme et ordre établis, mais aussi de leurs fusils à balles réelles, de leurs grenades à fragmentations, de leurs hélicoptères qui bombardent et mitraillent des populations entières encerclées dans le désert devenu prison géante, de leurs drones qui tétanisent et immobilisent les jeunes gens qui pillent et brûlent les bus impériaux, de leurs alliés fascistes qui s’arment aux côtés des flics porcs et assassinent les nouveaux Socrate Guérilleros, de leurs brigades fascistes-flics qui tirent dans la tête et roulent sur les corps dans l’ombre de leur Vatican Pacificateur ; et nous les submergeons.
Emeutiers anglais, anarchistes grecs, peuples palestiniens, étudiants chiliens, opposants chinois, insurgés tunisiens, guérilleros mexicains et espagnols, autonomes italiens et allemands, « terroristes » français et brésiliens, communistes américains, révolutionnaires argentins et suisses, nous sommes de toutes les origines, unis par notre fraternité de combattants sans chefs, sans nom et sans règle.
Nous ne vaincrons qu’en pansant nos blessés et nous armant avec nos frères et sœurs déjà dans la rue contre les rois de ce monde que ces derniers s’approprient sur loi et détruisent sous terreur nucléaire et pillage des richesses.
Ce sont eux les voleurs, les assassins, les violeurs, les pillards, les voyous, les vagabonds, les sans-vie, les terroristes, les bandes, les crapules, les profiteurs, les assistés, les tueurs, les mercenaires. Et face à eux qui nous imposent la guerre, nous sommes notre propre force, notre propre raison d’être, notre propre solidarité, notre propre discipline, notre propre harmonie, notre propre ordre sans pouvoir, notre propre équilibre, notre propre maître.
Tout s’achète et se mérite d’après eux, tout s’arrache et se partage d’après nous.
GT et Pola