Plaidoirie de Mike TGI de Chambéry, le 25 mai 2012
Les quelques mots que je vais prononcer n’auront pas la vocation de me défendre mais celle de placer cette journée passée dans un tribunal et le rôle de la justice dans le contexte social actuel. Je ne reviendrai pas sur les faits m’étant reprochés pour plusieurs raisons. Contrairement à vous, magistrats en tout genre, ces faits m’ont touché au plus profond de ma chair et de mon coeur, si vous pensez avoir quelque chose à rajouter à ma peine, cela se fera sans ma collaboration et sans que vous exerciez un rapport de force physique sur ma personne, ne vous attendez pas à ce que je ne me chatie plus que ce que je ne l’ai déjà fait, pour moi, l’heure est à ma reconstruction et non à ma soumission à votre système hétérocapitalofasciste. De quel droit pensez vous pouvoir me juger, quel pretexte vous donnerait une supériorité quelconque sur qui que ce soit ? Si vous prétendez défendre une morale, sachez que votre morale n’est pas mienne et que tout vos actes me font vomir. La société que vous défendez ne me correspond pas, non parce que je suis né du coté des opprimés mais parce que je ne veux pas faire partie des oppresseurs. Je suis un homme, blanc, issu de classe moyenne relativement aisée avec une éducation chrétienne et ne me sens par conséquent pas attaqué de par mes origines dans mon quotidien. Personne ne pourra nier que cette affaire aurait été traitée de manière bien pire encore par votre institution si mon origine religieuse était issue de l’islam, si mon origine ethnique ne se trouvait pas dans un pays occidental et si j’avais vécu mes années d’enfance dans la précarité. Si ce ne sont pas des motifs sociocuturels qui m’ont ammené devant vous peut-être que ce sont mes pratiques et votre manque de contrôle sur mon existance qui vous ont poussés à prendre le premier prétexte pour user de vos pouvoirs répressifs et tenter de m’enfermer dans vos normes alliénantes et oppressives. Dans ce dossier, la question de la violence fut souvent abordée. On m’a systématiquement questionné sur la violence de mes actes et de mes intentions, mais jamais on ne m’a questionné sur ce que resprésente la violence à mes yeux. Or la violence est un concept et donc n’a pas de définition universelle, ce qui paraît violent pour quelqu’un ne le sera pas forcément pour d’autre. Si on me demande aujourd’hui si je suis violent, la réponse est oui, de la même manière que si l’on me demande si je vous considère comme des individus violent je répondrai également par l’affirmative. Dans une réalité sociale telle que nous la vivons actuellement, personne ne peut selon moi avoir la prétention de se déclarer non-violent. Tout les actes les plus anodins de notre quotidien sont violents. Manger une banane profite à des multinationales ayant des politiques sociales extrêmement nuisibles et exploitent sans scrupules les ressources naturelles et les ouvriers, c’est un acte violent. Payer ses impôts et ainsi financer des opérations millitaires en irak ou en afganistan, envoyer des stock de matériel pour aider le gouvernement tunisien à maintenir son régime dictatorial, financer les recherches bio-nano-technologiques pour arriver à contrôler de plus en plus les populations. Oui, payer ses impôts est un acte violent. La liste des actes violents dans notre quotidien est longue et ne sera jamais exaustive. Il me parraît donc plus intéressant d’observer à qui profite cette violence. A-t-on vu beaucoup de précaires, de marginaux, d’immigrés fuyant la merde qu’a fait l’occident dans leurs pays profiter de cette violence ? Non. A-t-on déjà pris en compte la violence des concepts urbanistiques réalisés par le corbusier et autres de vos sbires dans les révoltes des banlieues. Au contraire, elles sont systématiquement criminalisées. Quelle est la violence d’une voiture brûlée lorsque cet acte est la suite d’années de mise à l’écart et d’oppressions sociales. Parle-t-on de la violence du système carcéral qui est telle qu’environ 120 personnes par années préfèrent la mort que d’être enterré vivant ? Non, là encore vous criminalisez les mouvements de prisonniers.ères et élaborez sans cesse de nouvelles stratégies, de nouvelles architectures, de nouveaux aménagements de peines afin de diviser et écraser encore plus violemment les personnes confrontées aux réalités carcérales. Magistrats, si vous me considerez comme un individu violent, sachez que je vous envoie la réciproque. La différence entre nous est que vous cherchez à maintenir cette violence pour garder vos avantages sociaux alors que je cherche à m’en affranchir afin que chaque individu puisse s’émanciper et devenir libre. Si vous haissez mon rapport à la violence sachez que je hais les votres et ne m’insérerai pas dans vos normes sociales engendrant autoritarisme et domination. Non, je ne suis pas insérable dans votre monde où tout est affaire d’argent et où la société est séparée en classes sociales. Je ne veux et ne peux en aucun cas passer le tiers de mon temps à offrir ma sueur à un patron au nom de la croissance de l’économie occidentale. Non, je ne suis pas insérable dans votre monde de misère affective et refuse de limiter mes liens sociaux à une relation amoureuse sur le modèle judéo-chrétien et préfère chercher mon épanouissement hors des limites de votre morale sexiste, où tout est divisé de manière binaire en fonction de son genre biologique et tout entretient votre monde patriarcal. Non, je ne suis pas insérable dans votre monde raciste, où l’économie mondiale est issue directement du modèle colonialiste et où toutes les ressources nécessaires au confort occidental ainsi qu’au maintient de son rapport de force sur le reste de la planète proviennent du vol de matières premières dans des pays occupés par des entreprises occidentales et engendre des désastres tant au niveau écologique que social. Non, je ne suis pas insérable dans votre monde déstructeur, où l’être humain exploite et détruit son environnement, où au nom du luxe et du progrès on décime des espèces animales et végétales, où au nom du confort et de l’industrie le nucléaire devient si important pour vos besoins énergétiques et votre soif de pouvoir que vous l’imposez à la terre entière, où au nom de la science vous imposez les ogm, les monocultures et l’agriculture chimique en prétendant que cela est la seule solution possible à la survie de l’espèce humaine. Non je ne suis pas insérable dans votre monde où l’être humain est considéré comme supérieur à toutes les autres espèces animales et végétales et ne veux pas participer au maintient d’une société où les bases de nos matières premières et de notre alimentation sont directement issues de l’exploitation animale. Votre morale est celle du capital, celle de la conservation de cette société patriarcale séparée en classes sociales, où tout se vend et tout s’exploite. Nous n’avons pas les mêmes intérêts…