Face au chantage… (vive la solidarité !)
D’un côté, la grande boucherie judiciaire étend chaque jour davantage ses filets contre les pauvres, les rebelles et autres insoumis aux lois de la propriété et de la domination, tandis que d’un autre, chacune de ses mailles devient plus dense et plus étroite. Les dispositifs de contrôle se diversifient (caméras, ADN, uniformes en tout genre), les prétextes légaux pour finir au trou se multiplient, la durée des peines s’allonge… et le nombre de prisonniers augmente sans cesse (plus de 67 000) pour venir s’entasser loin des yeux des braves citoyens à la conscience tranquille.
Mais il existe aussi un autre aspect de la prison, plus vicieux, qui vient enchaîner et frapper beaucoup d’entre nous à l’extérieur des murs : les contrôles judiciaires, les aménagements de peine et les conditionnelles drastiques. Comme les autres, ces peines se déversent dans les quartiers et s’étalent toujours plus dans le temps. Casier, gros sursis, pointage au comico ou au tribunal, bracelet électronique, obligation de travailler ou de soins, régime de semi-liberté, etc. sont autant de raffinements pour essayer de nous maintenir sous la coupe des flics, des psys, des assistants sociaux, des patrons et des juges. Au moindre faux pas dans ce labyrinthe de contraintes, ils dégainent l’arme de la zonz pour nous menacer une fois de plus d’aller y pourrir. Avec ces mesures, c’est un peu comme s’ils nous tenaient toujours en joue, comme des proies à soumettre pendant de longues années supplémentaires (avant comme après le passage au tribunal et en taule).
Mais comment continuer de vivre dehors sans broncher, avec cette épée de Damoclès en rab au-dessus de nos têtes ? Comment accepter de s’écraser de soi-même aussi longtemps, d’autogérer sa propre peine, quand on s’est pris un de ces dispositifs de contrôle dans la tronche ?
Mike est un camarade qui a été condamné en mai 2012 à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour fabrication d’engin explosif. Comme d’autres, il a décidé de ne pas se résigner à la fausse alternative proposée par le juge d’application des peines : choisir entre la prison et le bracelet électronique avec travail obligatoire et domicile fixe. Car entre subir les matons de l’administration pénitentiaire et devenir son propre geôlier, peut-on encore vraiment parler de choix ? Entre la taule, avec ses mille et unes tortures démocratiques, et une exploitation salariale sous bracelet, avec horaires monacaux et mouvements limités, il s’agit en réalité plutôt d’un chantage entre deux formes d’enfermements.
S’il existait un choix en la matière, ce ne pourrait qu’être celui vers la liberté, avec entre autres conséquences celle de refuser de collaborer pour définir ensemble avec le juge les modalités de sa propre détention !
Ce serait celui de renvoyer toute la responsabilité de l’incarcération, quelque soit sa forme, à l’Etat et à tous ceux qui défendent, justifient et profitent de l’existence des prisons. Finalement, face à son refus de collaborer avec le juge, on a appris que Mike sera convoqué le 7 janvier 2013 à la maison d’arrêt de Chambéry.
Dans cette histoire, il y a quelque chose qui dépasse la situation de ce camarade et de tous ceux qui affrontent cette question en continuant leur propre chemin : la justice n’est pas un monde à part qui justifierait toute une série de calculs qu’un anti-autoritaire se refuserait pourtant de faire au quotidien, afin d’éviter le couperet à n’importe quel prix, quitte à se renier ou à se transformer petit à petit en maton de soi-même ou des autres.
Ne pas trancher entre deux maux, ne pas céder aux misérables chantages de la justice, ne pas intégrer ses logiques de condamnation puis d’enfermement à la maison, c’est alors aussi une manière de continuer le combat contre toutes les dominations. Une manière qui n’est certainement pas la seule, mais qui mérite en tout cas toute notre solidarité. Car lorsque comme Mike –à l’intérieur d’un rapport de force social–, des personnes font face à la machine à broyer de l’Etat en essayant de continuer à porter leurs idées et ce qu’ils sont, c’est quelque chose qui nous dit aussi que c’est possible.
Ne laissons pas les individus qui tiennent un rapport hostile à la domination et à son monde judiciaire se faire isoler. Que chacun exprime sa solidarité de la manière qui lui semble la plus adéquate…
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Kaliméro est une caisse de solidarité avec les prisonniers de la guerre sociale en cours. Elle a pour objet de collecter des sous pour envoyer des mandats, et de se rencontrer pour discuter des différentes situations. Chaque second jeudi du mois se tient une réunion. Pour envoyer de l’argent ou être tenus au courant des prochains rendez-vous, écrire à kalimeroparis@riseup.net