Brève histoire de l’emprisonnement du compagnon Braulio Arturo Durán González
Le 24 septembre 2010, l’anarchiste-vegan Braulio Arturo Durán González a été arrêté à León par la Police de l’Etat de Guanajuato au Nord du Mexique, après avoir été suivi de près par la police qui le soupçonnait d’actions de sabotage.
L’arrestation de Braulio a eu lieu après un an de supposées recherches de la part de la Police de l’État de Guanajuato qui a conclu avoir assez de preuves que Braulio était bien la personne prise en vidéo en train de mettre le feu à un distributeur automatique d’une banque HSBC, la nuit du 17 septembre 2009. Les preuves supposées de la police pour arrêter Braulio ont été obtenues sur diverses pages Internet, ainsi que par la propre vidéo de sécurité de la banque.
L’arrestation de Braulio a immédiatement été utilisée par les médias de communication de masse locaux pour déclencher une campagne médiatique de diffamation contre tout ce qui se rapporte à l’anarchisme.
Une fois arrêté, Braulio a été amené dans les locaux du Parquet général de la République (PGR)- l’équivalent au Mexique du Ministère de la Justice – dans la ville de Léon, Guanajuato, où il a été interrogé et poussé à donner des informations concernant des actions de sabotage et les noms de ceux qui les mettent en oeuvre. Un dossier lui a été présenté avec des photographies de compagnons faisant l’objet d’une enquête.
Le compagnon Braulio a été ferme dans ses convictions et il a catégoriquement refusé de collaborer avec les corps répressifs de l’État.
Le 1er octobre 2010 il a été condamné à de la prison ferme, après que le juge ait considéré qu’il existait assez de preuves pour l’accuser du délit de «Dommage dolosif par incendie» et Braulio a été enfermé au Centre de Réadaptation Sociale de la ville du Léon dans l’Etat de Guanajuato.
En mai 2010 il a été condamné à 3 ans, 1 mois et 15 jours de prison, sentence contestée par le Ministère Public dans une tentative de lui infliger une sentence plus sévère. La sentence permettait à Braulio de sortir sous caution contre le paiement de la somme de 109,011.32 pesos (environ 7 mille euros) en plus de travaux publics, ce à quoi le compagnon a renoncé. Actuellement l’appel de cette sentence est encore en cours.
Pendant tout ce temps d’enfermement, Braulio a gardé une attitude ferme et contestataire, de non collaboration et de cohérence avec ses convictions, écrivant des lettres afin de rompre l’isolement de la prison et sans permettre que celle-ci et son incarcération ne le fassent fléchir.
Pour lui écrire :
Braulio Arturo Durán González.
Centro de Reinserción Social León, Guanajuato.
Carretera Leon-Cueramaro Km 7.5
León Guanajuato
C.p. 36700
Contacts solidaires :
xliberacionxbrauliox[at]riseup.net
cna.mex[at]gmail.com
[D’après des éléments parus sur abajolosmuros le 16 janvier 2013, et traduits par les trois passants]
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Pour mémoire une lettre diffusée le 4 septembre 2012 :
Lettre de Braulio Arturo Durán González.
Bonjour à tous et à toutes,
Tout d’abord, j’espère que toutes les personnes qui luttent d’une manière ou d’une autre pour mener une vie meilleure se portent bien. Recevez de ma part une embrassade avec courage et rage.
J’ai décidé d’écrire quelques lignes car il y a un moment que je voulais le faire, mais pour une raison ou une autre cela devenait compliqué pour moi. Je voudrais préciser que par cette lettre je ne veux pas me faire remarquer davantage ni rien de ce genre, simplement ça me fait du bien d’écrire ce qui m’arrive dans la vie.
Vous ignorez sûrement beaucoup de choses quant à ma situation, car je suis conscient de la difficulté de faire passer un message par les médias de désinformation qui ne s’occupent que de raconter de la merde sur nous (cela m’importe peu à vrai dire). Tout ce qu’ils racontent devient un mensonge déformé dont le seul but est de créer de la confusion.
Ma situation dans la prison se trouve plus « tranquille » maintenant que la seule chose qui me reste à faire est de purger la peine que l’État m’a imposée. Je voudrais signaler qu’à aucun moment ça n’a été facile, car comme nous le savons tous, ce n’est pas très agréable d’être privé de sa liberté dans un centre de domestication comme celui-ci ; mais cela a été moins dur depuis que j’ai trouvé le courage de faire face et d’affronter le « temps »… Il est clair qu’il faut avoir les pieds sur terre pour pouvoir mener sa vie en prison. Je ne dis pas que ce n’est pas dur, mais il faut vivre, et vivre dans l’enfermement amène des conflits physiques et existentiels, par exemple : je crois qu’il n’y a pas une grande différence entre être ici prisonnier ici et l’être dehors, la majorité des personnes (et j’ose généraliser) étant prisonnières de leurs dogmes, de leur croyances, de leurs peurs, de leurs privilèges (technologiques et consuméristes).
Vous ne partagerez sûrement pas ce que je dis, vous croirez que la différence est le fait que je suis enfermé ici entre quatre murs et entouré de caméras de surveillance qui surveillent tout le temps mais n’est-ce pas aussi le cas quand on vit entre d’énormes bâtiments et murs gouvernementaux remplis de caméras de surveillance à chaque coin de rue ? Je ne crois plus qu’il y ait une grande différence, je crois que si on est esclave dans sa tête, à la fin on est esclave de tout.
En revenant un peu sur ma situation d’enfermement, j’aimerais vous raconter ce qu’a été ma vie ici, je veux dire, le fait de vivre avec cinq personnes dans une cellule de cinq mètres carrés et la difficulté d’être vegan… Bon, depuis le premier instant ma vie en prison s’est transformée en une folle histoire de survie, j’ai dû supporter la pression des personnes avec qui je vivais, en passant des fortes discussions aux coups. Après avoir vécu neuf mois avec ces personnes j’ai décidé de me trouver un autre endroit où – selon moi – je pourrais vivre « mieux ». Mais non, c’est toujours la même histoire qui s’est répétée pendant tout le temps que j’ai passé ici enfermé. J’ai vécu dans cinq cellules différentes qui évidemment se trouvent dans différents dortoirs. À présent je me trouve dans un dortoir plus calme où je vis seul avec un ami qui m’a demandé d’aller vivre avec lui, pour lui donner un coup de main car il est un peu « malade » – c’est ce qu’il dit, mais je ne le trouve pas du tout malade, bon, le fait est qu’actuellement je vis seul avec lui dans une cellule de trois mètres carrés, bref je vis avec des personnes plus âgées que moi, je suis le plus jeune.
Concernant mon alimentation, et bien à vrai dire ça a été difficile. Au départ j’avais le soutien de certaines personnes qui me donnaient un coup de main dans ce sens, ma famille bien sûr, mais le temps passant c’est devenu plus difficile : pour tout ici, on s’épuise. Mais il n’était pas question de laisser tomber mes convictions, pour moi c’était nécessaire de renforcer ce point sur la nourriture car, à mon avis,, c’est un combat quotidien de ne pas se dire : « Merde, comment je vais me nourrir ? » et de ne pas abandonner ses convictions.
J’aimerais beaucoup reprendre la phrase d’un compagnon avec qui, sincèrement, je suis entièrement d’accord : « Je suis vegan, depuis quelques années déjà, pour des raisons liées aux idées contre la domination, loin d’une posture de compassion ; je considère que dans cette société technologique-industrielle, être omnivore est une contradiction chez ceux qui luttent contre l’ordre imposé. »
Et bon, changeant un peu de thématique, j’aimerais profiter de cette lettre pour montrer mon soutien sincère au compagnon Mario López Hernández qui, malheureusement, se trouve dans la même situation que moi. J’aimerais dire que depuis ici où je suis, il peut compter sur mon soutien : je ne peux pas faire grand chose bien sûr, mais ce que je pourrai faire, je le ferai avec plaisir et rage. Courage, compagnon ! Ne te décourage pas, il faut continuer avec les pieds sur terre, comme au début, et avec une conviction ferme.
La vie n’est pas facile et encore moins en prison, mais ce n’est pas une raison pour nous arrêter, au contraire ; il faut regarder toujours avec sagesse et se moquer des formes et des normes d’imposition. Au final on arrivera au but : Liberté totale !
Autre chose que je voudrais ajouter : c’est un remerciement à tous ceux qui ont pris le temps de revendiquer leur solidarité par une lettre, un événement ou autre chose. Merci beaucoup à tous et à toutes et à chacun et chacune d’entre vous. Je vous envoie des grosses bises où que vous soyez.
Également, je veux remercier les personnes qui ont organisé des espaces vegan en Espagne, Italie, Grèce, Argentine et au Mexique même, je vous embrasse très fort !
Sentez mes mots, non pas comme un beau texte mais comme quelques lignes sincères, je sais que beaucoup parmi vous ne partagent pas la même chose, peu importe, je crois en la vraie liberté et non pas dans un caprice.
Courage à tous ! Que la lutte ne s’affaiblisse pas et moins encore l’envie de renverser l’étiquette qui jour après jour dirige nos vies !
Liberté pour Mario López Hernández (1) et pour tous les prisonniers du Mexique et du monde !
Courage aux compagnons libertaires !
Prisonniers politiques dans la rue !
À bientôt
Salud et anarchie !
Sincèrement
Braulio Durán.
(1) Note de cestdejatoutdesuite : Mario López Hernández a été libéré le 29 décembre 2012.
[Lettre diffusée en espagnol sur liberación total le 4 septembre 2012, nous avons trouvé une version traduite par les lestroispassants]
En espagnol : Carta de Braulio Durán a la compañera Felicity Ryder.