L’Etat et la démocratie ne seront jamais des remparts face au fascisme

Jeudi soir [note de cestdejatoutdesuite : il s’agit de mercredi, le 5 juin 2013], Clément Méric, militant syndicaliste et antifasciste a été assassiné par des néo-nazis à Paris. Nombreux sont celles et ceux qui, se reconnaissant dans son engagement, ont été saisi d’effroi par cette tragédie d’une vie brisée en quelques secondes. L’expression de la colère et de la douleur suscitée par sa mort ont du mal à se frayer un chemin au milieu du vacarme médiatique et des commentaires autorisés de toutes les crapules politiciennes. Les charognards sont de sortie qui se ruent sur le cadavre pour promouvoir la défense de leur sainte trinité : l’Etat, la République, la Démocratie.

Pour autant, la gauche de pouvoir est dans son rôle quand elle s’appuie sur une vision purement morale de l’antifascisme. Pour donner en exemple les temps bénis du présent, rien de mieux que d’agiter la menace du retour à un passé obscur et barbare. En désignant le fascisme comme ennemi principal, on aboutit logiquement à une conséquence : regrouper contre lui toutes les bonnes volontés à partir du plus petit dénominateur commun, sa contradiction fantasmée, la démocratie. On peut donc, comme Jean-Luc Mélenchon, faire de l’antifascisme tout en soutenant un programme social-patriote. On peut aussi, par exemple, vouloir comme Manuel Valls « éradiquer la violence d’extrême droite » le matin et faire rafler 150 sans-papiers à Barbès l’après-midi…

Alors bien sûr la mort de Clément Méric s’inscrit dans un contexte marqué par la résurgence de l’agitation des groupuscules nationalistes, par la campagne homophobe conduite ces derniers mois par les catholiques intégristes, par la stabilisation électorale du FN à un niveau élevé. Faits d’actualité face auxquels le « mouvement social » (feu la lutte des classes) s’est montré impuissant. Pour autant, le fascisme demeure en France une idéologie ultra minoritaire sans véritable impact. Il lui manque pour devenir une véritable force politique deux choses essentielles : une capacité à mobiliser autour de son projet par la violence et l’encadrement social et une fragilisation du consensus telle qu’il apparaisse à l’état et au capital comme le dernier recours pour leur sauvegarde. Le fascisme n’a jamais vaincu la démocratie dans une lutte à mort, il a toujours prospéré sur son épuisement.

La réaction unanime de la classe politique pour condamner le meurtre illustre d’ailleurs la marginalité de leurs auteurs. Arrêtés très vite, il y a fort à parier qu’ils seront condamnés de manière « exemplaire » et que quelques organisations de l’ultra droite seront dissoutes dans la foulée. Du point de vue de la riposte, nous n’avons rien à attendre de la justice et du ministère de l’intérieur. La demande pathologique formulée par les partis et syndicats d’une réponse ferme du pouvoir témoigne de leur faillite sur le terrain social à l’heure où partout en Europe l’état et le capitalisme approfondissent la guerre aux prolétaires.

Il y a en France des fascistes qui tuent au nom de leur idéologie fanatique. Face à eux, nous devons rendre coup pour coup et les empêcher de parader dans les rues afin de ne plus avoir à pleurer la mort d’un camarade de 19 ans. Mais n’oublions pas que ce que redoutent les immigrés, d’avantage que quelques crânes rasés, c’est la police républicaine. Que les roms ces derniers temps ont plus à craindre de leurs voisins citoyens à peine moins pauvres qu’eux et gagnés à l’idéologie sécuritaire et raciste que des partisans d’Adolf Hitler. Que même sans néo-nazis cette société révèle quotidiennement son visage de domination et d’exploitation.

L’état et la démocratie ne seront jamais des remparts face au fascisme

Pas de quartiers pour les nazis, pas de quartiers pour l’état, pas de quartiers pour le capitalisme

Contre la barbarie de ce monde-ci, et pour que le meurtre de Clément Méric ne trouve pas son ultime dénouement dans un tribunal, ranimons dans les luttes et dans la rue la lueur vacillante d’un futur révolutionnaire.

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[Publié sur Indymedia Paris le 7 juin]

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