La ville est toujours en transformation. Cette transformation peut parfois paraître lente, mais si l’on regarde tous les différents terrains où elle opère, il est vite clair qu’ils travaillent dur afin de fournir à Bruxelles un nouveau visage. Au vu de tant d’activités, il nous semble tout à coup que cette soi-disant crise dont ils ne cessent de nous rabâcher les oreilles est bien lointaine. Au risque d’en attraper le vertige, voici un aperçu de ce que les différentes autorités bruxelloises ont à nous offrir : ils placent de nouvelles caméras (certaines ‘intelligentes’), ils construisent de nouveaux commissariats de police, ils activent des uniformes quasi partout, de brillantes tours de bureaux et d’appartements poussent du sol comme des champignons, ils préparent à Haren le terrain du plus grand complexe carcéral belge, ils planifient des centres commerciaux ainsi que de nouveaux terrains industriels dans tous les recoins de Bruxelles, le quartier Européen s’agrandit et ils mettent en place un vaste réseau de transport (RER) qui doit relier Bruxelles de manière rapide et contrôlée aux villages et villes alentour.
Il est important de voir qu’il ne s’agit pas ici d’interventions isolées mais qu’elles sont liées entre elles ; et toutes ensemble, elles témoignent d’une certaine vision. Par exemple, ils catapultent des lofts dans certains quartiers qui ne vont, logiquement, attirer que des gens aisés, dans l’espoir que leur éthique de travail et leur citoyenneté exerceront une influence “positive” sur leur environnement. En plus, ils savent très bien que ces placements vont faire augmenter les prix dans le quartier et que cela bannira d’office une partie des habitants. En même temps, ils mettent en place dans ces mêmes quartiers un réseau de télésurveillance visant à augmenter le contrôle général.
Prenons encore l’exemple du réseau RER. Ils construisent un réseau de transport rapide et efficace pour que des gens en dehors de la ville puissent servir quotidiennement de bétail à l’économie de la métropole. Parallèlement ils augmentent la menace de la prison pour celles et ceux qui ne trottinent pas dans la direction souhaitée. Pensez à la surenchère de lois, au développement toujours plus profond de la machine pénitentiaire, aux nouvelles taules, à la multiplication des bracelets etc. Ce ne sont que quelques exemples de leurs projets qui servent clairement à miser sur deux chevaux. D’un coté, ils veulent sans cesse nous sommer de nous intégrer dans ce système, de nous approprier sa logique du travail, de l’argent et de l’autorité et ainsi devenir des citoyens et des consommateurs ‘à part entière’. De l’autre, pour ceux et celles qui ne peuvent pas s’intégrer ou qui rejettent cette logique, un arsenal toujours plus large et manifeste de moyens répressifs leur est réservé. Celui-ci implique tout autant des soi-disant ‘revalorisations’ de certains quartiers qui nous chassent lentement mais sûrement vers les périphéries, que la présence permanente de caméras, de patrouilles de police et de toutes sortes de contrôleurs, jusqu’à la construction d’encore plus de prisons.
La ville est toujours en transformation. Mais pour le pouvoir, elle sera toujours un laboratoire où il tente de développer un ordre basé sur l’exploitation et le contrôle. Un ordre qui trouve son équilibre dans les rapports économiques et autoritaires entre ses ressortissants. Un ordre qui veut rendre impossible et inimaginable des idées de liberté et toute expérience d’autres rapports entre les gens, et essaie d’imposer l’obéissance de chacun.e en établissant sa fausse nécessité dans nos têtes. Si nous faisons le choix de la révolte, parce que nous n’acceptons pas cet emprisonnement, il n’existe pourtant ni recettes ni calculs. Mais si nous voulons essayer de prendre le goût de vivre et rêver de choses totalement différentes, nous devons bouleverser cette routine oppressante.
Attaquons ce qui rend impossible de vivre en liberté
Sabotons leurs projets
Déconstruisons la ville
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[Paru dans Hors service n°40, 12 septembre 2013]