Les anarchistes se sont toujours appropriés des moyens pour faire des idées antiautoritaires et des luttes une matière pour alimenter le dialogue et l’action subversives. C’est en ce sens-là que cette publication se veut aussi un moyen et plus précisément, celui d’offrir un espace pour nourrir le débat international entre anarchistes. C’est pourquoi ces pages laisseront surtout la place aux combats dont le ressort est anarchiste : des luttes autonomes, directes et auto-organisées ; des combats qui poussent vers la destruction du pouvoir sous toutes ses formes ; des luttes qui se déroulent aujourd’hui, comme hier ou qui sont à venir.
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Avalanche numéro 9 – revue internationale de correspondance anarchiste – décembre 2016
Disponible en français, en allemand et en anglais : https://avalanche.noblogs.org/
Editorial :
L’internationalisme est la perspective qui essaye de se débarrasser des concepts imposés de frontière et d’État, puisque la lutte et la solidarité des ennemis de toute domination doivent être portées au-delà de toutes les barrières et frontières du pouvoir. L’internationalisme, c’est prendre en compte la dimension internationale d’incidents et de processus locaux mais c’est également la dimension internationale de l’idée anarchiste – celle d’une perspective libératrice pour chaque être humain où qu’il soit et d’où qu’il vienne. Puisque dans ce monde la libération a toujours un rapport avec la destruction, la base sur laquelle on peut apprendre à se connaître, discuter et se rencontrer loin des identités et des clichés, des masques et de la honte, cette base est aussi celle sur laquelle on parle de nos luttes, de la lutte pour la liberté et la destruction de notre oppression. Où l’on parle de comment on essaye d’exprimer notre hostilité envers toute domination en paroles et en actes.
L’idée de cette publication est de rassembler différentes contributions dans lesquelles les auteurs parlent depuis leur propre perspective et point de vue au sujet de luttes et d’évolutions qui se déroulent là où ils vivent, rendant possible à un lectorat internationaliste de les comprendre. Avalanche est à la fois une tentative pour stimuler un discours réciproque et enrichissant et pour créer un cadre dans lequel développer, à terme, des correspondances. Une correspondance au sens de l’idée et de la possibilité de reprendre des questions et des perspectives d’autres contributions pour les retourner ou les porter plus loin en direction de sa propre réalité ou les critiquer et les questionner. De cette manière peut potentiellement surgir un stimulus, une intensification de la perspective et une clarification des idées. Bien que ce soit un gros dé , parce que ça demande la participation active de différents compagnons. Peut-être que ceci précisément est fondamental pour l’internationalisme : les relations ne prennent pas simplement vie là où l’on se plait et se consomme l’un l’autre, et où l’on reste toujours séparé par les distances, non, mais plutôt là où l’on se stimule l’un l’autre – et où l’on se confronte au dé de se réunir pour avoir a aire l’un à l’autre, pour honnêtement et directement exprimer les vraies idées, propositions et critiques.
En ce sens, nous voulons nous confronter à la réalité des relations internationalistes et voir, par qui les contributions – donc de nouveaux textes ou des textes déjà publiés accompagnés d’une courte introduction – sont-elles envoyées, et avec qui il est possible de discuter au sujet de possibles contributions – et aussi d’interviews – au lieu de construire artificiellement une participation en publiant des articles d’autres publications ou d’internet. Et il est certain que de vraies relations semblent donc être une base plus fertile pour demander et approfondir des contributions à ce projet. Peut-être qu’approfondir quelque chose est un aspect important qui se perd à bien des égards dans le monde d’internet. Approfondir « Qu’est-ce qui se déroule en ce moment ? Où voulons- nous allez ? Et comment et de quelles façons ? » Des questions fondamentales qui devraient être à l’origine de chaque projet et relation affinitaire, et auxquelles on est confronté encore et encore. Et précisément par ce que ces questions sont quelque chose d’essentiellement individuel, y « répondre » ne peut venir de personne d’autre que de nous-mêmes. Ceux qui sont réellement sur place et impliqués dans les luttes savent probable- ment mieux décrire et analyser ce qui s’y passe et vers où ils veulent aller. Le rôle de ceux qui pensent pou- voir tout expliquer aux autres ou récupérer des luttes pour eux-mêmes ouvre la voie à l’idéologisation et à la délégation. Une relation ne peut pas se développer sur base de cadres préfabriqués d’explication et de perception préjugée, sur l’abstraction de réalités concrètes et l’objectivation d’individus, mais seulement là où tout le monde parle pour soi-même. Ceci est la base sur la- quelle nous imaginons ce projet et depuis laquelle nous appelons tout ceux qui se sentent en affinité avec ce projet à y contribuer.
La traduction, la lecture et la diffusion de différents textes, le voyage et la discussion, la réunion et en partie la réalisation de différentes entreprises sont toutes des choses que beaucoup de compagnons partagent et pratiquent dans un cadre international. Mais souvent, le niveau commun en reste à s’échanger des informations et des histoires, ce qui est inspirant et important mais ne peut pas vraiment rompre le sentiment de vivre dans deux mondes séparés. Une séparation qui ne saurait être rompue en feignant de mener un combat commun ensemble, tant que pour ce commun, ce que nous partageons d’analyses individuelles et de méthodes, de perspectives et d’imaginations n’est ni demandé ni recherché. Est-ce la proposition que l’on se fait l’un à l’autre, de simplement reproduire ce qu’on fait là où on est ? Ou bien est-il possible – sur base d’une correspondance et de la connaissance de contextes spécifiques qui en découle – de développer une proposition commune ? Non pas comme une construction figée mais comme un noyau d’analyses et d’affinités communes – comment serait-il dès lors possible de développer une vraie connexion entre différents projets de lutte ? Sans tomber dans l’illusion que nous serions alors tous sur la même longueur d’onde, que nous devrions être plus nombreux ou plus fort et plus puissant – non, le conflit asymétrique qui refuse toujours d’imiter le modèle et la méthode de la domination est à la base de notre anarchie. Mais plutôt parce que nous avons vraiment tous une boule sous nos pieds et les processus de pou- voir ne traversent pas seulement le cadre de pays isolés mais portent en eux-mêmes une projection intégrale et globale. De profonds changements dans l’infrastructure du pouvoir sont en train d’avoir lieu. Il a par exemple été possible en quelques mois de fermer les derniers interstices dans les frontières de l’Europe, les contrôlant avec l’aide de la police et de l’armée et d’installer un système transfrontalier de rapatriement, d’expulsion et de camps qui concentrent les migrants indésirables aux portes de l’Europe. D’autres processus également, qui – selon les endroits – se montrent spécifiquement mais se développent internationalement et presque sans perturbation, sont sur le point de transformer la réalité de nos contextes bien au-delà de la simple construction d’une nouvelle manifestation spécifique de la domination (regardons par exemple les projets dans le domaine des prochains approvisionnements en énergie, des nouvelles technologies et des « smart cities »). Mais puisque ces projets se développent de manière transfrontalière, ils nécessitent pour leur réalisation au-delà et au-dessus du cadre de frontières isolées les mêmes circonstances et infrastructures non perturbées, la même résignation sans imagination et le même manque d’initiative de la part des opprimés… Voici peut-être le terrain qui essaye de comprendre les réalités et les circonstances des changements en cours, et une base – en partant d’analyses spécifiques – pour trouver des éléments communs et voir comment la perte de contrôle à travers les frontières de la domination et la connexion des luttes peuvent s’accomplir.
Avec la tentative de faire circuler la rédaction de cette publication, nous sommes face à une tentative d’internationalisme pratique – une décentralisation et une expérience. Peut-être que cela peut aussi nous aider à découvrir ce que voudrait dire de nos jours développer une projectualité insurrectionnelle internationaliste.
Quelques anarchistes vivant quelque part en Allemagne
Sommaire :
– Suède – Que le feu se propage
– Allemagne – Qui a peur du terrorisme ?
– France – Jamais en rang, jamais à genoux ! A bas toutes les armées !
– Pays-Bas – Entretien avec des anarchistes de Den Haag
– Débat & Commentaire – La reproductibilité de l’attaque et l’organisation informelle