Le 25 octobre 2011, Jéjé s’est fait interpeller pour deal de shit.
Il a fait une garde-à-vue durant laquelle il a refusé le prélèvement
ADN. Il est convoqué ce 14 décembre à 9h, en CRPC (comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité) au tribunal d’Alès [1].
Au cours de la garde-à-vue, en plus d’inculper Jéjé pour
insoumission au fichage et commerce illégal, les flics ont mené
plusieurs interrogatoires portant sur ses relations et idées
politiques (mouvement contre la réforme des retraites, venue du
président à Alès, rapport avec des organisations politiques, avis
sur la tenue d’un G20 à Nice, etc…). Questions auxquelles il a
refusé de répondre. On nous veut exploités et dociles, isolés et
fragiles face à la loi de l’économie et du capital. Il s’agit pour
les flics d’identifier et de surveiller les formes de résistance à
la misère et de critique du système. Ainsi, c’est une condition
sociale et ses velléités de s’en sortir qui sont criminalisées.
Père célibataire de deux enfants, précaire quelconque, Jéjé se
démerde comme il peut pour assurer le quotidien. Dans un monde où
l’argent et la propriété font tout, la justice condamne des milliers
de Jéjé qui se sont fait prendre à vouloir s’en sortir un peu moins
mal. Le banc des prévenus est rempli de dépossédés, d’enragés
rongeant leur frein, que la justice prétend remettre dans le droit
chemin par ses sermons hypocrites et ses condamnations vengeresses.
Une justice de classe donc, qui, quotidiennement, condamne en
fonction de critères socio-économiques, en renvoyant l’accusé à ses
« erreurs » personnelles. Le prévenu serait le seul « coupable » de
la situation, pour dégager toute responsabilité à la société. En
individualisant ainsi son exercice, la justice cherche aussi à nous
priver de nos moyens de nous défendre, en ôtant le caractère
politique de la légalité et du crime. Chaque affaire est le
miroir des inégalités et de la misère sociale.
La logique de contrôle et de répression se développe de manière
exponentielle, sous l’impulsion d’une logique sécuritaire et grâce à
la massification de l’informatique : en 2010, près de 60 fichiers de
police et gendarmerie étaient recensés, auxquels il faut y ajouter
plusieurs dizaines, gérés par les diverses administrations et ceux
des entreprises privées (sites internet, grande distribution,
officines de sécurité…). Cette frénésie du classement permet à
l’État, grand gestionnaire des ressources humaines, de manager et de
contrôler la population, de la masse à l’individu. Elle engendre la
banalisation du fichage afin de gérer le prolétariat dans ses
déplacements et ses loisirs : d’optimiser son exploitation. Avec
l’aide de ses conseillers, sociologues et autres spécialistes des
sciences humaines, il isole des catégories sociales, qu’il surveille
et réprime spécifiquement : « clandestins », « gens du voyage »,
« bandes de jeunes », « islamistes », « anarcho-autonomes », etc…
L’État déploie un arsenal répressif pour distiller la peur, pour
prévenir et endiguer les révoltes et insoumissions. Il doit
préserver les valeurs essentielles qui fondent et entretiennent les
inégalités sociales : respect de l’autorité, propriété privée,
travail, morale. Il doit défendre sa classe et ses valeurs,
aujourd’hui plus crûment que dans un passé récent, face aux flots de
pauvres, d’ici ou d’ailleurs, produits par la machine capitaliste.
Ce ne sont pas les dérives d’un système qui glisserait vers un autre
(fasciste ou totalitaire), c’est l’État et son régime démocratique
qui adapte sa gestion de la population aux nécessités économiques.
Les sciences (ADN, biométrie, vidéo-surveillance…) apportent dans
le domaine répressif une contribution notable [2] . La justice, pour
condamner, se drape d’une prétendue objectivité. Elle utilise tout
un tas d’experts (psychiatres, graphologues, experts en
balistique…) pour établir la « preuve formelle ». C’est une cour
de spécialistes, tous renfermés dans leurs domaines désincarnés, qui
imposent leurs sentences aux accusés. L’utilisation des profils ADN
s’intègre en plein dans cette mascarade. Le refus d’être enregistré
dans le FNAEG est un acte d’insubordination et de protection face à
la logique du fichage génétique.
Des solidarités sont à construire et à multiplier pour sortir de
l’isolement et du cloisonnement dans lequel le système cherche à nous
maintenir. Rencontrons-nous pour discuter et affirmer notre solidarité,
face à cette justice de classe.
Rassemblement le 14 décembre 2011, à partir de 9h, devant le palais de justice d’Alès.
[1] Pour voir des informations sur les procédures et nos droits, il
existe un traité de self-défense juridique « Face à la Police / Face à
la Justice », consultable sur http://www.guidejuridique.net/
[2] Pour plus d’informations sur l’ADN, on trouvera les trois brochures
« L’apparence de la certitude, L’ADN comme « preuve » scientifique et
judiciaire », « Du sang, de la chique et du mollard ! » et « « Ouvrez
la bouche », dit le policier », sur le site http://adn.internetdown.org/.
Collectif contre la répression Kalimero sous le soleil :
kalimerosouslesoleil [a] no-log.org