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Cet appel constant à « l’État providence » est le crédo dominant du cycle de lutte actuelle : s’enferrant dans la défense des droits existants et des acquis sociaux, les luttes et les mouvements n’arrivent pas à se dégager d’une stricte réactivité qui consiste à évoquer un contre modèle de stabilité et de sécurité incarné par l’État providence et l’État de droit. Cette limite s’inscrit dans le cadre de la défaite du mouvement ouvrier, de la restructuration qui s’opère à partir des années 70. Au sein des luttes, le sentiment d’appartenance à la classe s’efface progressivement au profit de la figure du citoyen.
Face à l’appauvrissement des classes populaires au profit du capital et au renforcement de l’arsenal juridique, il ne s’agit pas de délaisser le champ des luttes revendicatives ou de dire que toutes les législations se valent. Il s’agit de prendre acte de l’offensive du capital et de la combattre, sans pour autant s’enfermer dans une défense de l’État providence, qui est le prolongement étatique de la restructuration du capital après-guerre.
L’enjeu est de taille car une véritable chape de plomb doctrinale se constitue, prenant notamment appui sur des slogans tels que « nos luttes ont construit nos droits ». Or, ces droits n’ont pas été « conquis de haute lutte » ; ils formalisent un rapport de force à un moment précis (souvent la fin d’une lutte) entre deux positions aux intérêts antagoniques. On fait du droit tel qu’il est le but des luttes sociales passées et non leurs limites mises en forme par l’État et le Capital. Cette illusion rétrospective établit que la somme des victoires de la lutte des classes n’est pas autre chose que l’édification lente, laborieuse et linéaire de codes juridiques. Certes des protections, des garanties ont été mises en place à l’issue de ces luttes, mais il s’agit d’avantages restreints et d’aménagements de l’exploitation. Et cela s’est fait au prix du désarmement de l’offensive et reste bien en deçà de ce qui s’y jouait : l’élaboration de solidarités de classe, de pratiques collectives et de contenus subversifs et révolutionnaires.
Les luttes, concrètement, n’ont pas pour objet des droits. Si la Bastille a été prise, ce n’était pas pour obtenir le droit de vote mais parce que c’était un dépôt d’armes. De même, si les mal logés sont en lutte, c’est avant tout pour avoir un logement. La revendication du « droit au logement » est toujours le fait des associations et des partis qui viennent se poser comme seuls médiateurs crédibles et font carrière en négociant par-dessus la tête des collectifs.
Cette position qui réduit tout à la défense du droit empêche donc la ré-appropriation de formes de luttes qui n’ont jamais été inscrites dans le droit mais qui ont toujours appartenu aux mouvements comme la grève sauvage, les auto-réductions, les ré-appropriations collectives ou le sabotage. Nous laissons aux adorateurs du code du travail le choix d’inscrire dans les textes juridiques le droit au refus du travail, à la grève sauvage, à la destruction de machines, au sabotage, à la bastonnade des petits chefs, à l’incendie des usines et à la défenestration des patrons.
Voir dans le droit la finalité de toutes les luttes passées et présentes, empêche tout renversement de perspective qui viserait la critique de l’État, de la démocratie et de la propriété privée, non pour les réformer ou les fuir dans un prétendu « en-dehors » mais pour les abolir. S’affirmer solidaires d’actes dénoncés comme irresponsables alors qu’ils ont toujours été des outils de la lutte de classes, réaffirmer par là leur contenu politique et leur appartenance à la conflictualité de classe va dans le sens de ce renversement de perspective.
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[extrait de Contribution aux discussions sur la répression antiterroriste, octobre 2009]