Mexico/Paris : A propos d’un « Repas solidaire pour les prisonnièr-e-s incarcéré-e-s au Mexique »

À la mi février deux compagnonnes anarchistes emprisonnées au Mexique, Amélie et Fallon, ont écrit une lettre critiquant un événement de solidarité organisé dans un musée de Mexico pour elles et pour d’autres prisonniers avec qui elles n’ont pas d’affinité, et ceci sans leur en souffler mot. Voici un extrait de cette lettre :

« Le 14 février un événement va avoir lieu dans le Museo de la memoria indómita avec pour objectif de récolter de l’argent pour les prisonnier-es politiques et anarchistes. Étant en prison, l’information que nous avons sur cet événement est minime. Nous ne savons pas qui l’organise, mais nous savons que nos noms apparaissent sur la liste des prisonnier-es pour lesquel-les il est prévu. Nous souhaiterions expliquer qu’il nous semble étrange que des personnes que nous ne connaissons pas et avec lesquelles nous n’avons pas d’affinités utilisent nos noms sans nous prévenir. Ce n’est pas parce que nous sommes en prison que nous n’avons pas de voix. Ces cérémonies de solidarité où sont mélangé-es tou-tes les prisonnier-es nous font penser à une récupération aveugle de personnes emprisonné-es. […] Depuis le début, nous sommes restées fermes sur nos positions et dans nos ruptures. Il nous semble très bizarre de voir nos noms à côté de ceux de Brian Reyes, Jacqueline Santana et de Jamspa dans un événement public de solidarité. Leur intention est peut-être de construire des relations entre différentes bandes. Nous le comprenons, mais nous savons aussi que cette absence de relations a des raisons. Certaines méthodes et intentions sont bien différentes et il y a des ruptures probablement irréconciliables. […]
Ceci dit, nous n’avons d’affinités avec aucune des personnes mentionnées -sauf Carlos-, pas plus qu’avec celles qui organisent l’événement. Elles ne prennent pas en considération les ruptures existantes, mais ne font que reproduire le “prisonniérisme”. Nous ne voulons pas être récupéré-es. Qu’ils fassent leurs événements de solidarité, mais sans nos noms. Ceux qui nous soutiennent savent pourquoi et ont des affinités avec nous. […] »

Quelques jours avant la sortie de la lettre des deux compagnonnes, nous avons pu voir sur deux sites (ici et ici) l’annonce d’un événement organisé à Paris « en solidarité avec les adhérents à la sexta zapatiste : Alvaro Sebastian Ramirez (Oaxaca), Alejandro Díaz Santis (Chiapas), Mario Luna (tribu Yaqui). Les compagnon-n-e-s anarchistes incarcéré-e-s à Mexico : Fernando Bárcenas, Abraham Cortés, Fallon Roullier, Amelie Trudeu et Carlos López. Les étudiant-e-s arrêté-e-s, suite aux manifestations pour les 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa : Luis Fernando Sotelo, Jacqueline Santana et Bryan Reyes ». Rien que ça !

La lecture de cette annonce nous a laissé perplexe et nous avons immédiatement pensé que ça ne plairait pas aux compagnon-ne-s de voir leurs noms utilisés de cette façon et associés à des personnes qui n’ont rien à voir avec elles. Et la lettre d’Amélie et Fallon a en effet remis les pendules à l’heure, car que ce soit à Paris ou à Mexico le problème reste le même. Et comme il est très bien dit dans le texte d’appel à la soirée parisienne, « la solidarité devient dérangeante », en effet, mais pas de la façon dont l’entendent ses auteurs. Ici elle est « dérangeante » car elle ne prend pas en compte la volonté des compagnon-ne-s emprisonné-e-s, elle est « dérangeante » car elle ne prend pas en compte l’individualité de ces prisonnier-e-s mais les mélange tous dans le même saladier. Elle est « dérangeante », car se solidariser avec quelqu’un, c’est informer sur les raisons de sa situation. Si cela avait été fait, les organisateurs se seraient rapidement rendus compte que ça n’a aucun sens d’organiser un événement de solidarité avec des gens qui n’ont vraiment rien à voir les uns avec les autres. Leur seul point commun est d’être en prison au Mexique, rien d’autre ne les relie, contrairement à ce que dit le texte pour la soirée, qui les définit comme « la société civile organisée ou non », et énumère la liste des ingrédients de ce mesclun pourri : « les jeunes, les étudiant-e-s, les organisations sociales, les indigènes, les militant-e-s, les encagoulé-e-s, les casseur-e-s, les anarchistes, les squatteurs » [sic !].

Un petit rappel des faits. Fallon, Amélie et Carlos ont été.e.s arreté.e.s suite à des jets des pierres et de Molotovs sur un bâtiment du Ministère des communications et des transports de la ville de Mexico et un concessionnaire Nissan. Il ne s’agit pas de victimes. Nos compagnon.e.s ont choisi d’attaquer, l’ont fait et malheureusement sont tombé.e.s dans les mains de l’ennemi. Ce n’est pas une histoire de « vague répressive », « d’abus de pouvoir » ou de « la main de fer de l’État », ni de l’autoritarisme du président Peña Nieto. Nous aimons penser qu’Amélie, Carlos et Fallon auraient pu faire ce qu’il/elles ont fait aussi ailleurs, dans le Canada démocratique ou la France des Droits de l’Homme. Et leur coller dessus une « étiquette » de « victime » ou de membres d’une quelconque « société civile », c’est au moins cacher ce qu’il/elles sont. Il ne s’agit pas de solidarité, mais bien au contraire de politique faite sur leur dos.

On comprend bien qu’il y a ici une volonté de faire croire que ces gens sont connectés les uns avec les autres, qu’ils ont quelque chose en commun. Or quel est le lien entre un anarchiste et un zapatiste ? Pour essayer de répondre à cette question il y a un texte écrit par des compagnons anarchistes mexicains, qui dit notamment ceci :

« Comment peuvent-ils [des collectifs et individus anarchistes du Mexique] participer à cette condamnation de la violence antagoniste si le fait même d’être anarchiste signifie de fait une posture violente contre l’ordre établi ? Comment peuvent-ils faire des alliances avec une organisation qui cherche à construire la démocratie si, nous, nous ne croyons pas en la démocratie, ni dans les drapeaux, les patries, les hymnes nationaux ? Comment peuvent-ils croire en un mouvement de masse ? Comment peuvent-ils penser que nous allons pouvoir nous mettre d’accord avec des marxistes, trotskistes, léninistes, communistes, pacifistes… ? Quelle affinité idéologique peut-on avoir avec une organisation de style marxiste ?
Nous, nous croyons en une affinité qui dépasse le fait de se déclarer anti-capitaliste, ou de se dire activiste, ou d’être contre l’État et le système démocratique actuel. Nous croyons en la création de groupes d’affinité, partant d’une pratique réelle, qui s’opposent et se confrontent au pouvoir. Nous croyons en la destruction du système, et pas en sa possible transformation et réhabilitation. Nous croyons en la confrontation directe sans besoin de justifications comme l’autodéfense ou la résistance. Ces différences au sujet des formes d’agir, objectifs et moyens de la lutte, que maintiennent les zapatistes et La Otra Campaña, font que nous nous tenons à distance d’eux. »

Pour finir, nous reprenons encore les mots d’Amélie et Fallon, « Ce n’est pas parce que nous sommes en prison que nous n’avons pas de voix ». Car il nous paraît toujours aussi nécessaire de critiquer le prisonnierisme, et de rappeler que les prisonniers de la guerre sociale ne sont pas des pions, ni des variables, ni un gros tas informe de corps éloignés qui n’ont pas leur mot à dire, et qui sont hors de la société et de nos vies. C’est ce que voudraient les Etats, cela s’appelle l’isolement. Mais il reste encore de nombreux moyens d’entretenir des contacts avec nos prisonniers à travers le monde et de briser cet isolement, par l’attaque oui, mais on peut aussi leur envoyer des courriers pour leur demander leurs avis plutôt que de les utiliser comme de la vulgaire chair à canon politique.

Solidarité avec Amelie, Fallon et Carlos.
Feu à toutes les prisons.

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[Publié sur la Base de données anarchistes le 27 février 2015]

 

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Lucioles n°21 – février 2015

Cliquer sur la première page pour télécharger Lucioles n°21.

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Les lucioles on les voit parce qu’elles volent la nuit. Les insoumis font de la lumière aux yeux de la normalité parce que la société est grise comme la pacification. Le problème, ce ne sont pas les lucioles, mais bien la nuit.

https://lucioles.noblogs.org/

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[Marseille] Solidarité avec les inculpé-e-s de l’Opération Pandora

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Marseille – Solidarité avec les inculpé-e-s de l’Opération Pandora

Jeudi 12 février 2015 : Projection du film « Caso Bombas » sur les anarchistes au Chile*

Au squat « le Rage G »

Bouffe vegan et prix libre

Pour l’adresse: blancarde2015 [ a ] riseup.net

*Le film est en espagnol mais les subs sont en anglais

Solidarité internationale avec les personnes inculpé-e-s de l’Opération Pandora

“Pour celles et ceux qui luttent, le sens de la solidarité cherche à faire s’évanouir la solitude de l’enfermement, livrer une bataille contre l’oubli de nos compagnon-ne-s enfermé-e-s par les États, mettre en lumière la logique du pouvoir qui cherche à les conduire à l’abandon.”
– des anarchistes de Pandora

Un an après la finalisation de cette farce qu’était le « Caso bombas », et à travers une autre opération, de ce côté de l’océan cette fois, les ministères, les juges et les policiers espagnols et chiliens ont travaillé de concert sur un nouveau cas. Mónica Caballero et Francisco Solar, tous deux auparavant poursuivi-e-s dans le « Caso bombas », sont arrêté-e-s à Barcelone, sous l’accusation d’avoir posé un engin explosif dans la Basilique du Pilar à Saragosse, de monter une conspiration en vue de réaliser un acte similaire et d’appartenir à une supposée organisation terroriste.

Le 16 décembre 2014, une descente a été faite dans 15 maisons, squats et centres sociaux à Barcelone, Sabadell, Manresa et Madrid, et onze camarades anarchistes ont été kidnappé-e-s par l’État espagnol. Quatre d’entre eux ont été libéré-e-s peu de temps après tandis que les autres ont dû attendre le 30 janvier dernier pour accéder à une liberté surveillée. Pour cela, le juge a ordonné à chacun-e une caution de 3000 euros. Il y a donc un besoin urgent de donations pour payer leurs cautions, s’élevant en tout à 21 000 euros.

Ce kidnapping de sept camarades a, depuis ce jour, déclenché une multitude de rassemblements et de manifestations dans de nombreuses villes. Des milliers de personnes sont venus en solidarité avec les camarades arrêté-e-s, montrant leur rage et leur haine envers cette nouvelle opération répressive de l’État.

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[Reçu par mail, revu et corrigé ici par cestdejatoutdesuite]

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[Espagne – Opération Pandora] Les sept incarcéré/es sortent de prison sous caution !

Le juge ordonne la remise en liberté de toutes les personnes en prison de l’Opération Pandora

Javier Gómez Bermúdez communique aux avocats qu’aujourd’hui seront signées les ordonnances de remise en liberté conditionnelle sous caution de 3.000 euros des sept compagnon/nes incarcéré/es (quatre autres compagnon/nes avaient déjà été libéré/es sous contrôle judiciaire quelques jours après les perquisitions de décembre 2014). En plus des cautions (tout de même 21 000 euros en tout), le juge a rajouté trois pointages hebdomadaires au tribunal le plus proche de leur domicile et la confiscation du passeport. Enfin, il a commencé à définir dans son ordonnance de remise en liberté des rôles en attribuant par exemple au compagnon arrêté à Madrid celui de « leader », notamment parce qu’à son domicile a été retrouvée une facture de l’impression de 287 exemplaires du livre édité par les GAC : « Contre la démocratie ».

Arrêtées le 16 décembre, elles sortiront de prison aujourd’hui. Elles auront passé un mois et demi derrière les barreaux après que les Mossos d’Esquadra aient pris d’assaut leurs domiciles dans le cadre d’une macro opération du nom de Pandora qui, selon le conseiller de l’Intérieur Ramón Espadaler, avait pour objectif la désarticulation d’une présumée organisation de “terrorisme anarchiste”. Des sources judiciaires ont confirmé la libération immédiate qui, coïncidence, tombe le jour où le département de presse des Mossos d’Esquadra a émis un communiqué dans lequel sont détaillées les accusations contre les personnes arrêtées.

Dans leur communiqué, les Mossos accusent les arrêtés de faire partie des groupes anarchistes coordonnés (GAC), qui, selon eux, « adhèreraient aux postulats de l’organisation terroriste FAI/FRI » dont ils seraient la « franchise » espagnole, ainsi que de 9 attaques en 2012 et 2013 (et d’ailleurs pas toutes revendiquées du même nom, mais pour l’Etat chaque signature différente devient celle d’un des groupes composant les GAC !).
- Parmi elles, l’explosion coordonnée d’engins à base de bouteilles de camping-gaz le 10 avril 2013 contre les agences CaixaBank à Barcelone (quartier de Sarrià) et BBVA à Madrid.
- Les Mossos affirment aussi leur relation avec les godemichés-piégés reçus par l’archevêque de Pampelune, Francisco Pérez, et par le directeur d’un centre éducatif lié aux Légionnaires du Christ à Madrid le 21 décembre 2012, plus les trois attaques explosives simultanées contre une agence CaixaBank dans le quartier de El Clot à Barcelone (dont le hall de DABs), trois actions revendiquées par la FAI/FRI. Dans un cas, une personne a été blessée : la lettre envoyée au directeur du centre éducatif a explosé dans le bureau de Poste, blessant légèrement une des employées
- Ils les relient également avec deux lettres piégées du même genre postées le 6 septembre 2013 de Barcelone et envoyées à deux entreprises italiennes domiciliées en Catalogne, et avec une autre troisième lettre « contenant une imitation de mécanisme explosif » reçue par une entreprise de Valence.
- Les Mossos imputent également aux GAC les engins explosifs des 7 février et 2 octobre 2013 contre la cathédrale de l’Almudena à Madrid et la basilique del Pilar à Saragosse, non pas revendiqués FAI/FRI mais respectivement par le « Comando Insurreccionalista Mateo Morral » et le « Comando Insurreccional Mateo Morral » (Francisco et Monica sont incarcérés depuis novembre 2013, accusés de cette dernière attaque).

Malgré la volonté de la police catalane de garder secret le dossier et les actes jusqu’au 22 février, hier le juge a soudain changé de critères et refusé de prolonger l’enquête. Il a aussi mis fin à la détention des sept personnes emprisonnées. Il est prévu qu’elles puissent quitter cet après-midi les geôles des centres pénitentiaires de Estremera, Soto del Real, Aranjuez et Valdemoro, tous situés dans la périphérie de Madrid.

Les démonstrations de solidarité avec les compagnon/nes n’ont pas cessé depuis décembre. Le jour même des perquisitions et arrestations, une manifestation de plus de 3.000 personnes avait parcouru les rues du quartier de Gràcia et, en pleines fêtes de Noël, plus de 1.500 personnes traversèrent le centre de Barcelone et le paseo de Gràcia derrière une banderole où l’on pouvait lire “Le Terroriste c’est celui qui nous condamne à une vie de misère, pas qui se rebelle”. A Madrid, des centaines de personnes avaient aussi participé à une manifestation spontanée le jour même. Les appels en solidarité avec les arrêtés de l’Opération Pandora se sont répétés à Valence, Gérone, Tarragone, Salamanque et Valladolid, entre autres villes. Des attaques solidaires ont également été menées dans plusieurs pays

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[Synthèse de la presse espagnole complétée pour la liste d’attaque avec le rapport des Mossos en catalan, publiée par Les Brèves du Désordre le 30 janvier 2015 -on trouvera des liens dans le texte original-]

 

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Auto-organisation et action directe contre la maxi-prison

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Nous sommes Mamie ?

mamieNous sommes Mamie ?

A quelques jours des fêtes de fin d’année, une jeune dame alerte de 68 ans a été surprise en train de chaparder dans un supermarché de Chissay-en-Touraine(France). La mamie vexée, n’a pas voulue en rester là. Pour se venger, elle provoque une fausse alerte à la bombe le 23 décembre au matin alors que le magasin regorge de clients. En catastrophe, les vigiles évacuent et ferment les portes durant 6 interminables heures, le temps de laisser les pandores inspecter le temple de fond en comble. Résultat des courses, un préjudice de 100.000 euros pour des boutiquiers très, très en colère en cette veille de Noël. Et vlan dans la gueule ! Fallait pas faire chier Mamie lorsqu’elle fait ses courses avec un portefeuille vide !

Le 30 décembre 2014, le tribunal correctionnel de Blois vengeait les adorateurs du Veau d’Or du préjudice subi en condamnant Mamie à 6 mois de prison avec sursis alors que le procureur en avait demandé 2, mais fermes. Elle a expliqué à l’audience avoir voulu punir le magasin et son gérant en ciblant expressément cette période de fêtes, sachant que la fréquentation serait très élevée.
Même si cette anecdote peut paraître au premier abord d’une extrême banalité, elle nous en dit bien plus long sur l’horreur de notre monde que tout un traité de sociologie. Derrière cette petite vengeance de classe réalisée par une vieille prolette usée par la survie, s’expriment tous les paradoxes qui étreignent quotidiennement les éternels laissés-pour-compte du rapport social qui gouverne nos vies. Poussée par la logique mercantile qui nous domine, la soumission de la mamie, s’exprimant par sa volonté de participer elle aussi à l’orgie consumériste de fin d’année, nous apparaît dans un premier temps comme un simple rouage participant/reproduisant le capitalisme ; alors qu’au même instant son portefeuille vide lui rappelle que c’est elle (au travers des autres prolos, ses frères de classe) qui produit et reproduit l’ensemble du monde existant ainsi que ses « richesses » ; alors qu’elle n’est RIEN et ne possède déjà plus rien. D’objet du capital, elle se transforme alors en sujet de sa propre vie en posant au travers du vol un premier acte pratique de critique sociale -en expropriant les expropriateurs- c’est-à-dire les bénéficiaires de cette grande dévoreuse d’hommes qu’est l’économie. Le deuxième acte (menace d’attentat) n’étant que la suite logique du premier ; frapper là où cela fait mal au capital : dans sa valorisation.
Cette réalité -qui, elle, n’est pas anecdotique- fait la nique à l’énorme vague d’« Indignation Nationale » qui a traversé la France et l’Europe. Le torrent de boue médiatique a voulu nous griser et nous faire oublier cette énorme contradiction qui mine l’ensemble de notre monde civilisé : nous sommes la classe qui produit tout et nous survivons dans une misère indescriptible. Cacher l’extension de la paupérisation, unique quotidien d’un nombre croissant de damnés sur cette Terre, est devenu impossible. La grande mascarade de la réconciliation nationale, d’une hypothétique paix entre les loups et les moutons, les bourreaux et leurs victimes, les exploiteurs et les exploités ne peut durer éternellement. Cette saoulerie patriotarde, abreuvée de Marseillaise, de flon flon tricolores et d’appels au renforcement des « valeurs de la République », ne suffira pas à masquer toute la pauvreté et la violence grandissante des rapports entre les hommes, entre ceux qui possèdent tout (non seulement les objets mais aussi les hommes qu’ils soumettent par l’argent) et ceux qui ne parviennent même plus à se vendre contre un salaire. L’inouïe violence de cette combinaison a beau se présenter comme la civilisation où règne la « paix, l’harmonie et l’abondance », beaucoup ne sont plus dupes de cette supercherie. Le terrorisme au quotidien des possédants, c’est ce que les attentats de Paris et la déferlante laïcarde qui a suivi essayent de nous faire oublier. Ces deux évènements que tout semblent opposer, recouvrent pourtant la même réalité : la nécessité de la reproduction du monde marchand. L’Union Nationale actuelle, ne résoudra rien des horreurs dans lesquelles patauge notre civilisation du gadget. Ce n’est qu’un simple répit. Tout est reporté à plus tard avec le risque pour les puissants de demain de voir tout ceci finir par leur péter à la gueule, tellement l’écart se creuse entre eux et le reste de l’humanité. Il n’y a qu’un seule fantôme qui hante les bourgeoisies à travers la planète : non pas quelques ridicules attentats mais bien une vaste explosion sociale.
L’angoisse de la précarité, du lendemain, du déclassement, de se retrouver à la rue ; le repli sur soi, le stress au turbin, la peur de l’autre, la concurrence entre tous, les suicides, les calmants, l’ennui… et la misère ont beau pousser les prolétaires bourrés encore d’illusions à courir se réfugier dans les bras -grands ouverts- de l’État pour y chercher réconfort et protection, le voile ne peut que se déchirer ; et violemment. L’État, comme ultime garant -car armé- du rapport social dominant, ne peut pas leur offrir cette paix qu’ils désirent tant mais la seule qui lui importe : la paix sociale doublée d’une paix des tombes s’il arrive au prolétariat de vouloir, dans un sursaut libérateur, défier son monopole de la violence. Car la guerre que mène le capital/État n’est pas ce qu’il prétend (lutte contre le terrorisme) mais est dirigée contre tous ceux qui ne se soumettent pas à sa loi : celle du profit. L’État sert à réprimer, embastiller, expulser, exclure, reléguer, humilier… et massacrer les prolétaires insoumis qui refusent de vivre à l’ombre des matraques. Car la France c’est aussi une puissance capitaliste mondiale qui mène diverses guerres au même instant qu’elle réprime les subversifs qui mènent la lutte contre son enfer, dont quelque part Mamie. De la Syrie, à l’Irak tout en passant par le Mali, la Lybie, l’Afghanistan, le Congo, le Brésil…, ce que les Parisiens ont connu dans leurs rues, n’est qu’une infime partie du quotidien que la France, comme puissance impérialiste, offre à des milliers de prolétaires à travers le monde avec ses avions de combats, ses drones, ses chars, ses professionnels de la mort qui défendent si bien les intérêts du « made in France ». Les manifestations d’Union Nationale de ces derniers jours voudraient renforcer tout cela et nous faire croire que l’État est là -éternel- pour nous protéger contre un ennemi réel voire imaginaire, manipulé ou non, alors que derrière tous les discours, toutes les pratiques de nos maîtres, ne se cache qu’une seule et unique volonté, celle de renforcer leur terreur partout sur Terre, aussi bien ici que là-bas. Les 10.000 hommes armés supplémentaires dans nos rues (les mêmes qui mènent les guerres là-bas) ne sont rien d’autre que la face visible du terrorisme d’État et la justification des massacres de par le monde, en même temps que la préparation des futures répressions – ici ! La terreur c’est cette société qui la produit par la guerre sociale qu’elle nous livre au quotidien. L’État fait partie de ce rapport social, il n’est ni au-dessus, ni à côté. Pour vivre en paix il nous faudra le détruire, lui et ce misérable monde marchand qu’il défend dans le sang.
Tout refus de l’Union Nationale qui ne partirait pas de cette approche ne pourra être à court ou à long terme qu’un renforcement du capitalisme et de sa terreur planétaire comme le fut l’anti-fascisme hier, et le sera l’anti-islamophobie peut-être demain !
Ne nous leurrons pas : notre unique ennemi, c’est l’État, le seul terroriste, c’est le monde existant et l’unique solution reste et restera la Révolution sociale, la destruction de fond en comble du capitalisme !

Ni dieu – ni maîtres – ni esclaves !

Des Internationalistes
Bagdad-Paris-Damas-Berlin, le 15 janvier 2015

Pour continuer cette réflexion, relire : « Terreur et union Nationale », Ravage Éditions, 2012.

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[Repris de La Base de données anarchistes]

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[Paris] Compte-rendu du procès contre deux compagon-ne-s arrêté-e-s lors d’une diff à Belleville

Le 14 janvier 2014 a eu lieu le procès des deux compagnon-ne-s arrêté-e-s le 27 octobre dernier à Belleville pendant une distribution du journal Lucioles n°19 : le motif de l’arrestation était celui d’« injure publique » liée aux propos du bulletin (plus précisément l’article « Maïs chaud et harcèlement de rue à Belleville » lisible ici), mais c’est le refus catégorique de donner leurs empreintes et photos qui est resté le seul chef d’inculpation de leur garde-à-vue de 24h suivie d’un déferrement au TGI de Paris. Une garde à vue où les compas n’ont pipé mot bien sûr.

Le procès, qui s’est déroulé sans leur présence, a tourné court puisque le dossier était « vide » (aucune déclaration des inculpé-e-s) et surtout, une bonne chose à savoir, on ne peut pas légalement être condamné pour un refus de signalétique s’il n’y a pas de poursuites pour le délit ayant motivé la prise d’empreintes/photos. Une procédure pour injure publique n’ayant même pas été entamée, juge et procureur étaient donc à l’unisson sur la seule issue possible : la relaxe.

Retenons cependant que les flics ont tout de même essayé de mettre la pression sur les compagnon-ne-s par une garde-à-vue pour une « simple » diff : un moyen pour eux de tenter de décourager ceux qui veulent disséminer la révolte contre la guerre aux pauvres dont ils sont les nervis dans le quartier, à côté de l’autre face de la gentrification : rénovation urbaine, galeries d’artistes, participation citoyenne etc.

Faisons fi des bâtons qu’ils tentent de mettre dans nos roues, continuons à diffuser la guerre sociale !

Quelques contributeur/trices de Lucioles

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[Publié sur le -nouveau- site du journal Lucioles le 22 janvier 2015]

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[Paris – mercredi 21 janvier 2015] Procès pour un collage contre les flics !

Le 6 novembre dernier à Belleville, deux personnes sont arrêtés pour un collage d’affiche appelant à une manifestation contre la police et le barrage du Testet. Elles passent en procès le 21 janvier prochain.

Suite à la mort de Rémi Fraisse le 25 octobre 2014, tué par la police lors de la lutte contre le barrage de Sivens, des mobilisations ont lieu partout en France.

Dès le début, le pouvoir fait tout pour étouffer et empêcher que ne se propage la révolte. Que ce soit par le biais de sa propagande relayée dans les médias, faite d’omissions volontaires, de manipulations et de mensonges plus ou moins grossiers ou que ce soit par le biais de la répression directe de toute action de solidarité.

À Paris, les premiers rassemblements ou manifestations, qu’ils soient déclarés à la préfecture ou pas, sont interdits et empêchés. À chaque fois, le dispositif policier est imposant, et vise à que rien ne se passe. Contrôles d’identité à la pelle : parce qu’on se rend à une manif, parce qu’on diffuse des tracts, parce qu’on porte un sac à dos… Garde-à-vue parce qu’on a un canif, ou parce qu’on refuse de donner son nom… Arrestations préventives injustifiées pendant presque 6 heures… Intimidations par des flics directement au domicile quelques heures avant une manifestation.
Il ne s’agit pas de s’en offusquer ou de crier au scandale. On sait à quoi on peut s’attendre du pouvoir ; on sait qu’il s’encombre de plus ou moins de précautions en fonction des personnes qu’il réprime et du contexte social.

Le 6 novembre à Paris, dans le quartier de Belleville, quelques personnes entament un collage d’affiches contre la police et appelant à une manifestation le 8 novembre. Arrive alors une camionnette de police de la BST. Deux flics en descendent et se dirigent vers deux deux colleurs. Ils semblent connaître le sujet de l’affiche et se montrent agressifs. Les deux sont embarqués vers le commissariat. Pendant tout le trajet, les flics les filment avec leur téléphone personnel et s’étonnent de leur refus de dialoguer. Au commissariat du 5ème, les copains se rendent vite compte qu’il ne s’agira pas d’un simple contrôle d’identité. Ils sont placés en garde-à-vue pour « provocation directe à la rébellion », en l’occurrence pour l’affiche. Les auditions s’enchaînent mais les poursuivis n’ont toujours rien à déclarer. Après 24 heures, et une « supplétive » pour « refus de se soumettre à un prélèvement génétique », ils sont envoyés au dépôt, avec le regret des flics de n’avoir pu prolonger la garde-à-vue (la prolongation est limitée théoriquement à des faits passibles d’au moins un an de prison). Après 20 heures, et un nouveau refus de prélèvement, ils finissent par passer devant un substitut du procureur qui leur remet une convocation pour un :

procès le 21 janvier 2015 a 13h30 devant le TGI de paris – 10ème chambre correctionnelle 1.
pour provocation directe a la rébellion
pour refus de prélèvement biologique.

Plus de 40 heures pour un collage d’affiches. Il est clair que l’intention est d’intimider et que la garde-à-vue est utilisée ici comme une punition en soi. Les procureurs font leur petite cuisine juridique et cherchent les articles et les astuces pour prolonger les délais, pour nous fatiguer et nous garder le plus longtemps possible enfermé.

On se laissera pas faire, on lâche pas l’affaire !

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[Publié sur Paris-luttes.info le 17 janvier 2015]

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[Belgique] Contre la maxi-prison, les contrôles, les rafles et la transformation de Bruxelles en ville-prison : un compte-rendu de la manifestation sauvage du 14 janvier à Anderlecht

Mercredi 14 janvier, il ne faisait pas froid partout… Une manifestation sauvage a un peu réchauffé les rues d’Anderlecht entre Delacroix et Clémenceau. Vers 18h, un fumigène est allumé, quelques tags sont rapidement faits, et une trentaine de personnes prend la rue derrière des banderoles contre la maxi-prison, les contrôles et les rafles. Il y a une belle énergie, ça gueule « Ni flic, ni maton, ni maxi-prison », « De l’air, de l’air, ouvrons les frontières », « Il est temps de saboter la machine à enfermer », « Il est temps de saboter la machine à expulser », « Feu, feu, feu, à toutes les prisons », « Brique par brique, nous détruirons toutes les prisons »… Des tracts sont lancés sur le parcours. Au niveau du métro Clémenceau, le distributeur de billets d’une banque est cassé, tandis que celui de la STIB résiste aux coups. Autour, il y a des jeunes qui sont trop contents. S’il y a bien sûr toujours les traditionnels badauds qui regardent passer le joyeux cortège dans l’indifférence, il y a aussi quelques gestes et paroles de solidarité avec la manifestation : des coups de klaxon, des « feu aux prisons », etc. Au croisement des rues Clémenceau et de la Clinique sont attaquées les dizaines de vitres du bureau d’ingénieurs VK Engineering qui se fait du fric sur la construction de nouvelles prisons. Plusieurs groupes de personnes applaudissent. Certains veulent rejoindre la manifestation, malheureusement un peu trop tard, c’est le moment où le cortège se disperse. Mais là ou ailleurs, ce n’est que partie remise !

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[Publié sur Indymedia Bruxelles le 17 janvier 2015]

Voir aussi sur La Cavale

Pour mémoire :
[Belgique] Contre la maxi-prison… les projets de l’Etat ne sont pas invulnérables
[Bruxelles] (tract) Pas de maxi-prison, ni ici ni ailleurs !
[Belgique] Nouvelles de la lutte contre la maxi-prison

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité | Commentaires fermés sur [Belgique] Contre la maxi-prison, les contrôles, les rafles et la transformation de Bruxelles en ville-prison : un compte-rendu de la manifestation sauvage du 14 janvier à Anderlecht

Je ne suis pas Charlie et je t’emmerde

Les parisiens se sont réveillés ce matin, et à travers eux le monde entier, dans une odeur macabre de poudre. Quelques fanatiques religieux, ce ne sont pas les premiers, ce ne seront pas les derniers, ont ouvert le feu lors de la réunion hebdomadaire de la rédaction du journal satyrique Charlie Hebdo. Une douzaine de morts et des blessés, dont une majorité de journalistes et caricaturistes connus de tous et habitués des mass médias, ainsi que deux flics, qui à la différence des autres, recevaient salaire pour se faire tirer dessus. Hormis peut-être chez quelques vieux loups de guerre, la première réaction que ces événements suscitent est l’empathie face à la terreur de cet assaut. En effet, cet attentat qui est le plus meurtrier en France depuis celui, fasciste, du train Strasbourg-Paris le 18 juin 1961 lors de la guerre d’Algérie, ne peut que faire résonner l’effroi face à la détermination et la fuite en avant de ses perpétrateurs. L’effroi, également, face à l’infamie religieuse qui détourne plus que jamais une bonne partie de l’humanité d’une véritable réflexion sur le monde qui l’entoure. A cela, pour nous anarchistes et révolutionnaires, vient s’ajouter l’effroi de la sempiternelle union nationale. Cette union nationale que l’on nous ressort à chaque fois que les États ont besoin de chair à canon prolétarienne. Car ce sont toujours les mêmes à qui l’on demande de se sacrifier sur les sentiers de la gloire pour des intérêts qui ne sont pas les leurs, comme la nation, la « paix » ou la république, pendant que les décisionnaires se grattent le dos sous les dorures de leurs palais.

On nous avait déjà fait le coup il y a cent ans, en 1914, nous exhortant à l’unité face aux « boches », ou il y a quelques années avec « l’affaire Merah », et c’est pareil aujourd’hui. Patrons et travailleurs, prisonniers et matons, flics et « délinquants », riches et pauvres, tous unis main dans la main pour observer le deuil national. Aujourd’hui, il n’y a plus de classes, plus de barrières entre les gens, ni de barricades, pourtant des centaines de milliers de personnes défilent dans les rues de toute la France (et même ailleurs). Mais au fait, qui cela arrange-t-il ? Certainement pas les indésirables qui peuplent les rues de Paris et du monde. Soudain, le terrorisme d’État, le terrorisme républicain et démocratique, les terroristes du fric, versent leurs larmes de crocodiles et se font passer pour les gentils, les djihadistes leur servent l’opportunité sur un plateau qui prend les proportions de l’univers, à tel point qu’il ne nous manque plus aujourd’hui que le maréchal pour prendre la tête de l’organigramme. Mais aujourd’hui il ne s’agit pas de récupérer l’Alsace-Lorraine, il s’agit de « défendre les valeurs de laïcité et la liberté d’expression ». Que de la merde, en somme, pour nous qui voulons détruire toutes les religions, et qui refusons toute liberté d’expression à tout ce qui porte une cravate, une soutane ou n’importe quel autre uniforme ou titre de noblesse.

Chacun y va de son petit commentaire lacrymal, chaque parti, chaque organisation, de tous les bords imaginables et possibles, libertaires inclus [1], nous recrache le discours prémâché des « barbares » à l’assaut du « vivre-ensemble ».

Mais c’est quoi au juste un barbare ?

Arrêtons-nous un instant sur ce terme. Du grec bárbaros (« étranger »), le mot était utilisé par les Grecs anciens pour désigner les populations n’appartenant pas à leur civilisation, définie par la langue et la religion helléniques. Le barbare est donc l’autre, celui qui ne partage pas la même soupe, ou bien celui qui ne la mange pas à la même table. Montaigne disait : « Nous appelons barbarie ce qui n’est pas de notre usage ». Comme nous l’avions déjà dit ailleurs, nous ne connaissons pas de barbares, nous ne connaissons que des individus survivant au sein de cette civilisation morbide. Nous ne connaissons pas d’en-dehors, nous connaissons des exclus, oui, mais ils ne pourraient pas être plus dedans qu’ils ne le sont déjà.
Les « barbares » du jour sont bien loin d’être en-dehors de la civilisation, bien qu’il soit probablement rassurant de le penser pour ses défenseurs. Tout comme le fameux « gang des barbares » en son temps, ils sont bien de purs produits de la civilisation. Ils en connaissent les codes, en utilisent les outils, et ne sont pas bien loin de ceux qui les fustigent en toute hypocrisie. Car cela ne fait que peu de différence, au fond, si les assassins portent un uniforme vert ou noir, s’ils crient « vive la démocratie » ou « Allahu akbar », s’ils portent un drapeau tricolore ou djihadiste, s’ils sont sanctionnés par l’opinion publique ou non, si leurs boucheries sont légales ou illégales, s’ils nous massacrent pour nous apporter leurs Lumières ou leur obscurité. En commettant leurs macabres exactions ils se mettent tous au même niveau, à partir du moment où ils refusent à l’individu de se réaliser comme il l’entend.

Le terrorisme n’est pas une pratique barbare, c’est une pratique hautement civilisée, la démocratie n’est elle pas née de la Terreur ? C’est pour cette raison qu’il faut combattre la terreur au même titre que la civilisation qui la produit et en a besoin, des « septembriseurs » de 1792 aux peines de prison exterminatrices et à Daesh aujourd’hui. Qui sont ils, ces porcs en cravate qui envoient leurs armées à l’assaut des populations de Centrafrique, d’Afghanistan et d’ailleurs, et qui aujourd’hui nous donnent des leçons de pacifisme lorsque douze personnes sont assassinées à Paris ? Ils sont exactement tous ceux qui défilent actuellement à la TV pour verser quelques larmes à peu de frais pour gagner ou ne pas perdre un ou deux misérables points de plus dans leurs tout aussi misérables sondages d’opinion.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas plus Charlie qu’hier, et la mort ne transforme pas nos adversaires ou nos ennemis d’hier en amis d’aujourd’hui, nous laissons ce rapport au monde aux hyènes et aux vautours. Nous n’avons pas pour habitude de pleurer sur les tombes de journalistes (mêmes vaguement alternatifs ou libertaires) et de flics, car cela fait bien longtemps que nous avons identifié les médias et la police comme les deux armes essentielles de ce terrorisme civilisateur, par la fabrication du consentement, d’une part, par la répression et l’enfermement, de l’autre. Voila pourquoi nous refusons de pleurer des loups avec d’autres loups, ou même avec des moutons.

Ces prédateurs qui nous exhortent aujourd’hui à pleurer en cœur avec eux, à déclarer « Je suis Charlie », ces mêmes prédateurs en costards qui sont responsables de l’essor de groupes et de mouvances horrifiantes comme Al-Qaeda ou Daesh, anciens alliés des démocraties occidentales contre les périls précédents avant de prendre une place de choix sur le podium des périls géostratégiques d’aujourd’hui. Ces mêmes salauds qui chaque jour, dans leurs tribunaux, leurs commissariats, leurs taules, assassinent, enferment, mutilent et séquestrent celles et ceux qui ne suivent pas le chemin tout tracé qu’ils nous imposent à coups de trique et d’éducation. Ces mêmes êtres civilisés qui font crever chaque jour à leurs frontières celles et ceux qui tentent de fuir la misère et les guerres qu’eux-mêmes provoquent, ou leurs ennemis du jour, salafistes et consorts.

Ces salauds-là, nous n’avons aucune envie de les voir continuer à nous civiliser ou nous supprimer, et encore moins à se serrer les coudes avec eux. Car c’est contre eux que nous voulons nous serrer les coudes, contre eux et contre tous ceux qui sous divers prétextes, religieux, politiques, communautaristes, interclassistes, civilisateurs et nationalistes, ne nous envisagent que comme des pions à placer, à sacrifier, sur un échiquier immonde et absurde. Il est bon, aujourd’hui comme hier et demain, de rappeler ces quelques mots de Rudolf Rocker, lorsqu’il affirmait que « les États nationaux ne sont que des organisations d’églises politiques ; que la prétendue conscience nationale n’est pas née en l’homme mais enseignée à lui. C’est un concept religieux ; on est allemand, français, italien, exactement comme on est catholique, protestant ou juif ».

Cependant, il ne s’agit pas d’amoindrir le danger que représentent ces fous d’Allah, ces amoureux de l’auto-soumission et du masochisme moral. Et si nous sommes aujourd’hui complètement dépassés par leurs capacité à recruter un peu partout pour aller se faire sauter à droite à gauche, il faudra se poser des questions à ce sujet pour sortir de l’incompréhension. Tout en ne cédant pas aux sirènes de ceux qui ne souhaitent que nous diviser encore un peu plus en élargissant à partir d’une infime partie des musulmans, la stigmatisation de toute une population pour arriver au prétendu « choc des civilisations » qui les fait tant rêver, en fait la guerre civile, dont ils ne se rendent probablement pas compte des conséquences qu’elle pourrait avoir pour nous tous.

Et que dire de cet homme de ménage criblé de balles, froidement exécuté, qui n’avait rien demandé ? Qui s’en soucie ? Il n’avait probablement pas de compte twitter, il n’avait probablement pas ses entrées dans le spectacle moderne, il n’avait pas de nom, pas de visage, pas de copain pour le chialer à la TV. Il n’était pas Charlie. Il n’est qu’un dommage collatéral de quelques fous de dieu à la gâchette illuminée, comme tant d’autres en ce moment, comme les millions de victimes collatérales des États à travers le monde. C’est à lui que vont nos pensées ce soir.

Une chose est sûre, il n’y a rien à choisir entre peste et choléra, entre un quelconque dieu avec ses prophètes égorgeurs, crucifiés ou massacreurs et un quelconque État de merde avec ses flics et ses militaires assassins. Nous refuserons encore et toujours la sommation de choisir entre plusieurs formes d’esclavage et de soumission. Le choix que nous voulons faire ne pourra venir que de nous même, et c’est celui de la liberté.

Dans cette époque désespérante, face à la pseudo « unité nationale », face à la guerre civile, aux djihads des fanatiques et aux « guerres propres » des États, il nous faut remettre la guerre sociale sur le devant de la scène, jusqu’à ce que la scène brûle.

Des anarchistes,
le 7 janvier 2015.

Notes

[1] Petit jeu, ces déclarations sont elles extraites du communiqué du Groupe J.B Botul de la Fédération Anarchiste ou bien du discours de Francois Hollande ? : « Nos camarades de Charlie Hebdo viennent de payer un lourd tribut à la liberté d’expression. Plusieurs policiers font également partie des victimes. Nous rendons hommage à tous et à toutes ces victimes. […] les anarchistes respectent la liberté de croyance dès lors qu’elle s’exerce dans le cadre d’une république laïque. »

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[Publié le 8 janvier 2015 sur la Base de données anarchistes]

 

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