[Brochure] Bouts de chemin (Recueil de textes de Gabriel Pombo Da Silva)

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Quelques mots d’introduction

Le compagnon anarchiste Gabriel Pombo Da Silva a déjà passé près de 30 ans en taule, dont une vingtaine dans différentes geôles espagnoles. Il a également affronté la palette de châtiments et de régimes d’isolement dont l’Etat dispose pour tenter de faire rentrer dans le rang celles et ceux qui ne se plient pas à ses exigences.

En effet, Gabriel fait partie de ceux pour qui l’incarcération ne signifie pas la fin de la révolte, ni des désirs de liberté. De mutineries en tentatives d’évasions dans les années 80-90, le système carcéral espagnol a été secoué par de nombreux actes individuels et collectifs de résistance et d’offensive. Pour y avoir participé, Gabriel s’est vu appliquer, comme tant d’autres, le régime FIES1, destiné à éradiquer toute velléité de rébellion.

Cependant, une forte lutte est venue répondre à la mise en place de ce système punitif et de contrôle «dernier cri»2. Menée à l’intérieur par des détenus dans des conditions de tortures quotidiennes et d’isolement extrême, elle a été appuyée à l’extérieur par de nombreuses initiatives et actions de solidarité. Au plan national comme international s’est développée la critique en mots et en actes de la société carcérale qu’il nous faut détruire avant qu’elle ne nous détruise. Ce combat a marqué bien des vies et des esprits, comme il a démontré qu’il peut en coûter au Pouvoir de vouloir briser des individus et d’en finir avec la révolte.

En octobre 2003, Gabriel a décidé de ne pas regagner « sa » cage après un permis. Le 28 juin 2004, suite à un contrôle de police qui tourne mal et malgré une fusillade pour ne pas retomber aux mains des flics, il est arrêté en compagnie de sa sœur Begoña et des compagnons Bart de Geeter et José Fernandez Delgado, lui aussi en fuite des prisons espagnoles. Ces incarcérations et le procès qui se déroule dans la ville allemande de Aachen auront un écho international dans le mouvement anarchiste. Ce sera à nouveau l’occasion de dénoncer l’enfer carcéral et de diffuser des pratiques d’attaque du système que les prisons en tout genre contribuent à maintenir en place. Le 25 septembre 2005, José, accusé en outre de braquage, est condamné à 14 ans de prison, Gabriel à 13, Bart à 3 ans 1⁄2 et Begoña à 10 mois avec sursis.

Bart sort en 2007, José est à présent dans la prison de Rheinbach après plusieurs transferts, quant à Gabriel, il purgera sa peine à Aachen où il refusera l’obligation de travailler et devra donc rester 23 heures sur 24 en cellule. Une manière de sortir de cette autre forme d’isolement consiste à entretenir une correspondance avec des compagnonNEs de tous horizons. Surtout, il continue à s’impliquer, par ses écrits et par des grèves de la faim, dans différentes initiatives de solidarité et d’offensive à travers le monde – contre l’enfermement et l’autorité sous toutes ses formes. La continuité, la vigueur dans l’engagement et la volonté de subvertir l’existant n’étant guère du goût des puissants, différents Etats cherchent à lui faire payer ces combats, ainsi qu’à d’autres, à l’intérieur et à l’extérieur des murs.

Le 16 janvier 2013, aux 2/3 de sa peine (selon les pratiques en vigueur en Allemagne), Gabriel est extradé vers l’Espagne qui le réclamait. Il doit y purger le reste de sa peine – dont on ignore pour l’instant la teneur, dissimulée dans les méandres bureaucratiques judiciaires, carcéraux et politiques. Sa «trajectoire particulière de prisonnier» (lire : «conflictuel») lui a déjà valu de nombreuses tracasseries, ainsi que plusieurs transferts qui rendent difficile la communication (tant la correspondance que les visites). Début avril, il a également appris qu’un mandat d’arrêt européen a été émis par l’Italie à son encontre en vue d’une «remise» dans le cadre de l’opération Ardire. Il a refusé de déclarer quoi que ce soit sur ces faits devant l’Audiencia Nacional de Madrid, devant laquelle il est passé le 16 avril dernier. La justice espagnole devrait prendre d’ici peu la décision de le livrer (ou pas) aux autorités italiennes.

Ce recueil non exhaustif de textes n’implique pas une adhésion inconditionnelle à l’ensemble de leur contenu qui, nous l’espérons, suscitera ou participera à des débats riches de possibilités au sein de la conflictualité. Le diffuser n’a pas pour seul objet de donner à connaître ou de rappeler le parcours de lutte d’un compagnon. Il s’agit aussi et surtout de continuer à propager des idées pour lesquelles il se bat et que nous partageons ; de défendre des choix, comme celui de l’expropriation, qui s’inscrivent dans un antagonisme résolu ; de faire vivre des désirs de liberté, de révolution sociale et d’Anarchie qui nous animent aussi et ne peuvent se réduire à des mots.

Contre toutes les prisons et les systèmes qui les produisent ! Pour une solidarité qui rompe avec la pacification qu’on cherche à nous imposer et parte à l’assaut d’un monde nouveau !

15 mai 2013

1. Le FIES (Fichier des Détenus en Suivi Spécial) a été créé en 1991, sous le gouvernement PSOE et par une simple circulaire du Directeur Général des Prisons d’alors, Antoni Asuncion. Il instaure toute une série de régimes spéciaux dans lesquels peuvent être placés les prisonniers selon leur profil et leur degré de conflictualité. Le FIES 1 – Contrôle direct, le plus dur, est destiné aux bêtes noires de l’Administration Pénitentiaire, qu’il permet d’enterrer vivants dans des quartiers d’isolement. A cela s’ajoute une longue liste de tortures (physiques, psychiques, médicales…), visant à les faire plier ou à les anéantir.

2. En 1999, une lutte de plusieurs dizaines de prisonniers part des bunkers, portant en avant comme revendications : l’abolition du FIES et de tous les régimes d’isolement, l’arrêt de la dispersion et la libération immédiate de tous les prisonniers malades. A propos de cette lutte, on peut se référer à l’article Notes critiques sur la lutte contre le FIES paru dans A Corps Perdu n°2, Paris, juillet 2009.

Pour lui écrire actuellement  :

Gabriel Pombo Da Silva
Centro Penitenciario Alicante II
Carretera nac 330, km 66
03400 Villena (Alicante)

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[Brochure] Quelques textes autour de la lutte contre les Centres l’Identification et d’Expulsion – Italie – novembre 2012/avril 2013

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Sommaire :

Turin : À propos de la lutte contre le centre, page 3

Rome : Feu à Ponte Galeria – entretien avec un retenu, page 9

Chronologie, page 12

Lettre de Greg depuis la prison de la Valette, page 25

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[Diffusé par Sanspapiersnifrontieres le 14 mai 2013]

 

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Feu au centre de rétention de Bordeaux – 8 mai 2013 (mis à jour)

D’après la presse, [le 8 mai 2013] un matelas a pris feu dans le centre de rétention de Bordeaux situé au sous-sol du commissariat central alors que se déroulait une cérémonie d’hommage aux flics. L’incendie s’est propagé et le centre a été fermé. Un retenu qui se trouvait dans la chambre où l’incendie a commencé, est blessé (brûlé au visage et intoxiqué) tandis que les sept autres ont été transférés au centre de rétention de Toulouse. C’est la seconde fois qu’un incendie fait fermer cette prison pour étrangers [Le  précédent incendie avait eu lieu le 19 janvier 2009].

Mise à Jour : Poursuivi, le retenu incarcéré à la maison d’arrêt de Gradignan devait passer en procès le 10 mai 2013. A cause de son avocat et de la vice-procureure qui ont demandé en chœur une expertise psychiatrique dont pourrait résulter son internement dans une prison pour “fous”, il reste en prison jusqu’à son procès devant se tenir d’ici la fin juin.

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[D’après une brève lue sur Sanspapiersnifrontieres le 13 mai 2013, légèrement remaniée et complétée ici par cestdejatoutdesuite]

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[Rennes] Feu la LGV !

Dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 mai, un engin de l’entreprise Eiffage a illuminé les plaies béantes du chantier LGV Paris-Rennes.

Il était grand temps de bousculer le train-train quotidien de ce chantier qui avance sans susciter la moindre opposition visible, et qui pourtant devrait détruire bien plus de terres agricoles qu’un certain projet d’aéroport nantais.
Il était plus que nécessaire d’allumer le feu des projecteurs sur ce chantier et, par ce geste, de lancer une campagne d’attaques et de sabotages pour court-circuiter les projets pharaoniques d’Eiffage et consors.

Aux portes de Rennes, les travaux de la LGV opèrent de véritables saignées dans les terres agricoles, déjà bien marquées par les pylônes des lignes THT. Comme en Mayenne, où la nouvelle ligne THT Flamanville-Beaulieu est désormais en marche, les machines d’Eiffages cotoient les pylônes de RTE.
Ici, à Domloup, le spectacle de la société industrielle colonisant les zones rurales est le reflet des logiques dont le projet Eurorennes est un aboutissement.
Les lubbies et fantasmes des aménageurs permettent aux businessmen de tout poil d’imposer leur idéologie capitaliste aux populations.

Mais tous ces chantiers sont VINCIbles ! Ils ne pourront pas mettre un flic aux pieds de chaque machine.

Feu la LGV !
ZAD partout, par tou-te-s !

Les feu-follets.

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[Publié sur Indymedia Nantes le 13 mai 2013]

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Affiche : A bas la France

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A BAS LA FRANCE. Parce que nous n’oublions aucune de ses horreurs, parce que ses massacres et ses bombardements qu’ils soient humanitaires, colonialistes, nationalistes, pour du pétrole ou pour son honneur nous ont exterminés, nous ont fait croire qu’il n’était plus possible de choisir la rébellion. Nous lui crachons dessus, nous nous essuyons avec son drapeaux, nous dégueulons sa marseillaise, nous brûlons ses postes-frontières et nous profanons ses sanctuaires et ses idoles tachées du sang de nos frères et sœurs apatrides.

A BAS TOUTES LES NATIONS ET LES FRONTIÈRES. Parce que la prétendue appartenance nationale n’est pas innée, mais enseignée à coup de servitude, parce que c’est un concept religieux, on est français, tunisien, portugais ou malien exactement comme on est chrétien, musulman ou juif, et on vote exactement comme on va à la messe. Parce que c’est au nom des nations que riches et puissants d’endroits différents mais tous de la même puanteur, se font la guerre à coup de chair à canon. A bas toutes les frontières, parce que, comme toutes les autres normes, elles définissent les indésirables et elles séparent les bonnes des mauvaises graines, français ou immigré, avec ou sans papiers, barbare ou civilisé. C’est en leur nom que chaque jour, l’ordure étatique et policière et les collaborateurs de la machine à expulser raflent, enferment, expulsent et tirent à vue le long des lignes de démarcations étatiques.

A BAS TOUS LES POLITICIENS. Parce ce sont eux qui administrent la si banale apocalypse permanente dans laquelle nous vivons depuis des siècles, passant des mains des maîtres à celles des curés puis des propriétaires pour finir sous la coupe de la marchandise et du contrôle diffus. Car que ce soit à coup de frappes chirurgicales, de matraque, de justice, de guerres propres ou de paix sale, de prison et de turbin, de camps humanitaires, de concentration ou d’extermination, de référendum, de beaux discours ou de bombes atomiques, les politiciens n’ont pour seul but que de maintenir leur pouvoir et de l’étendre, se concurrençant les uns les autres pour la mainmise sur le bétail du parc humain.

A BAS LA RÉSIGNATION. Parce que la liberté n’apparaîtra pas miraculeusement, parce que le capitalisme ne s’effondrera pas tout seul, parce que ceux qui tombent sur les lignes de front de la guerre sociale ne doivent pas rester seuls face aux juges et autres croque-morts de ce monde, parce qu’il ne sert à rien de se plaindre et que nous ne voulons plus être des victimes, parce qu’il n’y a qu’une seule entité réelle, la terre, et que dans les conditions qui nous y sont faites, il n’y a qu’une seule façon d’y vivre : à couteaux tirés avec ce monde de fric, de prison, de pouvoir, de contrôle, de médiocrité et d’ennui. Parce qu’on ne peut entrer dans un monde meilleur autrement que par effraction.

Dans cette guerre sociale, n’écoutons plus les sirènes nationalistes et politiques, car comme les feuilles, les promesses tomberont l’automne venu. Dans un monde où toute liberté est désordre sauf celle de consommer et de choisir son maître, il n’y a rien à défendre, mais tout un ordre à attaquer partout où il se trouve.

Pour un monde sans Etats, ni patries, ni frontières, ni prisons, ni nations.

Que nos passions détruites se transforment en passions destructrices

[Affiche trouvée sur les murs de Paris, avril 2013]

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[Lu sur la Base de données anarchistes le 10 mai 2013]

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L’évasion est nécessaire

Ce monde est une prison à ciel ouvert

Se maintenir en forme – Le train-train quotidien est une arme très puissante du système. On crève au boulot, on crève à faire la queue devant les administrations, on crève devant l’absence de vraies relations. Notre cerveau pourrit de préjugés et de fausses valeurs comme le pouvoir, l’argent, l’obéissance. Se tenir en forme pour être capable de briser cette routine, exercer son esprit pour réfléchir par soi-même, c’est entamer les hostilités contre ce système qui nous enferme.

Chercher des complices – Personne ne se révoltera à notre place, cela dépend entièrement de nous-mêmes. Mais sur le chemin de la révolte, on croisera aussi d’autres enragés. Ces complicités et ces solidarités permettront des attaques toujours plus vastes contre le pouvoir.

Scier les barreaux – Le pouvoir a des noms et des adresses : les banques, les supermarchés, les institutions, les commissariats, les dépôts ; les huissiers, les matons, les politiciens, les riches, les balances ; les transformateurs qui alimentent leurs usines de mort, les relais de télécommunication qui nous enchaînent à la technologie. Ce sont tous des cibles à portée de main. N’attendons pas de voir de grandes manifestations avant de déchaîner notre rage, attaquons ici et maintenant, même à peu nombreux. En commençant à scier les barreaux du pouvoir, la révolte peut faire écho auprès d’autres rebelles et se répandre toujours plus.

Préparer sa fuite – Si le pouvoir ne peut pas être reformé, s’il faut alors le détruire de fond en comble, nos armes doivent être chargées de liberté. Sans savoir où aller, sans réfléchir le pourquoi de nos révoltes, on ne peut pas espérer s’évader du monde du fric et de l’autorité. Déchaînons les mauvaises passions, n’ayons pas peur des ruines, mais recommençons aussi à rêver. Car aucun pouvoir ne peut résister à celui qui se bat pour sa dignité, pour la dignité et la joie de vivre en femmes et en hommes libres.

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[Publié dans Hors service n°36, feuille anarchiste, 1er mai 2013]

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Hors service n°36

HorsService36

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Les textes du n°36 sont lisibles un à un ici.

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Quand le paquebot rencontre l’iceberg – Contre la construction de la nouvelle cité judiciaire

Vous avez peut-être déjà remarqué les projets d’urbanisation affichés le long de l’Hôtel de ville ? On y voit clairement le souhait de la ville de Paris de « moderniser » toute la capitale, sans laisser de répit au moindre quartier. Parmi ses multiples projets pour y parvenir, la ville de Paris a lancé un grand programme de construction dans le 17e arrondissement, l’éco-quartier Clichy-Batignolles, qui devra se situer entre la gare de Pont-Cardinet, le métro Brochant et le périph’. Et comme la ville pacifiée qu’ils souhaitent est indissociable du système de répression qui la fait tenir, le ministère de la Justice a aussi un grand projet : un nouveau palais de justice pour reloger le Tribunal de Grande Instance (TGI) de l’île de la Cité, jugé trop petit pour la tâche qui lui incombe, c’est-à-dire protéger la société contre tout ce qui pourrait lui nuire. L’idée est donc de construire un bâtiment tout neuf, qui sera appelé la « Cité judiciare », près de la porte de Clichy, dans l’éco-quartier en prévision. Le ministère de la Justice a choisi d’en confier la construction à Bouygues, suivant les plans réalisés par l’architecte Renzo Piano, principalement connu pour avoir dessiné en 1977 l’infâme Centre Pompidou, mais également concepteur d’une bonne quantité de musées, aéroports et autres édifices dans le monde entier [nous vous proposerons dans un prochain numéro un portrait plus détaillé de cette starlette de la domination. En attendant, notons déjà que son agence se situe au 34 rue des Archives, 75004 Paris].

Le site devra rassembler le TGI de Cité (seules la cour d’appel et la cour de cassation y resteront), les tribunaux d’instance de chaque arrondissement de Paris, le tribunal de police, la Direction Régionale de la Police Judiciaire (actuellement basée au tristement célèbre 36 quai des Orfèvres), ainsi que de nombreux services du système judiciaire (dont le service de l’application des peines).

Le projet : une tour en verre de 160m de hauteur, construite en trois blocs superposés sur le socle (lui donnant une allure de paquebot), ornée de jardins suspendus sur chaque toit pour faire plus vert. Au total, plus de 60 000 m² de surface, 90 salles d’audience, un parvis immense avec cafés et restaurants, des « papillons » ou « branchies photovoltaïques » pour donner un style « tendance », un jardin d’hiver et un ascenseur panoramique. Et pour « urbaniser » encore le quartier et acheminer magistrats, flics et visiteurs, les lignes de métro 14 et de tramway 3b seront prolongées et passeront par la station porte de Clichy, sur le parvis du nouveau tribunal.

L’édifice a été conçu suivant les critères à la mode du capitalisme vert : sa consommation d’énergie devrait être divisée par deux par rapport aux autres tours de cet acabit. Et comme les promoteurs du « développement durable » se satisfont très bien de l’idée de construire partout plein de tours en verre et en béton, du temps qu’il y a quelques arbres plantés dessus pour faire joli, pour faire « nature », alors le bâtiment est parfaitement conforme au style en vogue. De plus, notre bienfaiteur Renzo Piano n’oublie pas le futur usage qui sera fait de son œuvre : « c’est un endroit qui va accueillir des gens fragiles, en attente d’être jugés. J’ai donc voulu quelque chose d’accueillant, qui dégage de la luminosité et de la sérénité. […] On doit créer un esprit de confiance pour la personne qui va être jugée ». Délicate attention ! Au moins, une fois en prison, ces « gens fragiles » pourront le remercier d’avoir rendu leurs interrogatoires, détention et procès plus agréables et sereins. « Le palais sera clair, léger, transparent et ouvert sur la ville, l’antithèse du palais intimidant, hermétique et sombre du passé. » Nous voilà rassurés ! Oui, parce que même si les bonnes vieilles méthodes de répression ne changent pas, ou peu (on enferme quiconque a fait un faux pas, et on brandit la menace de la prison à tous les autres pour effrayer et faire marcher au pas), il est tout de même conseillé de mettre au goût du jour le visage de la vieille justice. Maintenant qu’on a transféré les bidonvilles dans de lugubres barres HLM, qu’on construit des prisons aux murs de plus en plus blancs, qu’on sait bien faire croire que l’on enferme ceux que la société considère comme « fous » pour les soigner, qu’on jette de la poudre aux yeux en faisant passer les intérêts du patron pour ceux des employés, les nécessités des dominants pour le produit de la volonté générale, on veut faire passer un tribunal pour un « lieu accueillant ». A entendre tant parler d’absurdités comme des prisons plus « humaines », des guerres justes, des camps humanitaires, des métiers passionnants, c’est que la mode doit être à l’oxymore, alors pourquoi pas un palais de justice « accueillant », tant qu’on y est ?

Voyons les mots-clés du projet : sûreté, efficacité, confort. La sûreté, cela paraît évident pour un palais de justice où le pouvoir va transférer, interroger, enfermer, juger ses ennemis ou ses concurrents. De l’efficacité, car la Justice, il ne faut pas que ça traîne ! Et le confort, sûrement pas pour tout le monde… Sûrement pour ces pourritures de magistrats qui auront un bureau avec vue sur la ville, pourront se déplacer en ascenseur panoramique ou profiter du jardin d’hiver du palais entre deux assassinats judiciaires. Le confort ne sera sûrement pas pour ceux, peut-être nous, qui se retrouveront sur le banc des accusés ou dans les cellules du dépôt, cela serait presque absurde puisque tout le mal que l’on se donne pour cette bâtisse et le système répressif qui la requiert a pour but de mieux nous traquer, nous pourchasser, nous sermonner, nous enfermer, nous humilier, nous éduquer, nous (ré)insérer… Notre architecte mégalomane n’a pas oublié les fauves à dompter, pour qui est généreusement prévu un « espace sécurisé », pour assurer la « protection du palais » (des cellules pour les détenus et prévenus, fonction qu’assurent actuellement le dépôt et la souricière de la Cité, célèbres pour leur état glauquissime).

Avec le lancement de ce nouveau projet, le sens du souhait du maire de Paris Bertrand Delanoë d’une « justice plus ambitieuse » apparaît sans équivoque : pouvoir juger plus, et donc inévitablement condamner plus. Ils veulent que la répression s’accentue et que la pacification progresse pour garantir l’ordre dont ce monde a besoin pour tourner sans encombres, pour assurer le maximum de profits aux puissants. Et si la paix sociale coûte cher (elle coûte notre résignation et tout ce que l’Etat compte de flics, de prisons, de tribunaux, de collabos, de balances, de pôles emploi et autres outils de contrôle), c’est que d’un autre côté elle rapporte beaucoup à ses vautours : les célèbres Bouygues, Eiffage et Vinci ainsi qu’une multitude d’autres entreprises rapaces qui remplissent à craquer leurs immenses poches en construisant prisons, centres de rétention ou tribunaux, en installant partout des caméras de vidéo-surveillance, en assurant la maintenance de commissariats, en participant activement à la restructuration urbaine, en bétonnant de plus en plus le monde, etc.

Côté technique, la construction du palais revient donc à Bouygues Bâtiment Ile-de-France (filiale de Bouygues Construction), dans le cadre d’un partenariat public-privé, moyennant quelques 600 millions d’euros, et le contrat précise que la maintenance de l’édifice sera effectuée par la société Exprimm, elle aussi filiale de Bouygues, pendant 27 ans et en l’échange de plus ou moins 90 millions d’euros chaque année. Ce coût exorbitant a tout de même fait hésiter quelques politicards, et le gouvernement est actuellement en train d’essayer de renégocier le contrat, mais Bouygues a tout prévu lors de sa signature début 2012 pour ne pas pouvoir se faire avoir ensuite : en cas d’abandon total du projet, l’Etat devrait lui verser des indemnités à hauteur de 80 millions d’euros. Du coup, le projet est maintenu, les travaux devraient commencer mi-2013, pour une mise en service en 2017… à moins que nous ne l’empêchions, en attaquant ces politiciens et leurs collabos partout où ils se trouvent !

Faisons en sorte que ce paquebot géant finisse comme le Titanic, contre l’iceberg de nos passions destructrices !

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[Publié dans Lucioles n°8 – avril 2013]

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Il y a quatre ans mourait Zoé

Quatre ans. Difficile de savoir si quatre ans déjà ou quatre ans à peine. Quatre ans et un long deuil qui n’a pu commencer que plusieurs années après sa mort, après que ceux que la justice a estimé devoir punir directement de l’accident qui lui a coûté la vie aient terminé les peines de prison qui leur ont été assignées, après que celles et ceux resté-e-s en-dehors des prisons n’aient plus été écouté-e-s, filé-e-s, photographié-e-s, filmé-e-s, intimidé-e-s. En tout cas plus pour cette histoire là. Après que ceux qui estiment que voir une amie mourir ne suffit pas aient été rassasiés d’assez de notre douleur, qu’ils se soient repus d’assez de notre tristesse pour repartir le ventre plein et la tête haute, fiers d’avoir rétabli l’ordre et la justice. Cet ordre et cette justice qui en ont après nos amitiés et nos amours, et qui cherchent à les détruire, parce que ce sont entre autres de ceux-ci que naissent nos désirs et nos possibilités de créer un meilleur cadre dans lequel les faire croître et se développer. Sans passion, la théorie n’est que lettre morte. Et le cynisme n’a rien de révolutionnaire.

Zoé n’est pas une martyr de « la cause ». Elle n’est pas morte pour une idéologie, pour le peuple, ou pour « la révolution ». Zoé est morte d’être libre, ou de vouloir l’être. Elle est morte d’être amoureuse, amie, bricoleuse, féministe, voyageuse, dynamique, intelligente, radicale, généreuse… Zoé est morte d’être qui elle était. Quelqu’un qui ne voulait plus avoir à subir ou à supporter la grisaille, et qui agissait en ce sens, pour elle et pour les autres. Quelqu’un qui n’a pas voulu s’adapter à un monde qui lui faisait horreur, et pour qui ne faire que s’en indigner n’était pas suffisant. Zoé n’était pas une héroïne, seulement quelqu’un qui a fait des choix. Les choix de refuser, de résister, de ne pas être indifférente à ce qui l’entourait et à comment cela l’entourait, de ne pas se laisser absorber dans la tranquille décomposition du quotidien, de ne pas vouloir rester à la fenêtre à pester contre celles et ceux dont les tentatives de rendre le monde radicalement meilleur ont malheureusement échoué. Ce sont des choix qu’elle et d’autres ont payé cher, ici comme ailleurs, hier comme aujourd’hui.

C’est un orage de tristesse et de colère qui a déferlé dans les jours et les semaines qui ont suivi la mort de Zoé. La tristesse d’avoir perdu une amie, la colère de ne pas pouvoir être tristes, de ne pas avoir de répit. Une colère dirigée contre ceux qui font leurs affaires sur nos morts et nos souffrances, contre cette nécrophagie érigée au rang de modèle de société. Oui, cette tristesse et cette colère ont fait des ravages, mais le désastre serait bien plus important si l’on s’y habituait, si les fantasmes de la lutte effaçaient la sincérité du combat qui se poursuit, si les sentiments et les affects étaient reléguées dans les limbes de l’idéologie. Nous avons été profondément atteint-e-s parce que nous sommes touché-e-s par le monde.

Une partie de nous a été dévorée, et le monstre a toujours faim, en veut toujours plus. Mais il faut extirper la mémoire de ses mâchoires, l’en arracher, pour ne pas oublier. Non pas pour ériger des piédestaux, car la mort n’a rien de glorieux, mais pour éviter que ne soient avalées à leur tour ces passions et cet amour pour la liberté qui animaient Zoé.

Quatre années se sont écoulées, mais peu d’eau a coulé sous les ponts. Et cette eau ne doit pas couler, car ce sont nos vies, nos morts, nos luttes qui coulent avec elle.

Pour un monde sans prison ni frontières.

Pour une vie libre et difficile, vers une existence sans exploitation ni domination.

Solidarité à tou-te-s celles et ceux, prisonnier-e-s ou non, qui chaque jour luttent par tous les moyens nécessaires contre ce qui les détruit.

Une pensée pour Mauricio Morales, mort à Santiago de Chile ce même mois de mai 2009, pour ses proches et tou-te-s celles et ceux qui ont du traverser le Caso Bombas là-bas, et dont les histoires ont résonné dans un certain nombre de têtes ici.

À Zoé.

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Lucioles n°8 – avril 2013

[Après un hiatus d’une petite dizaine de mois, nous sommes heureux d’annoncer la sortie d’un nouveau numéro de Lucioles, sous une autre forme. Dorénavant le bulletin sortira plus régulièrement, et son format sera plus réappropriable qu’auparavant.]

Lucioles est un bulletin apériodique, on pourra y lire des textes d’analyse et d’agitation autour de Paris (et sa région) et de son quotidien dans une perspective anarchiste. Nous y parlerons des différentes manifestations d’insoumission et d’attaques dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître et déceler des potentialités de rupture vis-à-vis de l’Etat, du capitalisme et de la domination sous toutes ses formes en essayant de les relier entre elles et au quotidien de chacun. Nous n’avons pas la volonté de représenter qui que ce soit, ni de défendre un quelconque bout de territoire en particulier qui n’est qu’un modèle réduit de ce monde de merde.

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Lucioles n°8 – avril 2013

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