Action de solidarité avec les prisonnier.es à Roanne le 26 novembre

Lundi 26 novembre, des perturbations et blocages d’axes de circulation ont eu lieu dans la ville de Roanne. Des banderoles ont été déployées, elles disaient « Solidarité avec les luttes des prisonnier.es » et « A bas toutes les prisons, que vivent les révoltes ».

Un tract qui revient sur l’implantation du centre de détention de Roanne, sur tout.es celles et ceux qui en tirent profit, et sur l´ignominie de l´enfermement, a été distribué à 500 exemplaires dans les boites aux lettres de différents quartiers de la ville.

Voici son contenu :

La cir­cu­la­tion a été aujourd’hui blo­quée dans la ville. Des bar­riè­res ont empê­ché les voi­tu­res d’avan­cer. Sur ces bar­riè­res, des ban­de­ro­les disaient : « soli­da­rité avec les pri­son­nier.es en lutte » et « à bas toutes les pri­sons, que vivent les révol­tes ! ». Cela vient redire à l’ensem­ble des habi­tant.es de Roanne qu’à quel­ques pas de là sont enfer­mées près de 600 per­son­nes dont chaque dépla­ce­ment est contrôlé. Chaque jour, ces per­son­nes se retrou­vent des dizai­nes de fois « blo­quées » par des bar­riè­res et des portes aux ser­ru­res dont elles n’ont pas la clé.

Et pour­tant …

A Roanne, malgré toutes les cou­ches de vernis démo­cra­ti­ques et de moder­nité sensés faire croire que le centre de déten­tion serait au final un lieu accep­ta­ble, ça craque, ça pète, ça prend feu… Parce que les meilleurs maquilla­ges n’empê­che­ront jamais le besoin de liberté de se faire sentir à une per­sonne enfer­mée pen­dant les semai­nes, les mois, les années qu’elle ne pourra pas rat­tra­per.

L’Administration Pénitentiaire (A.P.) et la mairie vou­draient donner l’image de prison « propre », c’est-à dire une prison moderne d’un point de vue archi­tec­tu­ral et social.

Mais le vernis com­mence à se cra­que­ler, des détenu.es réus­sis­sent à faire enten­dre leurs révol­tes par delà les hauts murs malgré les ten­ta­ti­ves de muse­lage répé­tées de l’AP. Pétitions, textes de reven­di­ca­tion, gestes d’insou­mis­sion ont filtré au tra­vers des bar­reaux au prix de beau­coup d’efforts et de lour­des repré­sailles (trans­ferts dis­ci­pli­nai­res, jour­nées de mitard, sup­pres­sion de remi­ses de peines, procès don­nant lieu à des peines sup­plé­men­tai­res… sans comp­ter les consé­quen­ces non offi­ciel­les : fouilles géné­ra­li­sées, chan­tage concer­nant les pos­si­bi­li­tés de libé­ra­tion condi­tion­nelle et ten­ta­ti­ves de briser mora­le­ment les per­son­nes par du har­cè­le­ment au quo­ti­dien… c´est à dire réveiller des pri­son­nier.es au milieu de la nuit, ne pas aller les cher­cher pour la pro­me­nade ou un par­loir, donner le cour­rier plu­sieurs jours en retard, et bien d´autres choses encore.) Face à cette situa­tion, des pri­son­nier.es refu­sent de bais­ser les bras et de se lais­ser écraser par le chan­tage et la peur.

Nous sommes soli­dai­res de leur colère parce que nous ne vou­lons ni prison ni enfer­me­ment.

La propagande au niveau de la population

Pour per­met­tre l’implan­ta­tion du centre de déten­tion (CD), la mairie a mis en œuvre tout une pro­pa­gande auprès des habi­tant.es de l’agglo­mé­ra­tion van­tant les méri­tes des pri­sons du futur dont celle de Roanne a été une des pre­miè­res : visi­tes des locaux avant l’arri­vée de ses « pen­sion­nai­res », jour­née annuelle de sen­si­bi­li­sa­tion sur la prison…

Mais aussi un joli bour­rage de crânes orga­nisé en 2011 par le biais de la com­mis­sion soli­da­rité à des­ti­na­tion d’une partie des enfants des écoles et cen­tres sociaux de la ville. Une ren­contre avait été orga­ni­sée avec le direc­teur du CD M. BOYER et la direc­trice du SPIP (ser­vi­ces péni­ten­tiai­res d´inser­tion et de pro­ba­tion, les tra­vailleurs sociaux des pri­sons), pour bien ancrer dans la tête des plus jeunes qu’il est normal et banal de mettre des per­son­nes dans des cages.

Dans ce monde mer­veilleux des pri­sons moder­nes, on vou­drait faire croire que les ten­sions entre détenu.es et sur­veillant.es n’exis­tent pas puis­que d’une part les pri­son­nier.es seraient trié.es sur le volet pour leur com­por­te­ment et leurs « chan­ces » de réin­ser­tion, et d’autre part parce qu’on leur pro­po­se­rait la crème de toutes les acti­vi­tés socio-cultu­rel­les et de for­ma­tion exis­tan­tes, ce dont elles et ils seraient sure­ment reconnais­sant.es.

Dans ce type de dis­cours (également lar­ge­ment dif­fusé par les entre­pri­ses qui pro­fi­tent de l´enfer­me­ment et par l’admi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire), on retrouve tou­jours les argu­ments liés au « profil » par­ti­cu­lier des détenu.es des cen­tres de déten­tion qui seraient des per­son­nes aux plus gran­des chan­ces de se « réin­sé­rer » (encore fau­drait-il avoir été « inséré » dans quel­que chose aupa­ra­vant, encore fau­drait-il le vou­loir…). Cela entre­tient l’idée qu’on va en prison uni­que­ment pour des rai­sons pro­pres à notre per­son­na­lité.

Ce dis­cours nie sys­té­ma­ti­que­ment le contexte de merde dans lequel pas mal de gens vivent, et qui laisse assez peu d’espoir de sortir un jour la tête des fac­tu­res en retard alors que chaque jour il faut aller bais­ser les yeux face à des petit.es chef.fes arro­gant.es pour avoir « la chance » de garder un boulot pourri et mal payé.

Les retombées économiques

A Roanne, la cons­truc­tion du centre de déten­tion a été bien accueilli (en tout cas par les élu.es et une cer­taine part de la popu­la­tion qui a voix dans les médias) et même lon­gue­ment négo­ciée par les élu.es de l’époque (Nicolin et son équipe muni­ci­pale) avec pour seule moti­va­tion les éventuelles retom­bées économiques qu’elle doit engen­drer : emplois sala­riés « sta­bles », achats effec­tués par les pro­ches des détenu.es venus les visi­ter…

Concernant ce der­nier point, on peut se deman­der quel fric on a encore à dépen­ser quand :

- il faut déjà faire plu­sieurs cen­tai­nes de kilo­mè­tres pour voir une heure celles/ceux qu’on aime au par­loir,

- il faut aider finan­ciè­re­ment les pro­ches enfermé.es parce qu’en prison tout se paye beau­coup plus cher qu’ailleurs (au CD de Roanne, 2 à 3 fois le prix de l’exté­rieur pour des pro­duits de base),

- pour cer­tain.es, avoir un.e proche enfermé.e ça veut dire se retrou­ver avec un revenu et une per­sonne en moins à la maison mais tou­jours le même loyer, les mêmes char­ges, etc…

C’est sûr qu’après ça, pas ou peu de per­son­nes ont les moyens d’aller à l’hôtel, de se payer des restos ou d’aller faire les maga­sins à Roanne. Et quand bien même les moyens seraient là, en a-t´on vrai­ment envie quand on vient de lais­ser une per­sonne qu’on aime der­rière les grilles ?

Au final, ceux et celles qui pro­fi­tent finan­ciè­re­ment de la pré­sence du centre de déten­tion à Roanne, et de pas mal d’autres pri­sons, sont les très gros­ses entre­pri­ses :

- Eiffage qui a cons­truit et reste pro­prié­taire des bâti­ments qu’il loue 750 000 euros par mois à l’Etat avec un bail garanti pour 30 ans, et ses filia­les ENEP4 et SYNESTES qui en font l’entre­tien ;

- GEPSA (filiale d’Elyo-Suez) et Eurest qui gèrent pour 250 000 euros par mois ce qui est cyni­que­ment appelé « ser­vi­ces à la per­sonne », c’est-à-dire :

repas (imman­gea­bles), can­ti­nes* (à des prix qui ren­draient dingue n’importe quelle asso­cia­tion de consom­ma­teurs si ça se pas­sait à Cannes ou Courchevel), for­ma­tions (3 profs pour 600 détenu.es), « tra­vail » (très peu de places pos­si­bles et don­nées aux per­son­nes les plus « méri­tan­tes » aux yeux de l’admi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire, ce qui pousse cer­tai­nes per­son­nes qui n’ont pas d’autre moyen d’avoir un peu d’argent à tout accep­ter sans jamais ouvrir la bouche. Le « tra­vail » en prison, est payé en moyenne 3 euros de l’heure ou à la pièce, non garanti, c´est à dire que les per­son­nes ne bos­sent et ne sont payées que lors­que ça arrange l’entre­prise qui trouve là une main d’œuvre modu­la­ble et pas chère . Elle peut ensuite se vanter de faire de la « réin­ser­tion »).

Peu après la cons­truc­tion du CD, répon­dant aux cri­ti­ques des mal­fa­cons dans les tra­vaux qui appa­rais­saient déjà au grand jour, le direc­teur d´Eiffage décla­rait publi­que­ment qu´il offrait « 5000 euros a ceux qui ouvri­raient une porte de cel­lule a coup de pied ».

Prenons le au mot, et que les per­son­nes enfer­mées dans ces cel­lu­les puis­sent pren­dre la poudre d´escam­pette !

Par ailleurs, l’arri­vée du centre de déten­tion a cer­tai­ne­ment permis de main­te­nir la pré­sence d’un tri­bu­nal à Roanne puis­que ce der­nier était avant cela menacé de fer­me­ture. Un centre de déten­tion néces­site la pré­sence d’un tri­bu­nal et de ses juges d’appli­ca­tion des peines (JAP) qui don­nent ou pas (sou­vent pas à Roanne) les remi­ses de peine, amé­na­ge­ments, sor­ties en condi­tion­nelle ou per­mis­sions.

On pour­rait se dire qu’un tri­bu­nal est un « ser­vice public » qui n’a pas d’obli­ga­tion de ren­ta­bi­lité et qu’il n’aurait donc pas besoin de cher­cher à trai­ter beau­coup d’affai­res. Pourtant, de l’acti­vité d’un tri­bu­nal dépen­dent les acti­vi­tés et le niveau de vie d’un bon nombre de per­son­nes effec­tuant ces bou­lots qui se nour­ris­sent de la misère des autres : avocat.es, juges, huis­sier.es, maton.nes. En effet, il suffit de consul­ter le Progrès pour cons­ta­ter le nombre de peti­tes affai­res jugées par le tri­bu­nal liées aux « alter­ca­tions » entre maton.nes et pri­son­nier.es.

Les peines dis­tri­buées par le tri­bu­nal de Roanne sont la plu­part du temps extrê­me­ment lour­des (2 ans sup­plé­men­tai­res en juin à l’encontre d’un détenu) et s’agré­men­tent pres­que tou­jours d’une com­pen­sa­tion finan­cière pour les maton.nes impli­quée.es (on com­prend que pour arron­dir les fins de mois, ceux et celles-ci aient faci­le­ment ten­dance à se sentir « agressé.es », voire à pro­vo­quer ces « alter­ca­tions »).

L’AP intente aussi régu­liè­re­ment des procès contre des per­son­nes enfer­mées pour déten­tion d’objets non auto­ri­sés ou contre leurs pro­ches qui contour­nent le règle­ment. Une déte­nue a récem­ment pris 10 mois fermes d’empri­son­ne­ment sup­plé­men­tai­res, et qua­torze mois avec sursis pour la décou­verte de son télé­phone, une per­sonne a pris 4 ans fermes pour lancé de pro­jec­ti­les dans la cour de pro­me­nade.

Ces procès contri­buent ainsi à la bonne santé du tri­bu­nal et de ses pro­ta­go­nis­tes, qui ne l’oublions pas ont besoin de ces « affai­res » pour ali­men­ter les leurs.

On parle rarement des liens et rapports de connivences entre les différent.es actrices/acteurs de l’enfermement.

A Roanne, la JAP (Juge d’appli­ca­tion des peines, c’est elle qui décide des pos­si­bi­li­tés de sor­ties en per­mis­sion et en condi­tion­nelle) Ludivine Chétail et Georges Boyer, direc­teur du CD, posent ensem­ble en photo pour un arti­cle du pro­grès et se lamen­tent d’une même voix des man­ques de moyens attri­bués au tri­bu­nal de Roanne.

La presse locale relaie régu­liè­re­ment la parole des maton.nes en les inter­vie­want pour com­men­ter le moin­dre fait divers lié au centre de déten­tion sans appor­ter aucune nuance à leurs propos. On peut lire dans ces arti­cles des dis­cours plain­tifs quant au manque de per­son­nel, aux besoins gran­dis­sants de sanc­tions « exem­plai­res » à l’encontre d’une « popu­la­tion car­cé­rale de plus en plus dif­fi­cile ».

Ces arti­cles font tou­jours la part belle à la vio­lence des pri­son­nier.es qui se rebel­lent (et on les com­prend…) mais ne par­lent jamais de la vio­lence de ceux et celles qui enfer­ment, qui pri­vent de liberté, de liens, de rêves, d’auto­no­mie, de soins, d’inti­mité…

Entre autres, le major Bertrand Arnoud, délé­gué de la CGT péni­ten­tiaire, est régu­liè­re­ment inter­viewé par la presse pour pleu­rer sur son sort et celui de ses col­lè­gues . C’est lui qui est à l’ori­gine depuis le mois de sep­tem­bre de vagues inces­san­tes de répres­sion au sein de la déten­tion qui contri­buent d’un climat de ten­sion per­ma­nent.

On remar­que au pas­sage que pour un repré­sen­tant syn­di­cal qui demande plus de moyens pour sa cor­po­ra­tion, empi­ler sur le bureau de la direc­tion des rap­ports d’inci­dents dis­ci­pli­nai­res est un bon moyen pour jus­ti­fier son propos. En atten­dant, ce sont les pri­son­nier.es qui mor­flent, par­fois sim­ple­ment pour cir­cu­ler d’un bâti­ment à un autre, par­fois sim­ple­ment pour être sorti sans t-shirt, par­fois parce qu´ils pètent les plombs face à l´accu­mu­la­tion des bri­ma­des.

Si leurs condi­tions de tra­vail sont si dures, les sur­veillant.es ont la pos­si­bi­lité de démis­sion­ner (et on les encou­rage à le faire !) alors qu’aucune per­sonne enfer­mée ne peut échapper à ses bour­reaux.

La mairie de Roanne, par la voix de sa maire Laure Déroche, a également faci­le­ment accès aux colon­nes des jour­naux lorsqu’il s’agit d’expri­mer son indi­gna­tion et récla­mer une enquête quand les murs de la ville se recou­vrent d’affi­ches dénon­çant nom­mé­ment les matons qui tabas­sent au centre de déten­tion.

Le centre de détention est mis à l’écart de la ville.

On pour­rait pres­que oublier qu’il existe, car, rele­gué.es entre la sta­tion d’épuration et la SPA, les pri­son­nier.es sont effec­ti­ve­ment traité.es tantôt comme des merdes, tantôt comme des chiens. Cette prison en marge de la ville par­ti­cipe à ali­men­ter la peur, voire le res­pect des gen­dar­mes, huis­sier.es, patron.nes, tra­vailleurs sociaux, pro­fes­seurs… de tous ceux et celles qui veu­lent faire de nous de bon.nes citoyen.nes, roua­ges d’un monde hypo­crite.

Les pri­sons ser­vent à main­te­nir ce monde, il ne peut pas fonc­tion­ner sans elles. Elles ser­vent à contrain­dre par la peur et la sou­mis­sion, au res­pect des lois. Mais qui d´entre nous a choisi ces lois ? Ces lois pro­tè­gent le pou­voir, parce qu´elles sont choi­sies par ceux qui l´ont ou aspi­rent à l´avoir. Elles pro­tè­gent les inté­rêts et pri­vi­lè­ges des puis­sants et des riches.

Qui les res­pecte dans leur inté­gra­lité ? En réa­lité il s´agit avant tout de ne pas se faire pincer. Les sta­tis­ti­ques et études diver­ses le mon­trent bien, la prison ne résout rien. La prison sert à bles­ser, contrain­dre, isoler, détruire, celles et ceux qui sont tombé.es dans ses mailles. Beaucoup de per­son­nes ont un pro­blème avec ce monde, qu´elles soient dans ou hors des pri­sons.

Pour beau­coup, il n´a à offrir qu´une place misé­ra­ble, qui conduira for­cé­ment à se débrouiller dans les marges. Même les rêves qu´il pro­pose sont insa­tis­fai­sants ! En quoi la non confor­mité avec ce monde pour­rait se régler en met­tant des coups à celles et ceux qui ne ren­trent pas dans ce moule ?

C’est pour remet­tre au centre de la ville toute l’igno­mi­nie qu’est l’enfer­me­ment que cer­tains axes de cir­cu­la­tion de la ville ont été blo­qués. Pour rap­pe­ler que dans ces bâti­ments chaque jour, des per­son­nes sont enfer­mées, dans un étage, dans une cel­lule, d’où cer­tai­nes ne peu­vent sortir qu’une heure par jour.

Être enfermé.e là-bas ça veut dire

- n’avoir la pos­si­bi­lité de voir ses pro­ches que trois fois par semaine (quand elles et ils le peu­vent), une heure misé­ra­ble, et excep­tion­nel­le­ment plus. ..
- être privé.e de ten­dresse, de contact
- devoir atten­dre pour avoir des soins, et par­fois ne pas y accé­der du tout
- avoir selon les sai­sons trop chaud ou trop froid
- perdre par­fois des dizai­nes de kilos, perdre la vue, l’odorat, le sou­ve­nir des sen­sa­tions du dehors, subir un stress continu, mourir d’ennui
- voir tout son cour­rier lu et soumis à la cen­sure, ses coups de télé­pho­nes à la cabine écoutés
- voir au dehors le monde à tra­vers des bar­reaux
- se faire racket­ter pour ache­ter des pro­duits d’ali­men­ta­tion et d’hygiène de base
- savoir que la porte peut s’ouvrir n’importe quand et les uni­for­mes retour­ner tes moin­dres effets per­son­nels selon leur bon vou­loir
- être face à des per­son­nes en uni­for­mes qui peu­vent se croire tout permis, te faire la misère, ou faire sem­blant d’être sympa, et dans tous les cas refer­mer la porte à clé der­rière toi.

Chaque jour dans cette prison comme dans d’autres, des pri­son­nier.es sont privé.es du monde et de la vie du dehors.

Nous ne les oublions pas, nous n’oublions pas que nous haïs­sons les pri­sons et que nous vou­lons les détruire.

En avril, des pri­son­niers ont remis au direc­teur du centre de déten­tion et à la juge d’appli­ca­tion des peines une lettre où ils deman­daient notam­ment la fin des exper­ti­ses psy­chia­tri­ques, la fin des régi­mes fermés et semi fermé, la fin du mitard et de l’iso­le­ment.

Nous sommes soli­dai­res de leur lutte, et des actes de révol­tes contre l’admi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire.

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[Publié sur Indymedia Grenoble le 28 novembre 2012]

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[Marseille 15 décembre 2012] Manifestation « contre la traque des pauvres à Marseille et partout ! »

Manifestation « contre la traque des pauvres à Marseille et partout ! » samedi 15 décembre à 16H, porte d’Aix,vers le centre de rétention du Canet

Marseille devient la ville où on veut plus te voir traîner, mais plutôt au travail et sous payé ! Plus belle la ville se « rentabilise » et se « sécurise » et c’est les pauvres qui ramassent, comme toujours ! Traque des vendeurs à la sauvette, des Roms, des Sans-papiers et leurs familles, des RSAstes, des Chômeurs, des locataires qui ne peuvent pas payer leurs loyers, militarisation des espaces publics.

Cet été, a la prison pour sans-papiers du Canet, tabassage, pressions, résistances et révoltes se sont succédés. À la rentrée, ce sont les Roms qui en ont pris pour leur grade.

Ils construisent une ville où les liens qu’il nous reste pour survivre par l’entraide et la débrouille sont passés au rouleau compresseur, où les pauvres sont parqués dans des ghettos, alors qu’on construit des ghettos pour riches à la Joliette, à St Charles ou aux Crottes.

Pour continuer à s’enrichir sur notre dos, l’État et les patrons nous divisent en nous montant les uns contre les autres, nous balancent quelques miettes, pour nous aider à oublier nos conditions de vie de plus en plus merdiques.

Nous ne voulons pas de nouvelles réformes, on aura que ce qu’on prendra !

Prenons tous les logements !

Empêchons toutes les expulsions !

Détruisons les centres de rétention et les prisons !

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[Les Lilas] (93) Nik tous les pouvoirs : vitres local PS explosées

Les Lilas (93), nuit du 18 au 19 novembre 2012, les vitres du local PS ont toutes été explosées.
Deux tags sont apparus : « Nique tous les pouvoirs » « Z ».

Le SIT aura beau nous courir après, nous marcherons tranquillement.
Revenge for the ZAD, attaquons là où ils ne nous attendent pas.
Détruisons tout ce qui nous détruit !

Avec un Z comme…

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[Trouvé sur Indymedia Nantes le 26 novembre 2012]

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[Lille] La ZAD est partout

Des graffitis sont apparus dans la nuit de vendredi 23 au samedi 24 novembre 2012 à l’entrée des parkings Vinci sur la Grand Place de Lille …

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[La Roche sur Yon] Solidarité avec la ZAD. Le siège du PS taggé.

24 novembre 2012

[ voir la brève policière  : ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Notre-Dame-des-Landes.-Le-siege-du-PS-de-Vendee-tagge_40803-2136797——85191-aud_actu.Htm ]

Pour mémoire :

en octobre 2012

en août 2011

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[Dijon] Cris d’oiseaux à la gare… Gare aux cris d’oiseaux !

A Dijon comme ailleurs, quand on sort crevé du boulot, on se presse de rentrer chez soi. Une journée supplémentaire est passée, un pas de plus vers la retraite et la mort, 7 heures de trop à trimer pour enrichir un patron. Un jour aussi pénible que les autres, des heures entières à supporter les collègues et les ordres du petit-chef avec un sourire hypocrite.

A Dijon comme ailleurs, quand on rentre chez soi, on a pris la sale habitude de baisser la tête pour éviter les problèmes avec les uniformes. Police municipale et nationale, vigiles dans les centres commerciaux et les gares, caméras de surveillance qui guettent à tous les coins de rue. De toute façon, on n’a rien à se reprocher, non ? En tout cas, peut-être pas quand on sort du boulot pour aller s’endormir devant la télé.

A Dijon comme ailleurs, habiter où on travaille n’est pas donné à tout le monde. Le trajet s’étire avant de pouvoir s’enfermer chaque soir dans une cellule familiale qui porte bien son nom. On court alors vers la gare, on peste pour que le train soit à l’heure, et on se précipite pour s’entasser dans le wagon de notre routine salariée.

A Dijon comme ailleurs, tout se tient, du sommet de la mairie à la petite association de quartier, pour que rien ne change vraiment, pour que la machine ne s’emballe pas vers un inconnu qui fait si peur. Pourtant, malgré une pacification sociale gérée à coups de subventions, de réseaux militants de gôche ou de matraques démocratiques, tout ce beau petit monde peut se fissurer d’un instant à l’autre.

A Dijon comme ailleurs, il est parfois de petits événements qui bouleversent ce semblant de vie bien huilée. Il suffit que des gens cessent de mendier pour s’approprier un peu de ce dont ils sont privés (un toit, de la thune, quelque marchandise hors de prix), et voilà qu’on se retrouve chacun face à des choix. Celui par exemple de continuer à fermer sa gueule et à courber l’échine, d’indifférence en résignation. Celui aussi d’intervenir dans ce qui nous concerne tous, mais est chasse gardée des tenants de l’ordre public.

A Dijon comme ailleurs, la domination voudrait se passer de l’assentiment de tous, en se contentant de notre collaboration volontaire. Pourvu qu’on laisse faire les spécialistes et que ça se passe, pourvu qu’on délègue la prise en main nos vies et que ça se tasse.

Mais qu’arrive-t-il alors quand tout ne se passe pas comme prévu ? Quand, face à une interruption momentanée de la normalité, la force brute de cette passivité nous revient à l’improviste en pleine gueule ? Voyons voir un peu…

Comme souvent dans cette bonne ville de Dijon, le 14 janvier 2012 plus précisément, la gare est bondée en fin d’après-midi. Deux trains sont remplis et attendent à quai pour emporter leur flux de corps fatigués. A l’heure du départ, rien ne se passe, ni pour l’un ni pour l’autre. Il y a de plus en plus de monde aux fenêtres et sur le marchepied. Encore une grève de dernière minute, une panne inattendue, un sabotage sur les voies ? Rien de tout cela. Des cris, des insultes et une horde de chiens zélés qui s’attroupe en face. Voilà ce qui se passe.

A Dijon comme ailleurs, les pauvres se contentent rarement de marcher des centaines de kilomètres à pied, et il n’est pas rare qu’ils poussent parfois même le culot jusqu’à monter dans un train sans passer par la case billets.

Cette fois, ce n’est pas seulement une amende qui les attend. Ce jour-là ou un autre d’ailleurs, c’est la SNCF qui se donne en spectacle. Ou plutôt, c’est sa collaboration permanente avec la police, contre les sans-papiers ou contre les fraudeurs, qui s’affiche aux yeux de tous.
Pourquoi se gêner quand on sait que les uniformes ne font que leur sale travail : ils sont une dizaine entre contrôleurs, police des chemins de fer et flics ordinaires à tabasser deux mecs à terre. Deux voyageurs indésirables qui ne se laissent pas jeter d’un train sans broncher, deux jeunes qui ne se résignent pas malgré les coups qui pleuvent.

« Lâchez-les », « sales flics », « ordures », « chiens », « bâtards » sont les mots qui peuvent venir à la bouche de tout individu qui vient à croiser cette meute déchaînée sur sa route, en sortant du boulot ou en débarquant tout simplement dans ce paysage trop lisse.

Pourtant il faut croire qu’on peut mater ces porcs en regardant sa montre, en comptant les minutes avant que le train ne reprenne sa course vers l’ennui d’une vie sans passion. Pourtant il faut croire que c’est normal que ces chiens repartent en emmenant dans leurs griffes les trois récalcitrants (les deux du début et celle qui a proféré au milieu du silence des mots de rage et de colère). Pourtant il faut croire qu’ il est normal que ceux-là soient passés au bout de plusieurs jours de détention devant un « jury citoyen » et aient choppé cinq mois de sursis, et que la grande gueule soit relâchée au bout de 20h de GAV…

…Dans cette banale histoire de gare dijonnaise, de mise au pas policière de récalcitrants, d’indifférence collective et de complicités individuelles contre les flics, la solidarité active avec la compagnonne qui a exprimé à voix haute ce que nous sommes nombreux à penser nous semble aller de soi. Elle passera en procès le 20 novembre prochain pour « outrage » et refus de livrer bénévolement ses noms et ADN aux fichiers du pouvoir.

Brisons la routine de l’ordre salarié et policier !
Liberté pour toutes et tous !

[Tract collé avant le procès sur les murs de Dijon.]

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[Diffusé par Les Brèves du désordre le 23 novembre 2012]

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[Grenoble] Anti Poukav II Chronologie d’une soirée grenobloise agitée

[Note de cestdejatoutdesuite : Pour mémoire (entre autres)
[Paris] La police tombe sur un os, publié le 28 septembre 2011.
[Nantes-Notre Dame des Landes] Tentative de recruter une taupe dans le bocage contre un téléphone et des cacahuètes, publié le 10 novembre 2011.
[Grenoble] Anti PouKav
, publié le 25 avril 2012.
[Paname] Ils veulent des balances, ce sera pas nous !,  publié le 2 juin 2012. … ]

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Anti Poukav II Chronologie d’une soirée grenobloise agitée

Arrestation

23h45 – 00h00 :

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Jeudi 15 Novembre aux alentours de 23h30 place Notre-Dame à Grenoble, alors qu’il buvait tranquillement un coup avec des ami.e.s un individu que nous appellerons Yann se fait violemment interpeller.

Le jeune homme qui pourtant n’oppose aucune résistance est extrait du groupe d’ami.e.s, plaqué au sol menotté et maintenu face contre terre par deux flics pendant que sept autres maintiennent ses amis à distance à coup de matraque télescopique. L’interpellé est traîné dans une voiture de la police. Alors que quelqu’un demande pourquoi il est interpellé, le conducteur répond par la fenêtre : « parce qu’on nique ta mère connard ! ». Direction l’Hôtel de Police de Grenoble. Durant le court trajet les insultes pleuvent.

Le motif invoqué : Yann aurait jeté une bouteille sur la fontaine des Trois-Ordres. Une pure invention de la part des keufs présents depuis de longues minutes déjà sur les rails du tram tout proche. Arrivé au commissariat l’accusation s’est d’ailleurs transformée en un simple outrage.

Arrivée à l’Hôtel de Police, passage à tabac, nuit en cellule

23h55 – 07h20 :

— 

Au commissariat, l’interpellé est attendu par plusieurs autres policiers. Il est soumis à une vérification d’identité et à un test d’alcoolémie.

Alors que c’est son droit et qu’’il l’exige depuis le début de sa garde à vue, on ne lui laisse pas contacter de proche, ni voir de médecin. On se contente de prendre les coordonnées de son avocat. Il est alors passé à tabac : coups, clefs de bras et étranglements. On le met ensuite en cellule, où les policier font violemment irruption à deux reprise pour le fouiller à nouveau.

Parallèlement entre 00h00 et 00h15 le groupe d’amis du jeune homme, révolté par la situation, se rend devant l’hôtel de police où sont déployés (spécialement pour les accueillir ? ) 3 cars de CRS stationnés (auxquels il faut ajouter 2 qui font des rondes aux alentours), 2 voitures de la BAC et une unité de cette dernière à pied à l’arrêt de bus. Des policier en tenue anti-émeute (casques, boucliers, tonfa, flashball…) leurs barrent la route.

Les flics se font menaçant et repoussent le groupe. Il refusent dans un premier temps de répondre, affirmant qu’il n’ont pas a fournir de motif pour interpeller quelqu’un. Finalement un policier un peu plus bavard que ses collègues leur lance « De toute façon vous savez très bien pourquoi il est là ! Il ressortira demain », son chef lui ordonne de se taire.

Présent depuis le début, discutant au milieu des keufs se trouve un jeune homme, brun, barbe de trois jours d’environ 25 ans, en tenue décontractée, qui a l’air très gêné de voir arriver le groupe.

Et pour cause : cet individu n’est pas inconnu des personnes présentes qui l’ont déjà vu traîner sur le campus à plusieurs reprises, notamment autour du BSHM (Batiment des Sciences de l’Homme et des Mathématiques) où il vient boire des cafés et discuter avec des étudiants.

Peu de temps après, le jeune homme tente d’approcher amicalement une personne du groupe. Il se présente comme étant, « étudiant en M3 de sociologie » (sic !) et explique qu’il « effectue un stage ici ». On ne savait pas que la police proposait des stages de nuits aux étudiants en sociologie… Il pose ensuite des questions relatives aux événements prévus le week-end suivant à Notre-Dame des Landes, tentant de savoir si l’individu arrêté avait un rapport avec la ZAD.

Aux alentours de 01h00 les policiers annoncent que Yann est mis en garde à vue et le groupe quitte les lieux.

Alors qu’il ne cesse de demander à voir un médecin, le jeune homme arrêté est finalement emmené aux urgences pour être examiné. Les flics connaissent leur boulot et il n’y a aucune trace des traitements qui lui ont été infligés. Sur le chemin du retour, le tableau de bord de la voiture indique 01h40, soit presque deux heures après l’interpellation place Notre-Dame. Vérification faite auprès de l’hôpital Yann est entré à 01h20.

Il est ramené en cellule où les techniques de pression des poulets se font plus subtiles. Le néon est allumé à peu près tous les ¼ d’heure pendant plusieurs heures. Surtout, la ventilation est mise en marche à plein régime, rendant la température de la pièce glaciale. Yann passe 05h30 dans ces conditions, sans contact avec les policiers qui ne répondent pas.

1ère approche et 1ère audition

07h20 – 10h40 :

— 

A 07h20 un policier passe dans la cellule pour apporter le petit déjeuner et quelques heures plus tard un second poulet s’amène. Celui-là est en civil, l’air décontracté. Il demande à Yann de le suivre dans le couloir et lui annonce qu’il va être entendu par une collègue qui est « super sympa », qu’il « n’aura rien ».

Toujours dans son rôle de « gentil flic » il explique qu’après ce premier interrogatoire avec sa collègue, il devra l’entendre sur d’autres affaires dans lesquelles il est mis en cause depuis plusieurs mois. Il aurait d’ailleurs déjà auditionné un de ses amis. Ce faisant il prend soin d’enrober son propos de phrases du genre « tu vas voir c’est rien du tout », « j’ai été sympa avec toi, j’ai attendu cette occasion pour t’en parler » ou « on aurait pu venir t’arrêter avant mais on l’a pas fait » ou bien encore plus pathétique « avec moi tu vas pouvoir fumer une clope, tranquille ». Il lui propose d’être auditionné « librement » sous peine de voir se prolonger sa garde à vue. Devant le refus de coopérer de son interlocuteur, qui n’a de toute façon rien a déclarer, le policier s’efface et laisse place à un autre qui le remet immédiatement en cellule.

Il est alors auditionné par la « collègue super-sympa » qui vient le chercher et le menotte pour l’emmener jusqu’à son bureau où il sera entendu menotté à la chaise. Une audition très brève où il ne reconnaît rien de ce qu’on lui reproche, à savoir un jet de bouteille, un outrage, à quoi s’est ajouté la consommation d’alcool sur la voie publique malgré un arrêté municipal. Des accusation qu’aucun élément ne vient étayer. Il devient de plus en plus clair que l’arrestation était ciblée et qu’elle n’était qu’un prétexte pour le second interrogatoire.

A la sortie de l’audition Yann est ramené à sa cellule où il patiente à nouveau avant que l’on vienne lui remettre une convocation chez l’adjoint du procureur. On le laisse récupérer ses affaires, il signe le PV de sortie de garde à vue. Il se croit tiré d’affaire….

Libération théorique et deuxième audition

10h40 – 12h00 :

— 

C’est sans compter sur le gentil flic du matin qui réapparaît et lui demande de le suivre… dans une cour adjacente au commissariat où l’attend un de ses collègue. « T’as des cigarettes ? Vas-y je t’avais dit que tu pourrais fumer ». Le keuf qu’il a déjà envoyé paître le matin-même a l’air d’attendre de la gratitude de sa part… Sa cigarette terminé, le flic et son collègue lui demandent de les suivre, lui faisant comprendre qu’il n’a pas le choix, direction un bureau au 4ème étage de l’hôtel de police.

Là, en guise d’introduction le flic évoque un individu (que nous appellerons Xavier) et pose devant lui un article posté sur Indymedia Grenoble intitulé « AntiPoukav » (lire l’article en question), censé faire référence à un séjour de Xavier au commissariat.

S’en suivent une série de question concernant Xavier et Indymedia auquel le jeune homme répond qu’il ne connaît ni l’un ni l’autre et n’a donc rien à déclarer. Le flic affirme ensuite qu’il sait que Xavier et lui se connaissent et qu’ils étaient même ensemble le mercredi soir précédent place Verdun. Encore une pure invention de la part des policiers à laquelle le jeune homme refuse de répondre.

Le policier enchaîne et évoque une manifestation anti-éléctorale ayant eu lieu en Mai (lire l’article d’Indymedia), il sort plusieurs douzaines de photo des personnes ayant participé à la manifestation et les questions reprennent. Malgré le fait que l’interrogé déclare ne pas savoir de quoi il s’agit et tout ignorer de cette manif, le policier enchaîne les questions sans en tenir compte : Y était-t-il ? Comment était-t-il au courant ? Qui y a participé ? …

Le jeune homme proteste alors et demande a ce que l’on le laisse partir, la police qui élabore son scénario foireux en s’appuyant sur des liens supposés entre lui et Xavier, n’ayant aucun motif pour le mettre en garde à vue et apparemment aucune raison de le retenir plus longtemps dans ces locaux.

C’est alors que le flic lui sort un nouvel argument. Un commerçant de Grenoble a porté plainte contre lui pour des dégradations sur sa vitrine, ils peuvent donc le garder. Le flic lui demande s’il connaît Piero San Giorgio, ainsi que Christian Mollier le patron de la boutique Terre Celtique (lire l’article « Alerta antifacista ! Déraçinons l’extrême-droite à Grenoble » sur Indymedia Grenoble et les articles de la rubrique « Dossier Terre-Celtique et Piero San Giorgio » sur Fafwatch-Rhône-Alpes), ce à quoi il répond par la négative. Il lui met alors entre les mains des photos des dégradations (où l’on peut voir entre autres une croix gammé sur la vitrine) et lui demande s’il reconnaît en être l’auteur. Il lui montre ensuite la déposition de Mollier sur laquelle ce dernier donne son nom, son prénom et son adresse l’accusant également d’être l’auteur d’articles sur Indymedia, ainsi que les noms, prénoms et adresses d’un second individu. Il annonce aussi que le patron de la boutique leur a fourni ainsi une liste de noms et de photos qu’il ne lui montrera cependant pas.

Pour finir, le keuf montre à Yann une série de photographies des participants à un rassemblement qui avait eu lieu devant Terre-Celtique. Encore une fois, il tente d’établir des liens entre l’interpellé et Xavier, et d’établir leur participation à la manifestation anti-électorale, aux dégradations contre Terre-Celtique et au site Indymedia Grenoble. Chacune de ses question vise à faire correspondre les déclarations de l’interpellé à ce scénario bancal et fantasmé.

Face au mutisme mi-amusé mi-exaspéré de Yann, le policier ne se démonte pas. Il lui annonce que d’après son dossier il est fiché comme « anarcho-libertaire et antifasciste d’extrême-gauche » (sic) et lui pose de nouvelles questions pour lesquelles il obtient toujours la même réponse : Faites-vous partie d’un mouvement politique ? Participez-vous à des actions politiques ? Que faites-vous ce week-end ? Avez vous prévu de vous déplacer pour des actions de revendication ? Êtes-vous antifasciste ? Etes-vous un Anonymous ? Que savez-vous des Anonymous ? Comment sont-il organisés ? …

Il tend pour finir trois feuilles à Yann que celui-ci relit, puis pour sortir de cette situation absurde accepte de signer ces dépositions où il témoigne qu’il n’a rien à témoigner.

Lorsqu’il quitte le bureau il est 12h00.

Mort aux vaches !

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[Publié sur Indymedia Grenoble le 21 novembre 2012]

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Anti-répression 2.0

Indymedia Paris, toujours dans les bons coups [1], a validé la publication d’un article nommé « Quelques conseils pratiques suite à l’arrestation de copains… » [2] en date du mardi 20 novembre 2012, et signé « solidarités anarchistes ». Bien que nous ne voyons pas ce que peut bien faire l’anarchisme au beau milieu de ces 21 commandements de l’antirep 2.0, c’est aux consignes pratiques qui sont données là que nous voulons réagir pour les disqualifier au plus vite.

Il y a de quoi se questionner rien que par le choix des mots, dans ce communiqué écrit pour « rappeler deux ou trois bons procédés pour survivre lorsqu’on participe à une action politique », et écrit pour l’occasion parce que « deux copains ont été interpellés vendredi dans la nuit avant de passer deux jours et demi en détention » [3]. Il y a donc des procédés à suivre, des consignes qui viendraient d’on ne sait où, visiblement de personnes ayant déjà « survécu » à une « action politique », et c’est tout le bien que nous leur souhaitons, à nos survivants. Visiblement aussi, ces personnes sont extrêmement sûres d’elles-mêmes, de leurs affirmations précises et péremptoires qui ne s’encombrent jamais de toute l’histoire de la répression du mouvement révolutionnaire et des différentes petites « victoires » obtenues face aux flics et aux juges, de l’histoire de tous ces camarades et compagnons qui ont eu le courage et l’intelligence de poser quelques standards face aux exigences morbides de la justice. En assumant ce qu’ils sont véritablement, en ne jouant pas avec le soutien d’une éventuelle classe sociale, en étant révolutionnaires devant leurs camarades de même que face aux juges, en ne se pliant pas systématiquement aux différentes formes d’auto-répression ou de répression participative qu’on voulait les contraindre à respecter, etc.

Il y a cette forme de pensée, qui se vit comme rationnelle, qui pense que chaque nœud se défait de la même manière. A l’ère cybernétique, il y aura toujours une page wikipedia pour nous expliquer ce qu’est une chose, pour nous indiquer comment faire ceci ou comment faire cela de la manière la plus valide. Pas étonnant donc, que dans le petit milieu radical, fleurissent en permanence des « guides pratiques » : comment squatter, comment se comporter en garde-à-vue, comment paperasser, comment voler, comment aimer ou comment baiser. Chacun de ces guides, qu’il le prétende ou non, tend à créer un monopole de la manière de faire, une nouvelle norme. Ils tendent à créer l’illusion qu’il n’y a qu’une unique manière qui soit efficace (donc souhaitable, dans l’esprit du temps…) et qu’il faudrait reproduire perpétuellement. Rien d’étonnant à ce que ce milieu soit à l’image du monde qui le produit et lui donne sa raison de vivre. Et si, pour parler le langage immonde de l’époque, le premier résultat d’une recherche google serait le meilleur, le plus « prouvé scientifiquement », alors quoi d’étonnant à ce que ce genre d’énumération de procédés, au delà d’être dangereux, soit suivi à la lettre par quelques esprits influençables et peu expérimentés ?

Encore une fois, nous voulons opposer la recherche de l’efficacité à tout prix, la tactique et la stratégie aux raisons du cœur et à notre éthique.
Si nous comprenons la nécessité de ne pas parler aux flics comme une simple règle à respecter pour des raisons pratiques et non pas comme un rapport au monde et une éthique, alors il y aura possiblement des situations où il sera préférable de parler aux flics pour telle ou telle raison tactique. C’est aussi le danger de ce type de commandements, de présenter des règles pensées dans un but d’efficacité, et donc auxquelles on peut déroger si l’efficacité l’exige ponctuellement, selon l’agilité politicienne de chacun. Car ce n’est pas seulement pour des raisons pratiques que nous ne parlons pas aux flics, c’est aussi parce que nous ne reconnaissons pas leur autorité, parce que nous ne pouvons pas en supporter l’idée.

Par exemple, lorsque nos survivants nous ordonnent par l’un de leurs commandements de « ne rien laisser traîner chez soi qui puisse permettre d’établir son parcours politique », nous sursautons bien évidemment. Et là, la question n’est pas de savoir si cela serait plus efficace en terme de résultat de se faire passer devant un juge pour un esprit simple, bon sous tout rapport, qui passait par là, a vu de la lumière et est rentré, plutôt que pour un révolutionnaire déterminé à changer le monde. Il s’agit plutôt de chercher à comprendre comment le grand écart est possible, et comment le miroir ne se brise pas sous les coups de notre dignité qui s’envole à chaque fois que nous nous regardons dedans.
Des compagnons et des camarades arrêtés ces dernières années, dans plusieurs affaires différentes, parfois lourdes, parfois sous la menace directe de la prison, ou celle de ne pas en sortir, ont refusé ces petits jeux de rôles minables et ont refusé de se renier. Alors bien sûr, ceux qui joueront les canards face aux juges seront des gentils, et les autres, ben tant pis pour eux ! Après tout c’est à ceux qui prennent des risques pour leur émancipation de s’aligner sur ceux qui se laissent réprimer bien comme il faut. Par le bas, toute !

Mais que les réalistes se replacent confortablement dans leurs fauteuils objectifs, on peut rester digne et « gagner », on peut rester digne et être « efficace ». Mille cas à travers le monde nous ont montré qu’il était possible de revendiquer une solidarité avec des idées et des pratiques, sans pour autant admettre avoir commis tel ou tel fait, et sans jouer les innocents ou les gentils.

En réalité, nos survivants ne proposent pas des pistes pour réfléchir à comment attaquer mais plutôt une liste de dispositions à prendre pour réaliser une action politique. Et pour nous, l’attaque n’a rien à voir avec une action politique, ou militante. Notre vie n’est pas déterminée par un agenda quelconque, avec un temps pour la réunion, un temps pour l’action politique, et un temps séparé pour la vie privée (expliquant par exemple pourquoi nos militants exigent que nous jetions nos livres, brochures, etc pour faire de son lieu de vie privée un endroit séparé de sa « vie politique »). Pour nous, l’attaque de ce monde n’est pas un moment séparé à caler dans un emploi du temps, c’est un rapport de conflictualité permanente au monde.

Plus anecdotiquement, nos « anarchistes solidaires » ont un peu tendance à prendre les gens pour des cons, avec des conseils comme « faire vite et ne pas traîner sur le lieu de son action une fois accomplie », parce que bien sûr on en voit beaucoup des gens qui brûlent une cible en pleine métropole et qui se posent sur un transat pour admirer leur œuvre les doigts de pieds en éventail, passant un coup de fil à tous les copains/copines pour leur raconter comment ils ont « survécu à une action politique ». Eh bien non, car il faut « ne jamais amener son téléphone portable sur une action (les keufs peuvent le géolocaliser a posteriori) », merci pour l’info. Bref nos « anarchistes solidaires » prennent un peu les gens pour des abrutis, alors qu’au fond, c’est eux qui sont navrants. Toutes ces choses sont déjà acquises pour quiconque prend la décision d’attaquer ce monde, chacun est doté d’un peu de bon sens, en tout cas assez pour ne pas avoir besoin d’un guide pratique pour savoir qu’il ne faut pas laisser de « pièces à convictions » sur les lieux, ou bien que les flics ne sont pas des copains.
La question que nous nous posons est donc de savoir à qui s’adressent ces « procédés », car de telles banalités pourraient laisser entendre à quelqu’un qui débarque et n’a pas encore eu l’occasion de développer des affinités avec des gens qui ont un peu d’expérience pratique, que ces 21 commandements sont suffisamment exhaustifs pour qu’il puisse partir à l’action sûr de lui sans plus d’approfondissement empirique.

Il y a aussi cette posture d’expertise, qui tombe quelque peu à l’eau à l’examen de leur manque total d’expérience réelle de la répression, un peu comme n’importe quel avocat qui ne visitera jamais les fonds d’une geôle et qui réfléchira toujours plus en fonction du code pénal et du remplissage de ses poches qu’en fonction de ce qu’il perçoit dans les yeux et les sentiments des individus qui se trouvent face à eux dans le « local avocat » d’un commissariat ou d’une prison. Pour mettre les choses au clair, non, les flics ne nous laissent pas sans chaussures et sans habits sous prétexte qu’il y aurait des cordons et des lacets, ils retirent simplement les cordons et les lacets. Et non, non plus, on ne peut pas lire de livres en garde-à-vue, couverture souple ou pas, au pays des licornes et des arc-en-ciels comme en France.

Hormis les quelques balivernes ci-dessus cités, ces conseils sont peut-être très bons, nous n’en doutons pas, pour les désobéissants, les collectifs citoyens ou les politiciens pour qui l’« action politique » est séparée du reste de la vie, pour qui les idées sont séparables des pratiques et pour qui les discours s’adaptent au réceptacle, ou pour ceux qui rentrent gentiment vivre leur vie d’esclave après avoir soupiré leur indignation trimestrielle entre deux conscientisations accomplies et notifiées. Certainement efficace aussi si pour nos survivants solidaires, ce qui est placé dans l’horrible terme d’« action politique » qui est le leur, se résume au happening, à la manifestation-unitaire-merguez-et-collective-tous-ensemble, au sit-in pacifique ou à la banderole postée sur youtube, et à tout ce qui ne cherche qu’à faire le buzz, comme on dit. Car l’époque exige de bons metteurs en scènes de l’artifice.

Mais ils ne s’appliquent certainement pas à ceux qui portent assez de force dans leur cœur pour renvoyer un peu de la violence qu’ils subissent à la gueule des oppresseurs avec continuité, et nous sommes confiants que ceux-là iront chercher conseil dans le vivier de transmission (orale ou écrite) que leur a légué l’expérience de l’action directe et de la répression plutôt que dans des guides pratiques comblant le vide théorique de ceux qui les rédigent. Nous souhaiterions que l’infiltration progressive et omniprésente du virtuel ne se supplante pas aux rapports humains, au moins entre révolutionnaires à défaut de plus, comme c’est le cas partout ailleurs.

Pour conclure ces quelques lignes, nous ne pensons pas que la question de la sécurité soit une question figée, ou en tout cas, le caractère essentialiste d’une « culture de la sécurité » [4] nous paraît bien limité. La sécurité est selon nous une question bien plus simple et moins rigide, elle est une question d’intelligence pratique, de transmission et d’expérience. La sécurité ne doit pas devenir la priorité dans l’élaboration d’une attaque, elle ne doit pas prendre la place du désir d’un autre monde (ou tout simplement de détruire celui-ci) qui en est à l’origine. La culture de la sécurité, nous vivons déjà dedans, dans cette peur des mots et cette panique de la surveillance, la culture de la sécurité n’est rien d’autre que la culture de la répression.

Bien sûr, la sécurité est importante si nous voulons pouvoir continuer notre chemin, mais elle ne peut être comprise avec finesse que dans le cadre de l’affinité, c’est-à-dire d’une relation approfondie (et notamment à travers le temps) entre des compagnon/nes qui permet peu à peu de partager les expériences et d’approfondir mutuellement l’analyse de ce monde, les pratiques et les savoir-faire qui en découlent naturellement, la sécurité en fait partie.
Bouger ensemble, attaquer, penser, analyser, faire vivre et dialoguer des connaissances, ce ne sont pas des choses que l’on apprend à l’école, en famille, en assemblée générale, sur internet ou dans un guide pratique. Ces choses là se développent au contact de l’autre, dans l’affinité, dans un développement permanent et avec soi-même. Il n’y a pas de modèle à suivre, à part pour les militants.

Alors, il paraîtra limpide que ce n’est ni sur indymedia ni sur wikipedia que nous comprendrons ce monde et que nous trouverons des prises pour le démolir. Que les précautions que nous prenons ne doivent pas déterminer nos pratiques et nos idées.

Le 21 novembre 2012,
Les méchants !

Notes

[1] Voir par exemple ici, et .

[2] Visible ici.

[3] Plus précisément en garde-à-vue, et sous l’accusation d’avoir écrit quelques phrases avec un feutre et collé quelques affiches contre la construction d’un aéroport sur une permanence locale d’un parti au pouvoir. [Note de cestdejatoutdesuite : voir le témoignage d’une des 2 personnes arrêtées]

[4] Terme que l’on voit fleurir, notamment sous l’impulsion des personnes proches de l’Appel ou aux Etats-Unis, dans les crémeries équivalentes, comme Crimethinc.

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[Diffusé par la Base de données anarchistes le 21 novembre 2012]

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[Paris] Deux jours avec les profileurs du SIT : quand la police politique travaille sur une bête affaire de tags…

[Sur les 2 arrestations du 16 novembre 2012…]

Il est autour de 1h du matin ce vendredi 16 novembre 2012 quand une voiture de la police de proximité s’arrête au niveau du 150 avenue Daumesnil (Paris 12ème). Nous sommes alors deux sur le trottoir juste devant la permanence du Parti Socialiste. Et sur les murs de celle-ci, quelques inscriptions au marqueur et une série d’affiches sont apposées là pour soutenir la lutte contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Trois flics débarqués du véhicule entreprennent de nous interpeller et font un inventaire (avec photographies) des « dégradations », avant de crachoter dans leur talkie-walkie : Delta, Oscar, Mike…

On nous embarque. Motif invoqué : « Outrage à personne dépositaire de l’autorité publique » (Article 433-5 du Code Pénal). Il semblerait que l’inscription « Ayrault-porc, nous serons ta Bérézina » relevée sur la façade soit à l’origine de l’inculpation. Et il semblerait même que les policiers nous ont pris en flagrant délit de l’avoir fait. Pourtant, personne n’écrivait sur ce mur lorsqu’ils sont arrivés. Et nous nous trouvions juste là, en pleine contemplation de l’œuvre.

Alors que je suis déjà menotté dans la voiture, la radio de celle-ci annonce que nous allons être transférés dans les locaux du Service d’Investigation Transversale, situés rue Riquet dans le 19ème. Ça me rappelle quelque chose : http://paris.indymedia.org/spip.php?article7092

Et voilà que les deux voitures de police qui nous emmènent sont lancées à toute blinde sur les avenues de Paris, manquant à chaque intersection de tuer un cycliste pour être certains de ne pas dépasser les délais légaux imposés par la procédure. Précisons qu’arrivés à mi parcours, les flics de la première voiture se rendent compte qu’ils ont oublié les marqueurs sur le rebord de fenêtre de la permanence socialiste. Retour – très – rapide avenue Daumesnil : ce serait bête d’oublier les pièces à conviction…

Arrestation + 30 minutes : transfert au SSIT (Paris 19ème)

1h15, on est placés en garde-à-vue. Un flic présent dans le hall m’écrabouille la mâchoire parce que j’ai osé ne pas me taire quand il m’a demandé de la boucler. Mise en condition. On nous place bientôt en cellule : retrouvailles avec les clapiers qui puent la pisse. D’autres gars sont déjà là, accusés de cambriolage. Forcément, c’est aussi une des spécialités du SIT d’enquêter sur ce type d’affaires, en plus des violences urbaines, des phénomènes de bandes, du racolage et de certaines affaires sensibles incombant à la Direction de la Police Urbaine de Proximité (DPUP).

Bientôt, nous retrouvons l’OPJ sorti d’un vieux film anglais qui sévit toujours à cette adresse. Nous avons chacun une avocate qui nous assiste pendant l’audience. Nous n’avons rien à déclarer, l’OPJ s’ennuie. Mais il reste flegmatique, placide, pose ses questions de routine et imprime son PV qu’il nous demande de signer. Pas envie de signer, on retourne en cellule. Plus tard, on nous demande aimablement si nous souhaitons donner notre ADN. Que dalle, on refuse. Un nouveau chef d’inculpation apparaît dans notre procédure : « refus de se soumettre à un prélèvement biologique » (Article 706 du Code Pénal).

Arrestation + 11 heures : transfert au 27 boulevard Bourdon (Paris 4ème)

Alors qu’on est enroulés dans les couvertures dégueulasses de la taule Riquet pour résister au froid, quatre flics en civil viennent nous tirer de nos cellules pour nous emmener dans les autres locaux du SIT près de Bastille. Dans la voiture, la flique assise entre nous deux, Alison, écrit des sms à son collègue Olivier concernant des clés de bagnole, tandis que ses collègues nous demandent la raison de notre interpellation. Un autre nous précède en moto.

Toujours menottés, on nous sort de la voiture et on nous fait entrer par la petite porte arrière du commissariat située rue de l’Arsenal, puis on nous colle dans deux cellules juxtaposées du poste de police. Un flic d’accueil nous explique gentiment comment utiliser le robinet et le wc turc qu’il y a dans chaque cellule. En tout cas les cellules sont plus propres et moins glauques qu’à Riquet. Mais une taule reste une taule.

Quelques temps après, entretien avec nos avocates respectives et nouvelle audition, cette fois-ci avec Alison et en présence des avocats encore une fois. Elle nous demande d’expliquer notre version des faits, à savoir quand et comment nous nous sommes trouvés devant la permanence du PS et si oui et de quelle manière nous en avons gribouillé les murs. Autant dire qu’on n’a pas grand chose à déclarer. Elle nous interroge aussi sur nos raisons de refuser de tourner le coton-tige dans notre bouche. Elle nous sort l’argument classique du « si c’était ta fille qui s’était faite violer, tu serais contente qu’on retrouve le violeur avec son ADN ». Que dire ? Évoquer la question du totalitarisme, du contrôle total de la population au nom de la prévention du crime ? Je me tais, c’est mieux. Mais à la rigueur on s’en fout, c’est la suite qui est croustillante. Et j’y viens.

Dans l’après-midi, coup d’éclat. On nous notifie une supplétive de garde-à-vue : dix nouveaux chefs d’inculpation s’ajoutent à ceux d’outrage et de refus d’ADN. Quelqu’un quelque part a suggéré aux braves agents du SIT de nous interroger sur dix autres faits de dégradations commis à l’encontre de différents locaux du Parti Socialiste entre le 28 octobre et le 10 novembre ! Que de faits d’armes à notre actif !

Arrestation + 17 heures : prolongation de la GAV de 24 heures

L’enquête a pris soudainement une autre dimension. Mon camarade de galère est emmené à son domicile pour une perquisition. Et après 19 heures, alors qu’il a été ramené en cellule et que le procureur a décidé du prolongement de notre garde-à-vue, le SIT prend congé de nous pour une longue nuit de silence. Toutes les cellules sont occupées et la nuit apporte de nouveaux voisins, certains interpellés pour bagarre, d’autres pour état d’ivresse. Les loquets des autres cellules claquent, des gens passent et repassent dans le couloir, puis finalement le sommeil finit par venir.

Arrestation + 32 heures : seconde perquisition

Je suis réveillé vers 9 heures du matin par Nicolas, Grégoire, Jerome et Ken, quatre flics du SIT qui viennent m’emmener en perquisition à mon domicile. Pas de mandat, puisqu’on est dans le cadre d’une enquête de flagrance. « Flagrance », ça veut dire que la police fait ce qu’elle veut dans un délais de 7 jours suivant l’arrestation en flagrant délit. Ils ont trouvé ma vraie adresse (que je ne leur avais pas donné) et foncent à travers la capitale ensommeillée pour aller fouiller mon appart. En cours de route, je leur fait remarquer qu’il font le boulot d’une police politique et leur demande ce qui peut bien motiver une perquisition si ce n’est la recherche d’éléments sur mon appartenance politique, éléments qui intéresseraient bien la DCRI ou la SDIG, mais n’ont pas grand chose à faire dans une enquête sur des « dégradations légères ». Ils me répondent qu’ils sont à la recherche « d’éléments préparatoires » (en gros, d’indices permettant d’attester que les inscriptions auraient été préparées chez moi). Quand je leur demande quels types d’éléments peuvent être pris en considération, le silence me répond, éloquent. Mais au demeurant, l’équipe de flics qui m’accompagne est bien sympa. Trop à mon goût.

Ils sonnent, réveillent ma copine qui ne s’y attendait pas trop (elle dormait). Ils font intrusion dans notre appart avec leurs grosses godasses et commencent à fouiller le salon après m’avoir permis de faire un brin de toilette. Tout les intéresse. Ils ouvrent toutes les boites, portes, tiroirs, s’étonnant du rangement. L’un d’eux s’arrête sur le bouquin « La force de l’ordre » de Didier Fassin, tandis qu’un autre prend des photos d’affiches politiques sur mes murs. Autant dire qu’ils sont satisfaits de trouver sur la table des tracts et affiches en rapport avec la ZAD : sans doute les éléments préparatoires qu’ils cherchaient. Ils en profitent pour prendre des documents personnels permettant de retracer mon parcours politique et l’ensemble de mon matériel informatique (trois pc contenant 4 disques durs, plus 2 disques durs externes, plusieurs clés USB, un camescope…). Puis, alors que je crois la perquisition terminée, ils partent fouiller le véhicule d’une copine dont j’avais emprunté la clé et qui avait été localisée par l’un de leur collègue la veille (si ça ce n’est pas de l’espionnage digne d’une police politique !). Dans le coffre, ils trouvent deux bombes de peinture blanche et jaune et un flacon de peinture rouge : d’autres « éléments préparatoires ». Ils prennent la voiture en photo et on s’en retourne boulevard Bourdon. Autant dire que la gardienne de l’immeuble n’était pas du tout étonnée de me voir passer menotté et entouré de quatre flics.

Arrestation + 38 heures : avec les flics informaticiens de la BEFTI

Après la pause de midi et alors qu’on s’assoupit dans les cellules, on me fait monter au troisième étage du commissariat, où deux flics de la Brigade d’Enquête sur les Fraudes aux Technologie de l’Information (BEFTI) sont venus en renfort du SIT. Là, tout le matériel informatique saisi dans nos appartement est passé au crible à l’aide du logiciel EnCase Forensic for Law Enforcement et d’appareils de blocage en écriture. Tous les fichiers, y compris préalablement supprimés, sont extraits et analysés à partir de mots clés en rapport avec les faits de dégradation : « parti socialiste », « zad  »… Toutes nos photographies et documents personnels passent sous les yeux des techniciens-flics, qui démontent et analysent nos ordinateurs pendant plusieurs heures. Ce qui les intéresse est gravé sur un CD rom et ajouté aux scellés.

Arrestation + 40 heures : ultime audition

La dernière audition porte sur les faits commis à l’encontre des différents locaux du PS au cours du dernier mois. On nous demande de commenter. On n’a évidemment rien à dire, puisqu’on n’y était pas. Et puis Jérôme, le flic qui m’interroge et fait preuve d’une évidente sympathie pour nous (mais sert quand même le pouvoir), tente d’en savoir plus sur mes idées politiques, feignant la discussion informelle « hors audition ». Il tente quelques incises, parlant d’acratie (absence de pouvoir), d’anomie (absence de règles), d’anarchisme de droite, citant Kropotkine et un poète anarchiste, attendant de moi que je donne mon avis. Mais hélas pour lui, le contexte n’invite pas à la discussion. Je n’ai rien à déclarer. Derrière le gars sympa (et semblant sincère) se cache un flic, ne jamais l’oublier.

Arrestation + 44 heures : fin de la GAV et transfert au dépôt du Palais de Justice

Vers 20 heures on nous notifie la fin de notre garde-à-vue et notre transfert dans les quatre heures vers le dépôt du Palais de Justice de la Cité. On nous dit que notre matériel informatique nous sera rendu dans les trois jours, excepté les peintures, quelques documents et nos portables, qui restent sous scellé (un service spécialisé sera chargé de déterminer où étaient nos portables les soirs des 28 et 31 octobre, 1er, 4, 7 et 10 novembre).

Alors que nous dormons, vers 1 heure du matin une équipe de flics de la police de proximité vient nous chercher pour nous amener à Cité. Dans le fourgon, l’une des flique fait par à sa collègue de sa déception d’être avec nous au lieu d’intervenir sur une bagarre, exprimant son envie de « cogner sur quelqu’un  » : la finesse des équipes de nuit…

Peu après, nous sommes placés en cellule dans le dépôt du Palais de Justice, une grosse prison avec plus d’une soixantaine de cellules alignées sur deux étages, avec des coursives comme à Fresnes. Tout est clean depuis que le dépôt a été rénové en 2010 et après que le Conseil de l’Ordre des avocats avait dénoncé son insalubrité en 2009. Mais l’endroit reste affreusement glauque.

Arrestation + 57 heures : transfert vers la cage des déférés

Après avoir été réveillé dans la nuit pour une nouvelle tentative de prélèvement biologique, nous sommes réveillé vers 9 heures du matin pour être emmenés un par un avec un quinzaine d’autres personnes à travers la « souricière » (couloirs souterrains ressemblant à la ligne Maginot) jusqu’au Palais de Justice, menottés et accompagnés chacun d’un gendarme. Placés ensuite dans une cage collective sous la bonne garde d’un groupe de gendarmes, nous attendons un entretien avec l’assistance sociale censée établir nos garanties de représentation (si nous sommes socialement intégrés), puis avec notre avocat et enfin avec le procureur qui doit décider de notre sort.

Arrestation + 62 heures : passage devant le procureur et remise en liberté

Peu avant quinze heures, on passe devant ledit procureur après avoir poireauté près de cinq heures dans la cage des déférés (autant dire qu’on a eu le temps de faire connaissance avec tous nos compagnons d’infortune : escrocs, bagarreur/euses, utilisateur/trices de faux papiers). L’entrevue avec le procureur dure cinq minutes, juste le temps de se voir remettre une convocation en justice pour le 16 janvier 2013 à 9h00 devant la 24ème chambre du TGI et une fiche de sortie du dépôt.

Retour au dépôt, remise de nos fouilles. On peut enfin sortir, après 62 heures enfermés pour des dégradations légères !! Précisons qu’entre temps l’inculpation pour outrage a disparu des chefs d’inculpation et que le tribunal ne semble pas retenir (pour l’instant) les faits commis sur les autres permanence PS au cours du mois passé. Heureux de savoir que l’ensemble de mes données personnelles sont passées entre les mains des flics…pour rien !

Que cherchaient vraiment les flics du SIT ? En quoi l’accumulation d’éléments relatifs à nos appartenances politiques et une perquisition à notre domicile permettent-elles de déterminer notre participation à des dégradations ?

Ça suinte le procès de mauvaises intentions…

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[Trouvé sur l’Interstice le 19 novembre 2012]

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[NDDL/Paris] Arrestation de 2 personnes le 16 novembre …

[Note de cestdejatoutdesuite : Nous reprenons une brève et un de ses compléments d’information parus sur Indymedia Paris les 17 et 18 novembre 2012.]

17 novembre

« GAV prolongée + perquisition pour 2 militants anti aéroport »
Les deux militants arrêtés hier [vendredi 16 novembre] sont actuellement perquisitionnés a leurs domiciles et leurs GAV a été prolongée de 24h ! Saisie de tout le matériel informatique et autres documents.

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18 novembre 21:13

Ils sont sortis ce dimanche à 15h du Tribunal de Grande Instance, où ils avaient été transférés vers 1 heure du matin après 48 heures de GAV aux commissariats rue Riquet (vendredi), puis boulevard Bourdon (samedi).

Au cours des deux jours précédents, leurs domiciles ont été perquisitionné et l’ensemble de leur matériel informatique passé au crible. Leurs téléphones portables restent sous scellé.

Entre 1 heures et 10 heures ils étaient maintenus dans la souricière du dépôt du TGI, puis transférés dans les cages destinées au déférés en attente de voir le procureur.

Désormais libres, ils sont néanmoins convoqués le 16 janvier 2013 devant la 24eme chambre du TGI pour dégradations et refus de prélèvements biologiques (empreintes digitales, photo et ADN).

Un compte rendu plus précis sera publié par la suite. Merci pour le soutien.

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