[Paris Mercredi 7 mars à 9h] Procès suite à la manif Opéra mouvement retraites

Mercredi 7 mars 2012, 5 personnes passeront en procès pour « attroupement en vue de commettre des violences ou des dégradations » (loi « contre les bandes ») et « refus de prélèvement ADN » suite à la manif du 16 octobre 2010 qui partie de nation s’était finie vers l’Opéra Bastille lors du mouvement des retraites.

L’audience aura lieu le Mercredi 7 mars 2012 à 9h à la 24ème chambre du TGI de Paris, métro cité.

Pour rafraichir les mémoires des textes sont disponibles entre autres ici et .

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[Montréal] En Suspens – Nous n’irons pas à la grève comme nous allions à l’école


Montréal, février 2012, texte publié dans le contexte de la grève étudiante à venir.
La version papier a tout juste commencé à circuler.

Voici un extrait de l’éditorial:

« À la genèse des textes ici réunis, il y aurait un malaise partagé. Un malaise devant une vision, par exemple, la vision d’un archipel de bâtiments, plutôt imposants, au milieu d’une ville. Dans ces bâtiments, des corps qui vont et qui viennent, se pressant, se saluant, pour aboutir à des rangées de sièges. Puis, chaque corps plongé dans un certain mutisme. Alignés tous ensemble, ces corps offrent le spectacle par trop banal d’une immobilité agitée, subissant le passage du temps en consultant parfois une montre ou, technophilie aidant, leur téléphone intelligent ou leur laptop. Ici, le corps est enfin produit comme déchet dispensable : il ne nuit plus à la valorisation de ses fonctions cérébrales enfin mise au service de cette «économie du savoir» ou de ce «capitalisme cognitif».

Ce qui retient notre attention dans ce lieu central à la reproduction de la «société», c’est le spectacle glaçant de ces rangées de corps, généralement jeunes, immobiles, tenus à respecter une saine distance entre eux. C’est aussi la fragmentation de leur attention, leur regard oscillant entre leur ordinateur et ses innombrables fonctionnalités, un bouffon pénétré de son importance et occupé à déblatérer sur le thème du jour tenant lieu de professeur ainsi que tous les projets de vie ajournés bouillonnant dans leur tête. La chaise, le bureau, l’ordinateur, le professeur : un arraisonnement productif.

Un autre malaise cette fois : un enfant réveillé trop tôt, les yeux bouffis de sommeil, alors que l’aube pointe à peine. Le p’tit-dèj englouti en quatrième vitesse, la course-poursuite pour ne pas louper le bus, l’hostilité empesée du trajet de métro. Tout ça pour arriver à l’heure à l’école, usine à formater des petites personnes. Viendrait ensuite la morgue enjouée du prof en avant et son numéro de faux-enthousiasme pédagogique, la jungle de la récré dans laquelle il faut se démener pour ne pas rester à l’écart, avec les rejets. Une petite heure pour nourrir le corps et dégourdir les jambes et hop : retour au bureau. Finalement, le soir et son lot de devoir à rendre pour le lendemain. Si jeune et déjà le contrôle de tout son temps, la mobilisation de la pensée à des fins «utiles», le flicage des liens sociaux et l’enfermement dans un rôle à jouer : le mauvais apprenant, le cancre, le premier de classe. »

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[Grèce] Des nouvelles des procès en cours et à venir de plusieurs camarades (23 février 2012)

Deux procès sont actuellement en cours. L’un concerne Lutte Révolutionnaire (avec huit accusés : ceux qui en ont revendiqué l’appartenance, Costas Gournas, Nikos Maziotis et Pola Roupa, Christoforos Kortesis, Sarantos Nikitopoulos, Vaggelis Stathopoulos, Marie Beraha et Costas Katsenos, qui récusent les accusations). À présent, Katsenos est l’unique accusé a être détenu. L’autre procès concerne l’affaire Halandri (avec quatre accusés : les quatre qui ont revendiqué leur appartenance à la Conspiration des Cellules de Feu, Damiano Bolano, Giorgos et Michalis Nikolopoulos, Christos Tsakalos).

Le procès des quatre camarades de Thessalonique, accusés d’avoir mené plusieurs attaques incendiaires entre 2006 et 2007, était prévu le 17 février, mais renvoyé par la suite au 10 janvier 2013. Ce procès marque la première tentative des autorités grecques d’étendre aux anarchistes la loi anti-terroriste. Un des accusés, Vaggelis Botzatzis, a déjà passé un an en détention préventive. Les autres, Ilias Nikolaou, Dimitra Syrianou et Costas Halazas étaient clandestins jusqu’à ce qu’ils se rendent en 2008, après que la liberté conditionnelle avait été accordée à Botzatzis. Nikolaou, Syrianou et Halazas furent relachés, mais Nikolaou de nouveau arrêté en aout 2009 et accusé d’avoir placé un dispositif incendiaire dans une caserne. Nikolaou a purgé sa peine et a été relaché il y a peu de temps. Le nouveau procès s’annonce difficile pour les quatre accusés.

En Mars, dans quelques semaines, les deux derniers procès (du moins nous l’espérons) impliquant Simos Seisidis devraient avoir lieu. L’un concerne le vol d’une arme au vigile qui surveillait la maison d’un juge de la cour suprême, Kedikoglou, il y a de cela quelques années. L’autre traite d’une extorsion de fonds à l’Alpha Bank dans le quartier de Nea Halkidona à Athènes, advenue également il y a plusieurs années. Les deux délits lui ont été attribués alors qu’il était entré en clandestinité, entrainant sa condamnation par contumace à six ans de prison pour l’affaire de la banque. Nous publierons bientôt d’autres informations relative à la situation de Seisidis.

Le 8 mars devrait commencer le procès du camarade anarchiste Apostolis Kyriakopoulos et de trois autres, arrêtés pendant la révolte de décembre 2008. Kyriakopoulos a passé six mois en prison, avant d’obtenir la liberté conditionnelle, pour usage de cocktails molotovs, etc.

Le 5 mars, Konstantina Karakatsani – condamnée à 11 ans au cours du procès de l’affaire Halandri, présentera un recours pour la suspension de sa peine. Panayiotis Masouras, accusé dans la même affaire, en fera autant le 19 février.

Le 6 mars, notre amie Stella Antoniou, accusée de participation à la Conspiration des Cellules de Feu, présentera pour la cinquième fois une demande de libération pour raisons de santé.

Le procès de Rami Syrianos commencera le 26 mars. Rami a été arrêté en janvier 2011 après un vol dans une foire automobile à Thessalonique. Un autre camarade, Kleomenis Savvanidis, comparaîtra à ses côtés. Savvanidis fut arrêté le même jour et accusé d’être son complice malgré l’absence de preuves. Avec un solide alibi et plusieurs témoignages en sa faveur, Savvanidis a été relâché sous conditions deux jours après son arrestation, mais les accusations demeurent à sa charge.

L’audience d’appel pour Vaggelis Chrysochoidis et Polykarpos Georgiadis est arrêtée au 26 avril. Tous deux ont été arrêtés en été 2008, accusés d’avoir volé l’industriel Giorgos Mylonas et autres forfaits. Ils ont été condamnés à 22 ans et six mois.

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[Diffusé sur This Is Our Job le 25 février 2012, traduit par Contra Info le 28 février 2012]

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Même pas peur – Bref retour sur l’enfermement des mineurs en France

[Note de cestdejatoutdesuite : ce texte est paru dans Lucioles n°6 février/mars 2012. Pour « l’affaire de Labège », les 4 personnes incarcérées depuis l’intervention policière du 15 novembre 2011 ont été « libérées » (une le 20 janvier, deux autres le 8 février, et la quatrième le 16 février 2012.) Elles sont toutes les quatre sous contrôle judiciaire.]

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Que la société doit aimer ses enfants pour les châtier avec autant d’application ! Depuis l’ordonnance de 1945 qui créait les tribunaux pour enfants et avec eux la notion modernisée de « délinquance juvénile », l’État n’a eu de cesse de créer des structures ayant pour but d’encadrer, d’éduquer et surtout de mater ceux que ses différentes institutions, en premier lieu l’école, n’avaient pas réussi à mettre sur le « droit chemin ». Certes on ne pouvait plus alors, dès le plus jeune âge, se retrouver au contact de prisonniers majeurs ou être envoyé au bagne mais il était toujours possible d’être placé dans des quartiers spécifiques des maisons centrales ou maisons d’arrêt ou encore dans des établissements combinant suivi psychiatrique, emplois du temps fixes et sanctions punitives pour les plus récalcitrants. Le pouvoir prétend alors vouloir venir en aide à ces « jeunes désemparés » dans le cadre de ce qui s’appelait l’Éducation Surveillée. Ainsi se succédèrent pendant plus de 40 ans une pelletée d’institutions, répondant toutes à une glorieuse mission éducative qui refuse de s’admettre comme une « punition » mais se voit au contraire comme une seconde chance donnée à ces « délinquants » incompris : les Institutions Spéciales d’Éducation Surveillée (ISES), les Centres d’Observation Publique de l’Éducation Surveillée (COPES), les Centres d’Observation des Mineurs (COM), les Centres Fermés d’Observation (CFO), les Unités Éducatives à Encadrement Renforcé (UEER), puis les Centres Éducatifs Renforcés (CER). Autant de structures répressives/éducatives qui tout en changeant de nom gardèrent la même fonction, et qui finirent par être placées au début des années 90 sous la tutelle de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) qui dépend du ministère de la Justice.

Au début des années 2000, le gouvernement promulgue la loi Perben dite « d’orientation et de programmation de la justice ». Celle-ci permet entre autre de retenir et de prendre des sanctions pénales à l’encontre de mineurs de 10 à 13 ans et de les placer à partir de 13 ans en détention provisoire. C’est dans le cadre de cette loi que sont créés les Centres Éducatifs Fermés (CEF) qui « accueillent », en d’autres mots enferment, des mineurs de plus de 13 ans qui font l’objet d’une mesure de placement doublée d’une décision de mise sous contrôle judiciaire ou d’un jugement prononçant une peine d’emprisonnement assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve. Quarante-quatre de ces centres voient ainsi le jour (pour un total de 500 places) où sont envoyés en priorité les « multirécidivistes », auteurs de vols, de trafics de drogue ou d’agressions sexuelles ainsi que ceux qui n’ont pas réussi à « s’adapter aux moyens éducatifs ». Bien qu’il soit assorti d’une peine d’emprisonnement, le placement dans ce genre de centres se présente comme une alternative à celle-ci. L’école obligatoire et l’encadrement permanent par des éducateurs dans un environnement clos se veulent encore une preuve de la bienveillance de l’État à l’égard de ses chères têtes (rarement) blondes.

Quant à ceux pour lesquels la vieille hypocrisie du modèle éducatif « classique » semble être une réponse trop douce, l’Etat leur mettra les points sur les i. Avec la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et la mise en place des Établissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM) qui s’en est suivie, l’État ne laisse aucun doute concernant la manière dont il entend traiter ces « délinquants juvéniles ». Ainsi, il est maintenant possible de prononcer des peines de prison à l’encontre de mineurs de 13 à 16 ans qui peuvent valoir jusqu’à la moitié de la peine encourue par les majeurs et de ne pas appliquer« l’excuse de minorité » pour les mineurs de plus de 16 ans, notamment ceux accusés de violence avec récidive, donc de leur faire subir des peines similaires à celles des adultes.
Le pouvoir s’appuie également, comme il a l’habitude de le faire, sur quelques affaires très médiatisées. Le 21 novembre dernier, les charognards du gouvernement ont profité du « scandale » suscité par un énième fait divers sordide ayant eu lieu en 2010 pour faire en sorte que tout mineur soupçonné de « crimes graves » soit maintenant systématiquement placé en Centre Éducatif Fermé. Peu de temps après, ils ont en plus annoncé la mise en place de 20 nouveaux CEF d’ici 2015. Le PS, toujours prêt à surenchérir au banquet de l’horreur, préconise quant à lui d’en doubler carrément le nombre.
Pour en revenir aux EPM, il s’agit d’établissements gérés conjointement par la PJJ et l’Administration Pénitentiaire (AP), appelés à remplacer les Quartiers pour Mineurs (QM) des Maisons d’Arrêt. Il existe actuellement sept de ces établissements, comptant chacun soixante places, dans lesquels sont dispensés des cours à travers des ULE (Unités Locales d’Enseignement), permettant de passer des diplômes jusqu’au BAC. L’emploi du temps y est soigneusement segmenté entre cours, activités destinées à apaiser les tensions et à faire passer la pilule de l’enfermement, et bouclage en cellule. Il existe aussi plusieurs régimes permettant de dompter les prisonniers et de s’assurer du maintien de la discipline. Ils vont du « régime de contrôle », où le prisonnier est privé d’activités et doit rester en cellule, au « régime de responsabilité », qui permet en cas de « bonne » conduite de disposer d’ordinateurs, de consoles de jeu, ou d’une salle de projection. Les entrevues régulières avec des éducateurs et des psychologues et la surveillance permanente des gardiens et des caméras remplissent les fonctions de contrôle, censées prévenir tout type de rébellion. Si les détenus sont finalement jugés trop récalcitrants, ils sont envoyés au mitard.
Au final entre les mesures de placement « classique » : Foyers et Centres d’Action Éducative (FAE et CAE), Centres Éducatifs Renforcés et « l’accueil » en CEF qui se veut un intermédiaire entre celles-ci et l’incarcération en EPM ou en Maison d’Arrêt, c’est un ensemble gradué de sanctions qui a été mis en place, chacune de ces taules représentant un palier dans la sainte croisade contre la « délinquance ». Dernièrement la loi a instauré un nouveau dispositif, à savoir le placement de mineurs (pour une durée de six mois à un an) au sein d’un EPID (Etablissement Public d’Insertion de la Défense), où ils doivent effectuer un stage de réinsertion sous l’encadrement de l’armée, avec la discipline qui va avec. Pour exprimer en chiffres cette croisade : autour de 800 mineurs se trouvent actuellement enfermés en France dont plus de 300 en EPM, ce qui signifie que les autres sont incarcérés dans les Quartiers pour Mineurs des Maisons d’Arrêt ; cela sans compter les quelques 500 placés en CEF qui ne sont pas officiellement considérés comme prisonniers. Ils sont ainsi en permanence contraints de subir la pression de cet univers de sanctions, de conseils de discipline et de formatage éducatif. Le rendement d’une telle machine à broyer s’estime d’ailleurs assez rapidement, pour en donner une idée : sur les 160 incarcérés en EPM en 2008, on dénombrait déjà 72 tentatives de suicides.

Tout cela n’a heureusement pas empêché des tentatives d’évasion d’avoir lieu. Certaines réussissent, comme à Marseille en février 2008 où deux détenus passent par les toits de l’EPM. D’autres resteront de belles tentatives comme à Lavaur le 13 juin 2009, où un adolescent disparaît au retour d’une activité en extérieur, ou encore le 2 mai dernier à Marseille où quatre détenus ont réussi à faucher les clés d’une matonne après l’avoir assommée et ligotée. Tout cela n’a pas non plus empêché la rébellion de s’exprimer, aboutissant parfois à de véritables mutineries comme ce fut le cas le 18‎ ‏juin‭ ‬2007‭ à l’EPM de Meyzieu ou le 7‎ ‏‭ ‬mai‭ ‬2011 à celui de Lavaur. Au cour de cette grosse révolte, à laquelle presque tous les détenus participent, des dizaines de cellules sont saccagées, des membres du personnel sont agressés, et des tentatives d’incendie ont lieu à plusieurs reprises. Le pouvoir n’a d’ailleurs pas hésité, pour mater pareil désordre, à faire appel aux ERIS (Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité), corps spécialement formé à l’intervention en milieu carcéral, dont la brutalité n’est plus à démontrer.

Mais la contestation ne s’exprime pas forcément que dans une opposition entre les détenus et leurs geôliers. Des actes de solidarité contre l’enfermement des mineurs ont aussi eu lieu à l’extérieur, comme l’occupation en 2006 du futur chantier de l’EPM d’Orvault,‭ ‬accompagnée d’une semaine d’actions,‭ ‬tractage massif,‭ ‬banderoles,‭ ‬affichages,‭ ‬tags.‭ ‬Les locaux de la PJJ ont été plusieurs fois cadenassés et repeints. Aussi, l’occupation rapide du chantier de l’EPM de Lavaur la même année au cour de laquelle des dégâts matériels sont causés. En juillet‭ ‬2007,‭ deux engins incendiaires sont déposés sur le chantier de l’EPM de Chaucaunin dont l’un détruit partiellement la cabine d’une grue. On se souvient aussi de l’entartage en novembre 2008 de la sous directrice de l’EPM de Lavaur alors qu’elle participait‭ ‬à une table ronde à Toulouse dans le cadre ‬de la Journée Nationale Prison. Ou alors de nombreux tags, notamment sur la mairie de Porcheville en 2007 après un rassemblement devant l’EPM de cette ville ou début 2011 sur les murs de celui d’Orvault, à la suite du suicide d’un détenu, où l’on pouvait lire « L’EPM tue ». ‏

Plus récemment, le 5 juillet 2011, une dizaine de personnes pourrissent les locaux de la direction inter-régionale de la PJJ de Labège, recouvrant les murs, les bureaux et le matériel informatique d’un liquide composé d’urine et d’excréments. Le 15 novembre, suite à cette action, les gendarmes perquisitionnent sept lieux d’habitation dans la région de Toulouse, saisissant ordinateurs, téléphones portables, livres, affiches et bien d’autres affaires. Quatre personnes soupçonnées d’avoir participé au saccage sont placées en détention provisoire, une est mise sous contrôle judiciaire et une autre est tenue de rester à disposition du juge en tant que « témoin assisté ». Plusieurs actions de solidarité ont alors lieu ici et là dont une manif à Toulouse le 17 décembre ainsi que divers rassemblements, attaques visant la PJJ , ballades et tags (voir les communiqués reproduits ci-après) notamment à Poitiers, Lyon, Bordeaux, Montpellier, Milan, Bruxelles et Paris. Le 20 janvier dernier, une première personne emprisonnée dans le cadre de cette affaire est libérée, puis deux autres le 8 février, toutes trois placées sous contrôle judiciaire.

Jusqu’à ce que toutes les prisons soient rasées.

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Lucioles n°6 – février/mars 2012

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Lucioles n°6 – février/mars 2012


Lucioles n°6 – février/mars 2012

Sortie de Lucioles n°6 de février/mars 2012. 1500 exemplaire. Cette fois-ci 20 pages, alors bonne lecture ! Le bulletin sera toujours disponible dans les lieux habituels et surtout sur les tables de presse et distributions hebdomadaires.

Lucioles a toujours besoin de soutien, alors si vous souhaitez que le projet continue, venez aux initiatives de soutien, organisez vos propres occasions de filer un coup de main (qu’il soit financier ou pour la diffusion), prenez un abonnement.

On pourra télécharger ou lire texte par texte ce numéro ainsi que tous les précédents sur le site du bulletin.

A bientôt !

lucioles [a] riseup.net
http://luciolesdanslanuit.blogspot.com/

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[Paris lundi 27 février à partir de 13h30] Procès suite manifestation 14 janvier

Le samedi 14 janvier après-midi, une manifestation a eu lieu autour du centre de rétention de Vincennes pour rappeler que nous voulons que ces prisons disparaissent.
Comme toujours, les policiers cherchaient à tenir les manifestant/es le plus éloigné/es possible du centre pour qu’ils/elles n’entrent pas en contact visuel et sonore avec les prisonniers mais ceux-ci ont tout de même pu entendre nos cris de solidarité.

Après avoir été encerclées, une centaine de personnes ont été arrêtées et, parmi elles, 3 ont été placées en garde à vue.

Accusées de « violence à agent » et « rébellion », ces trois personnes ont refusé la comparution immédiate après 48 heures de garde à vue et ont été placées sous contrôle judiciaire.

Le procès de 2 de ces personnes, la 3e étant mineure, aura lieu le lundi 27 février à partir de 13h30 à la chambre 23-1 du TGI de Paris métro Cité.

Soyons y nombreux et nombreuses et, malgré les procès, intimidations et autres tentatives de casser la solidarité entre les retenus et les gens à l’extérieur, continuons la lutte contre les centres de rétention et pour la liberté de circulation.

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Tout commence aujourd’hui

La Grèce sur le pied d’insurrection

En Grèce, le spectre de la révolte de décembre 2008, qui avait fortement secoué le pays suite au meurtre d’Alexis par les flics, hantait les esprits depuis des mois. En effet, face à l’appauvrissement sans précédent de la Grèce, à l’impossibilité d’arriver à une quelconque « amélioration » de la situation économique et sociale, face au tour de vis exercé sur toute une population au nom du maintien du système et du pouvoir, nombreux étaient ceux qui préconisaient le retour de ce spectre-là, d’une vaste révolte sans compromis ni médiation contre l’Etat et le capitalisme.

Après le vote d’un énième paquet de mesures d’austérité, prévoyant entre autres une baisse du salaire minimum de 30 % (en plus des baisses précédentes, on arrive à des salaires réduits de moitié en moins d’un an), ce n’est pas « que » ce spectre là qui s’est emparé d’Athènes comme de plusieurs autres villes, mais bien quelque chose de plus : cette nuit-là après le vote, un air d’insurrection a soufflé. Des dizaines de bâtiments incendiés (banques, institutions, supermarchés, « patrimoine historique », ministères,…), des centaines de commerces pillés et ravagés, en plus des barricades, durs affrontements contre les défenseurs de l’ordre, occupations de bâtiments, etc. Mais ce souffle dépasse toute tentative de « calcul »… tellement il est vaste, impliquant des dizaines de centaines de milliers de personnes, chacun et chacune avec ses rages, ses envies, ses idées, ses mains. Aucun politicien, aucun gestionnaire, aucune « politique » ne saura mettre la main là-dessus sans risquer de se brûler.

La pilule de l’austérité est imposée à tous les pays d’ Europe, la seule différence est dans le degré et le rythme. Partout, les derniers remparts de la « concertation sociale » entre exploiteurs et exploités s’effondrent… ils se voient remplacés soit par la résignation, le cynisme d’une survie sur le dos d’autres pauvres, la dépression et le suicide ; soit par la colère, la rage, la vie qui se remet à palpiter. Ce qui se passe en Grèce aujourd’hui, démontre au moins une chose : une insurrection sur le sol européen n’est pas aussi inimaginable que ça. Mieux encore, c’est possible et il n’y a pas à hésiter. La transformation des bases autoritaires et capitalistes de la société, la construction d’un autre monde basé sur la liberté, la solidarité, l’auto-organisation, passera par l’assaut contre l’existant, par la destruction violente, par de vastes insurrections.

Nous ne pouvons pas laisser asphyxier ce nouveau souffle, ce nouvel élan de révolte qui s’est montré en Grèce. Laisser isoler la révolte là-bas revient à creuser sa tombe cruelle et sanguinaire, la révolte de là-bas doit s’étendre, doit se lier avec les révoltes ici (certes plus modestes pour l’instant), doit nous encourager à intensifier nos attaques contre tout ce qui nous asphyxie, nous exploite et nous opprime. Car là-bas, c’est la possibilité d’un avenir qui a pointé le nez, comme c’est le cas avec dans les soulèvements en affrontements toujours en cours en Egypte, Tunisie, Syrie et ailleurs dans le monde. C’est la possibilité qui peut prendre corps et âme ici aussi, au cœur de la capitale européenne, où la rage est latente, les tensions palpables et les « aménagement » minces. Attendre n’est plus à l’ordre du jour, si jamais cela l’a été. Le conflit est là, il est quotidien et ça dépend de nous tous si l’on veut qu’il explose en de vastes mouvements de révolte et d’insurrections. La peur qui maintient tant de pauvres dans les rangs de l’ordre sociale, peut changer de camp, comme elle l’a fait là en Grèce. Trembler pour l’avenir incombera à d’autres, aux puissants, aux riches, aux exploiteurs.

Armons-nous du courage et de la détermination de faire face à ce monde, débarrassons-nous de la résignation et de l’acceptation, embrassons ce qui était inimaginable hier et possible aujourd’hui : l’insurrection contre l’existant.

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[Paru dans Hors service n°26]

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Labège : on en est où ?

Labège : on en est où ?

A Toulouse le 15 novembre dernier, sept lieux de vie ont été perquisitionnés, quinze personnes interpelées, dont six placées en garde-à-vue, soupçonnées d’avoir participé au «saccage» des locaux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse à Labège, le 5 juillet 2011 (dans les faits quelques tags et un peu de merde déversée…). Finalement cinq mises en examen entrainent quatre détentions préventives à la Maison d’Arrêt de Seysses, et un placement sous contrôle judiciaire.

A charge, l’appartenance à une «mouvance d’ultra-gauche toulousaine» fantasmée dont l’un des principaux champs d’action serait la lutte anticarcérale… Il faut que quelqu’un paye pour la profanation de la Maison de la Justice de Labège. L’action du 5 juillet était survenue en solidarité avec les mutins de l’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs (EPM) de Lavaur. Deux mois plus tôt, la quasi totalité des détenus s’était révoltée et avait saccagé des dizaines de cellules. La réponse de l’Administration Pénitentiaire et de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), qui co-gèrent les EPM, fût tristement banale : mesures d’isolement, conseils disciplinaires, transferts, ainsi qu’une descente des Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité (ERIS), spécialistes cagoulés du matage des luttes en prisons.

Après l’enfermement dedans, l’enfermement dehors : les quatre prévenu-es de novembre sortent de taule après trois mois de préventive et sont placé-es sous contrôle judiciaire. La «liberté» dont illes devraient se réjouir ressemble de près à une énième sommation à la soumission. Arrêté-es sur la base d’affinités, de contacts téléphoniques et d’engagements politiques dans diverses luttes, la machine judiciaire n’a pas fini de pourrir la vie (c’est bien ce qu’elle fait le mieux) des mis-es en examen.

On voit clairement le rôle du contrôle judiciaire : officiellement nécessaire à l’intégrité de l’enquête, il s’agit en fait d’une énumération de contraintes destinées à prolonger la «privation de liberté». Des comptes à rendre quant à ses déplacements, à l’obligation de pointer chaque semaine dans un commissariat donné, en passant par l’interdiction d’entrer en contact les unes avec les autres, le message est clair : la vie ne reprend pas. Tant pis si le commissariat en question est à 600 bornes de tout ce qui faisait le quotidien, si certaines des potes qui n’ont pas le droit de se voir étaient ensemble en cellule… La Justice se passe de justifications, elle broie, y compris les moindres désirs de se retrouver. A l’entrave directe de la prison se substitue celle plus sournoise d’imposer l’auto-flicage. Il faut anticiper ses moindres faits et gestes avec la menace permanente de retomber. Des milliers de personnes subissent cette pression quotidienne.

Elles sont par ailleurs des centaines de milliers à alimenter les divers fichiers de signalisation des flics. Tout est bon pour se faire prélever ADN, empreintes digitales et photos ; la quantité de données accumulées augmente à un rythme effreiné. Ce projet de fichage généralisé comme symptomatique de la société de contrôle nous fout la gerbe. Refuser les prélèvements expose théoriquement à de lourdes amendes et à de la prison ferme, mais dans les faits il est crucial de saboter cet outil de maintien de l’ordre social. Tou-te-s les gardées à vue de novembre ont refusé de se soumettre aux prélèvements, qui ont par conséquent été effectués contre leur gré (saisie des couverts, mégots, gobelets…), et devront en répondre devant la Justice le 9 mai prochain.

Bref, la libération récente de la dernière des incarcérées ne doit pas occulter que l’instruction, aussi creuse soit-elle, se prolonge. Nous voulons l’arrêt immédiat de toutes les poursuites. Nous voulons la levée de tous les contrôles judiciaires. Nous voulons la suppression totale de tous les fichiers. Nous voulons la destruction de toutes les prisons. Nous voulons la disparition de toutes les formes d’enfermement.

février 2012

pourlaliberte.noblogs.org

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[Texte repris depuis le tract diffusé sur le Blog de soutien aux inculpé-e-s,17 février 2012]
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Hors service n°26

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Les textes du n°26 sont lisibles un à un ici.

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Concernant les récentes tentatives d’infiltration policière au sein du milieu militant lyonnais

Ce pourrait être une rencontre banale. Une discussion dans un hall d’hôtel de Lyon. Sauf que les deux protagonistes font partie de mondes qui sont sensés s’opposer. D’un coté, un activiste, militant anti-fasciste de premier plan. De l’autre un agent de la DCRI. C’est lui qui a convenu du rendez-vous. Il n’y a pas de cadre légal, c’est juste une discussion. Ça parle de l’actualité lyonnaise fafs/antifas, des questions sont posées sur les derniers squats publics ouverts, entres autres…

Petit retour en arrière. Courant 2011, un mili­tant est convo­qué au com­mis­sa­riat. L’appel n’expli­que pas les moti­va­tions. L’inté­ressé s’y rend et tombe sur un agent de la DCRI. Pour com­men­cer le deal parait simple, un échange de « bons pro­cé­dés » : lui accepte d’être en liai­son avec la DCRI et les flics, de leur côté, lui four­ni­ront quel­ques ren­sei­gne­ments utiles à l’occa­sion (« atten­tion tel jour ne sort pas de chez toi, il y a des fas­cis­tes en plan­que dans le coin »). Un télé­phone por­ta­ble est remis au jeune homme. Il accepte. En tout cas il ne dit pas non. Les jours sui­vants, il garde tout pour lui, seule une toute petite poi­gnée de gens est au cou­rant. Il va retour­ner à plu­sieurs repri­ses au com­mis­sa­riat et être par la suite invité dans des halls d’accueil de grands hôtels lyon­nais. Au fil des ren­contres, il y a ce sen­ti­ment d’être com­plè­te­ment dépassé, piégé, d’avoir mis le petit doigt dans un engre­nage infer­nal qu’il ne maî­trise plus. Il y aura bien quel­ques confes­sions à ses potes, des ten­ta­ti­ves de jus­ti­fi­ca­tion (« c’était pour infil­trer la police », « je n’ai jamais rien lâché »). Les poli­ciers lui pro­po­sent même de l’envoyer à Notre-Dame-Des-Landes aux frais du Ministère de l’Intérieur : « après tout toi ça te ferait plai­sir d’y aller et nous ça nous arrange ». Après le refus, il y a la fuite. Sans doute pour ne plus faire le jeu de la police, cer­tai­ne­ment aussi parce que la proxi­mité avec les condés reste heu­reu­se­ment dif­fi­cile à assu­mer au sein des milieux mili­tants ou « radi­caux ».

Plutôt que de cher­cher à mettre en accu­sa­tion tel ou tel, il semble indis­pen­sa­ble d’opérer quel­ques mises au point quant aux récen­tes ten­ta­ti­ves de recru­te­ments d’indi­ca­teurs. Rappeler quel­ques évidences pour que pré­ci­sé­ment ce genre d’his­toi­res ne se repro­dui­sent plus, et sur­tout ne tour­nent pas aussi mal.

Comment on en arrive là ?

Par une série d’erreurs, de conne­ries, dont une bonne part sem­blent liées d’abord à des fai­bles­ses col­lec­ti­ves et poli­ti­ques. Il règne par­fois d’étranges idées dans les milieux mili­tants. Il y a par exem­ple celle qui consiste à croire que les poli­ciers pour­raient être en cer­tai­nes situa­tions des alliés, comme si on reven­di­quait en creux la mise en place d’une bonne police, ou que l’on atten­dait de la part des pou­voirs publics qu’ils jouent leur rôle d’arbi­tre légi­time, notam­ment face aux agres­sions fas­cis­tes (voir les nom­breux comp­tes-rendus de manifs où les flics sont accu­sés d’être du côté des fafs et pas du « nôtre », etc.). C’est sur le fond de cette erreur poli­ti­que fon­da­men­tale que des mili­tants, sans doute bien inten­tion­nés, ont régu­liè­re­ment joué le rôle d’inter­lo­cu­teurs [1] pour la police. Et les flics ont beau jeu alors de dis­til­ler quel­ques infor­ma­tions du côté des fafs ou en direc­tion des anti­fas, pour contrô­ler leur affron­te­ment et au pas­sage racler quel­ques ren­sei­gne­ments utiles concer­nant plus lar­ge­ment les mou­ve­ments contes­ta­tai­res ou « radi­caux ». Seconde fai­blesse, qui est moins d’ordre « théo­ri­que » celle-là : on ne se tient pas assez. Il a manqué, dans cette der­nière his­toire, la soli­da­rité ou la force col­lec­tive néces­saire pour qu’une per­sonne se sente en mesure de résis­ter à la pres­sion poli­cière, et avant ça qu’elle soit capa­ble de faire face aux dif­fi­cultés qui l’ont ame­nées là. Il semble en l’occur­rence que le pre­mier argu­ment des flics lors de leur appro­che ini­tiale ait porté sur une pos­si­bi­lité de pro­tec­tion (« on sait que des nazis te cher­chent, qu’ils t’ont menacé de mort mais on peut te pro­té­ger si en échange tu nous rends ser­vice ») Quand les issues col­lec­ti­ves font défaut, évidemment on joue la carte perso, qui peut se tra­duire alors par toute une série de défaillan­ces et d’erreurs indi­vi­duel­les. On peut s’effon­drer, balan­cer tout et n’importe quoi, en pro­fi­ter pour régler des comp­tes avec tel ou tel… et sans aller jusque là, il y a le risque de vou­loir jouer au plus malin. En pen­sant qu’une col­la­bo­ra­tion avec les ser­vi­ces de police pour­rait tour­ner à son avan­tage, qu’on pour­rait leur mentir, ne pas leur donner d’infos, et même en obte­nir à leur insu, « voir ce qu’ils savent ». Sauf que face aux flics et à leur orga­ni­sa­tion, le rap­port de force dans la dis­cus­sion n’est jamais en notre faveur. C’est eux qui mènent la dis­cus­sion et qui se ren­sei­gnent [2], et sans en avoir l’impres­sion on risque tou­jours de confir­mer leurs hypo­thè­ses, de com­plé­ter leurs car­to­gra­phie des « milieux à risque » ou d’ali­men­ter leurs fan­tas­mes autour des diver­ses figu­res de « l’ennemi inté­rieur » (gré­vis­tes incontrô­la­bles, cas­seurs infil­trés, grou­pes vio­lents et autres grou­pus­cu­les anar­cho-machin chose). Jamais, il n’y aura de conver­sa­tion inno­cente avec la police. Tout ce qui est dit est, d’une manière ou d’une autre, sus­cep­ti­ble d’être réu­ti­lisé, contre soi ou contre d’autres. Sans comp­ter que plus on parle, plus les flics pen­sent qu’on en sait, plus ils en rede­man­dent, moins on peut s’arrê­ter subi­te­ment. La machine est lancée.

Comment pro­cè­dent les flics ?

Avec ce qui leur tombe sous la main (au gré d’un contrôle [3] ou d’une arres­ta­tion [4], au moment d’un procès…) mais tou­jours aussi avec une cer­taine idée du « bon client » c’est à dire sur la base d’un ciblage d’indi­vi­dus vul­né­ra­bles et/ou se met­tant sou­vent en avant. Même si les ren­contres peu­vent sem­bler infor­mel­les, et bien qu’elles s’ins­cri­vent bien sou­vent hors de tout cadre légal [5] (on se croise dans la rue, on invite la cible à venir dis­cu­ter tran­quille­ment au resto), la police va viser des per­son­nes sur les­quel­les elle a déjà un moyen de pres­sion. On entre alors dans le domaine des petits arran­ge­ments : sus­pen­dre une condam­na­tion pour des his­toi­res de stup’ ou des délits rou­tiers, éviter qu’une peine tombe, faci­li­ter aussi des pro­cé­du­res admi­nis­tra­ti­ves, ne pas « gâcher une car­rière dans la fonc­tion publi­que » pour des his­toi­res de casier [6]. Les vieilles cas­se­ro­les qu’on traine peu­vent faci­le­ment se retour­ner contre nous sur le mode du chan­tage, ou alors les flics pro­po­sent car­ré­ment de rému­né­rer le tra­vail de ren­sei­gne­ment. Pour faire passer la pilule, les agents de ren­sei­gne­ment peu­vent faci­le­ment enro­ber leurs appels à col­la­bo­ra­tion d’un dis­cours de gauche, démo­cra­ti­que en diable : à les écouter, ils sou­tien­nent les mou­ve­ments sociaux / anti-nucléai­res / de jeu­nesse [rayer la men­tion inu­tile] mais ce qui les inté­resse c’est les incontrô­lés, les « extré­mis­tes vio­lents » qui jus­te­ment pour­ris­sent les gen­tilles ini­tia­ti­ves citoyen­nes. Cette recette à déjà été uti­li­sées ces der­niè­res années pour sonder ce qui pou­vait se passer dans les luttes de sans-papiers, au cours des mou­ve­ments lycéens ou au sein de la mou­vance écologique radi­cale/antis­pé­ciste. Heureusement, chaque fois les flics se sont faits envoyer bouler, malgré leurs pro­po­si­tions de « renvoi d’ascen­seurs » (on ferme les yeux sur vos acti­vi­tés mili­tan­tes, on arrange quel­ques dos­siers de régu­la­ri­sa­tion à la préf, on vous file du blé…). De manière géné­rale, ce que cher­che la DCRI, c’est de créer des rela­tions sur du long terme. Avoir des sour­ces sur qui ils peu­vent comp­ter et « acti­vés » quand ils ont besoin d’infos. « Gérer une source, ça s’apprend […]. Un contact tu dois savoir le gérer pen­dant six mois ou un an avant qu’il t’apporte un ren­sei­gne­ment exploi­ta­ble » [7] comme le sou­li­gne un ex-RG. C’est pour ça que peu de ques­tions direc­tes sont posées les pre­miè­res fois, ils s’atta­chent plutôt à créer des liens une com­pli­cité, des liens « affec­tifs »… Évidemment que se faire arrê­ter pour une action poli­ti­que et se taper une per­quiz où les flics tom­bent sur des plans de beus ou des choses volées, c’est leur donner un putain de moyen de pres­sion.

Et main­te­nant qu’est-ce qu’on fait ?

Déjà refu­ser quand un agent débar­que et vous pro­pose une simple dis­cus­sion. Couper court direc­te­ment à la conver­sa­tion, on a rien à dire. Si les flics envoient une convo­ca­tion on peut tout à fait refu­ser de s’y rendre. Ce n’est pas un délit. S’ils veu­lent à tout prix enten­dre quelqu’un ils vien­dront le cher­cher mais le plus sou­vent l’audi­tion est moyen pour eux d’obte­nir quel­ques infos, et dans ce cas-là ils peu­vent faci­le­ment lâcher l’affaire. De toute manière, autant ne pas s’y rendre de son plein gré, et ce refus est d’autant plus facile si il pro­vient d’une déci­sion col­lec­tive et assu­mée [8]. Contre-argu­ment : « mais comme ça on a plus d’his­toi­res, c’est fini ; si j’y vais pas, ils vont penser que je sais des choses, ça va m’être repro­ché ensuite. Moi d’façons je ne sais rien ». Ouais, sauf que 1) dans la plu­part des cas, c’est quand les flics sen­tent que ça ne prend pas, quand ils se pren­nent quel­ques refus à la suite, qu’ils lâchent l’affaire (sur­tout quand ils sen­tent que ça émane d’une posi­tion col­lec­tive) 2) même une conver­sa­tion ano­dine avec la police peut mettre dans la merde d’autres gens. Parce qu’on parle, que dans le flot de la conver­sa­tion on cite même sans le vou­loir, des noms, des lieux, des habi­tu­des, des his­toi­res déjà enten­dues. Autant d’éléments dont les flics vont se servir pour ali­men­ter leurs enquê­tes et pro­cé­der à de nou­veaux inter­ro­ga­toi­res. C’est d’ailleurs sans doute le pire, deve­nir indic malgré soi en dis­cu­tant non­cha­lam­ment avec les flics. Ou en ayant l’habi­tude de raconter quel­ques hauts faits n’importe où, au télé­phone [9], de se lancer des allu­sions foi­reu­ses par texto. Bref, si au bout du compte, on se retrouve face à des flics qui posent des ques­tions, la meilleure chose à faire reste encore de ne rien décla­rer. C’est faci­le­ment tena­ble en se retran­chant der­rière le fait que c’est un droit. On peut aussi insis­ter pour voir un avocat et ne rien décla­rer tant qu’il n’est pas là. Ce refus marche d’autant plus que dans bien des cas, l’entre­tien n’a rien d’offi­ciel.

Et si on a été convo­qué, qu’on s’y est rendu et qu’on a parlé, ou juste bavardé, hein, raconté deux trois his­toi­res… C’est sans doute pro­blé­ma­ti­que mais tout n’est pas perdu pour autant. Ce qu’il faut abso­lu­ment faire, avant que la situa­tion empire et ne devienne irré­cu­pé­ra­ble, c’est en parler aux gens concer­nés, à ses amis, et rendre publics un maxi­mum d’éléments. Partager tout ça. À la fois, pour voir très pré­ci­sé­ment ce que les flics cher­chent et savent déjà, tout en met­tant ensuite au cou­rant plus lar­ge­ment les gens qui doi­vent l’être. Et aussi dans le soucis de trou­ver une issue col­lec­tive à ce mer­dier. Il faut à tout prix éviter de se retrou­ver seul face à ce qu’on vient de faire : on en finit pas de res­sas­ser ce qu’on a dit/pas dit, ce qu’on a laissé enten­dre. Garder ça pour soi ne sert à rien, tel­le­ment c’est lourd, angois­sant. Ne pas se res­sai­sir à plu­sieurs de ce type d’inci­dents est une erreur (un jour ou l’autre ça va se savoir et les dégâts ris­quent d’être encore plus impor­tants entre les gens et pour la per­sonne qui s’est trou­vée piégée). Rien que des his­toi­res tris­tes en pers­pec­tive.

À Lyon, dif­fé­rents col­lec­tifs, comme la Caisse de Solidarité, sont là pour pou­voir se res­sai­sir col­lec­ti­ve­ment de ces his­toi­res.

Mieux vaut pré­ve­nir…

Il est indis­pen­sa­ble de déve­lop­per une intel­li­gence com­mune autour des pra­ti­ques poli­ciè­res d’infil­tra­tion, de ren­sei­gne­ment et de répres­sion. Sans doute que faire du bruit, les rendre publi­ques permet déjà d’en limi­ter l’impact (et pas seu­le­ment parce qu’on grille les sour­ces). Mais il faut aussi s’atta­quer au ter­rain qui permet aux flics de manœu­vrer rela­ti­ve­ment faci­le­ment. Quelles prises nos formes col­lec­ti­ves d’orga­ni­sa­tion et de vie offrent-elles déjà aux flics ? Comment au fond la police fonc­tionne déjà en notre sein, créant une dis­po­si­tion à la col­la­bo­ra­tion ? Il y a sans doute tout le petit jeu des embrouilles qui n’arri­vent pas à s’assu­mer fran­che­ment en désac­cords, des rumeurs col­por­tées sur tel ou telle, toute cette machine à pro­duire des iden­ti­tés et des étiquettes bien pra­ti­ques quand il s’agit ensuite de les ranger en orga­ni­gramme… Mais plus essen­tiel­le­ment le pro­blème semble concer­ner la den­sité poli­ti­que des « mou­van­ces » poten­tiel­le­ment ciblées par la police. Autrement dit, ce qui peut per­met­tre de l’empê­cher d’opérer pré­ven­ti­ve­ment, c’est tout sim­ple­ment ce qui d’ordi­naire doit rendre nos exis­ten­ces et nos ini­tia­ti­ves poli­ti­ques un tant soit peu viva­bles : un peu moins de défiance et de res­sen­ti­ment, un peu d’intel­li­gence dans les conflits, un tant soit peu d’inté­grité ou de sin­cé­rité et sur­tout une soli­da­rité maté­rielle et affec­tive, qui soit à la hau­teur.

Notes

[1] Un exemple parmi d’autre : en prenant l’initiative d’aller voir la préfecture en possession de captures d’écrans de discussions de fafs sur FaceBook.

[2] À noter que pendant ces conversations, à coté de la stratégie assez classique qui consiste à faire parler la personne en face de soi, les flics ont aussi tendance à « tester » l’autre en parlant et en observant ses réactions ou son absence de réactions. Exemple : quand un mec de la SDAT (Sous-Direction Anti-Terroriste) dit tout net, « tu sais ce qui nous intéresse, c’est pas les gens qui jettent des cailloux, c’est vraiment ceux qui veulent poser des bombes », et qu’en face la personne interrogée écoute avec intérêt, elle avalise de fait qu’elle évolue bien dans un univers où il est « normal » de caillasser la police. Et c’est sur ces gens-là, entres autres, que la police enquête. Retord mais efficace.

[3] Voir Tentative de recruter une taupe dans le bocage_ Contre un téléphone et des cacahuètes, NDDL, oct-nov (Indymedia Nantes)

[4] Voir Quand la brigade criminelle de Paris cherche à acheter un camarade… (Non Fides)

[5] Voir 22 v’là la SDAT (Rebellyon.info)

[6] Voir Affaire de Tarnac : la surveillance policière prise en flag (Les Inrocks) [Note de cestdejatoutdesuite: sur la rédactrice de cet article paru dans un support de publicités musicales, on pourra relire Lettre ouverte à la camarade Polloni]

[7] L’espion du président, 2012, p. 80

[8] Comme cela a été le cas par exemple dans l’affaire de la « Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne » où la décision à été prise, suite à plusieurs réunions, de ne pas se rendre à ce genre de convocations. Résultats les flics sont allés cherchés les gens convoqués qu’ils voulaient vraiment chopés et les autres ont pu passé à trav’.

[9] Dans un récent entretien au site Mediapart, Yves Bertrand, l’ex-patron des RG confirme que « Les écoutes, la DCRI en a fait comme vous pouvez manger des croissants ».

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[Publié sur Rebellyon, le 16 février 2012]

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