Lettres depuis la prison de Silvia, Billy, Costa et Marco

Nous avons ressenti la nécessité de nous lancer dans ce travail de traduction car dans la réalité suisse au delà des murs des prisons, de la censure de l’appareil répressif, nous sommes confronté-e-s à des fortes barrières linguistiques.

Le système carcéral et le monde qui en a besoin veut faire taire les contestataires, nous voulions faire circuler ces lettres pour que Silvia, Billy, Costa et Marco ne soient pas réduit-e-s au silence, que nous partagions qu’une partie ou l’ensemble de leurs idées. Plus que leurs actes, ce sont leurs idées qui font peur à l’Etat, leur/notre seule présence est considérée comme criminelle ou dangereuse et nous ne voulons pas entrer dans le jeu de la répression.

Face à l’enfermement, la correspondance est un des moyens les plus importants pour rester actif-ve-s, pour continuer à participer aux luttes en développant un lien entre dedans et dehors. La solidarité est notre arme !

Février-mars 2011

Histoires

Marco Camenisch

Marco a commencé son engagement politique en soutenant des prisonniers en lutte et dès 1978 il s’est joint à la lutte contre les centrales nucléaires en Suisse.

Début 1980, il est arrêté à cause de deux attentats à l’explosif : un contre un pylône à haute tension de la société électrique Nordostschweizerische Kraftwerke (NOK, une des compagnies entretenant des centrales nucléaires en Suisse à cette période-là) et un autre contre des transformateurs et le pylône d’une centrale hydro-électrique aux Grisons.

Le jugement relativement dur de 10 ans était d’un côté certainement, selon son point de vue, l’expression de ce qui était en jeu : la destruction écologique réalisée par l’industrie de l’énergie comme faisant partie de la force destructrice du système de domination en général, ce qui constituait une partie des cibles déclarées de sa lutte. Le « tarif normal » à cette époque en Suisse se serait situé entre 4 et 6 ans et même la presse réactionnaire a été surprise par le quantum de la peine, correspondant alors environ à celui qui aurait été attribué pour un homicide. D’un autre côté, le jugement relativement dur est à voir aussi et surtout comme une adaptation répressive au contexte européen et international avec des mouvements de guérilla forts (Italie, Allemagne, etc.) et au durcissement répressif correspondant opéré par la bourgeoisie. […]

Le 17 décembre 1981, Marco Camenisch s’évade avec quelques co-prisonniers italiens de la prison de Regensdorf, évasion durant laquelle un gardien est tué et un autre blessé. Pendant 10 ans, Marco Camenisch vit dans la clandestinité, continue son activité anti-nucléaire et écrit des articles pour la presse anarchiste. En décembre 1989, un douanier a est tué à la frontière italo-suisse, les médias et les autorités présentent immédiatement Marco Camenisch comme l’auteur. Marco Camenisch a toujours nié cette accusation. La longue fuite de 10 ans est interrompue par un contrôle de papiers ordinaire dans la province toscane de Massa. La réaction stupide d’un carabinier à une arme tirée de Marco provoque un échange de coups de feu, dans lequel un carabinier est blessé et Marco touché de balles aux deux jambes, empêchant ainsi sa fuite et aboutissant à son arrestation. […]

Il refuse toute collaboration avec la justice et est condamné à 12 ans de prison en mai 1992 pour la fusillade avec les carabinieri et pour un attentat à l’explosif contre le pylône à haute tension La Spezia-Acciaiolo, important du courant nucléaire de France. […]

Après avoir purgé la peine en Italie, Marco Camenisch est extradé en avril 2002 en Suisse pour les 8 ans restants de sa première peine, ainsi que pour le procès pour l’évasion et la fusillade à la douane. Son procès dure de mai 2002 jusqu’en 2004, accompagné d’une vaste campagne de solidarité. Il a été conclu par un acquittement dans l’affaire du gardien mort et par une condamnation à 17 ans pour la mort du douanier. Cette condamnation s’explique par l’absence de « regrets » et par son positionnement pour un renversement révolutionnaire de l’ordre global capitaliste-impérialiste, devenu en l’occurrence de plus en plus urgent. Ces 17 ans de « peine supplémentaire » constituent (dans ce cas spécifique) une violation du code pénal.

En mars 2007, la peine a dû être réduite au quantum de peine maximal de 8 ans dans ce cas spécifique, signifiant en tout 30 ans de taule avec libération prévue en 2018.

En prison, Marco participe quand même aux luttes des prisonniers sociaux et politiques et continue à souligner la nécessité de la résistance solidaire contre ce système de domination. Il joue un rôle actif dans l’alliance de différentes situations de lutte (cercles anarchistes, collectifs d’écologistes et des groupes œuvrant à la création du Secours Rouge international) et dans la création de rapports forts de solidarité et de proximité. […]

[Extraits d’un texte du Secours Rouge International, le texte est lisible en entier ici.]

Costantino Ragusa, Silvia Guerini et Luca Bernasconi

Costantino Ragusa, Silvia Guerini et Luca Bernasconi (Billy) sont des anarchistes engagés dans différentes luttes et projets pour la libération animale et de la Terre en Italie. Costa et Silvia sont actifs dans le mouvement de libération animale depuis beaucoup d’années ; ils ont pris part à de nombreuses luttes écologistes locales et à la rédaction de la revue écologiste radicale de critique de la civilisation « Terra Selvaggia » [« Terre Sauvage »] ; ils ont participé à la création d’une nouvelle coalition contre les OGM et contre tout type de nocivité et ils sont actifs dans le soutien aux prisonniers. Ils sont depuis beaucoup de temps visés par la répression à cause de la détermination avec laquelle ils mènent leurs luttes.
Luca, connu comme Billy, a grandi au Tessin, est allé vivre en Italie où il a participé de manière active aux campagnes publiques de pression contre la vivisection et l’industrie de la fourrure, à la coalition contre les nocivités, et a mené un projet d’agriculture et de refuge pour animaux sauvés d’exploitations industrielles.

Le 15 avril 2010, Costa, Silvia et Billy ont été arrêté-e-s dans un contrôle routier en Suisse allemande. La police affirme avoir trouvé dans la voiture pendant la fouille des explosifs et un communiqué de revendication concernant une action de sabotage contre le nouveau centre de recherche sur les nanotechnologies de la multinationale IBM en construction près de Zurich.
En Suisse, les explosifs sont un des rares domaines de la police fédérale, dès le début de l’enquête c’est un procureur fédéral qui a pris en charge leur dossier. Motivation pour laquelle les trois anarchistes ont été amenés dans trois taules du canton de Berne : Silvia a été amenée à Bienne, Costa à Berne et Billy à Thun. Depuis le mois d’avril [2010], ils se trouvent en préventive, seulement dernièrement l’enquête vient de terminer et la date du procès reste encore inconnue. Leurs conditions de détention sont particulièrement dures, notamment en ce qui concerne la censure de la correspondance. Au delà de l’habituelle censure typique dans les enfermements préventifs, qui fait que le courrier met un temps très long à parvenir, le procureur fédéral a introduit arbitrairement des limitations ultérieures aux courriers, qui, de fait, rendent impossible l’entrée ou la sortie des lettres sinon sur la base du pouvoir discrétionnaire du procureur lui-même.
Ils ne peuvent pas communiquer entre eux, et ils ont des limites absurdes sur le nombre de lettres qu’ils peuvent envoyer ou recevoir. Toutes les lettres sont traduites en allemand et lues par les autorités, démarche qui ralentit encore plus le processus.
Il s’agit d’une manœuvre politique, d’une tentative évidente de les isoler en interrompant de fait le canal des communications entre l’extérieur et l’intérieur, de façon à limiter lourdement leurs possibilités d’intervenir dans les luttes.
Malgré la difficulté de communiquer entre eux, en septembre [2010], ils ont réussi à faire une grève collective de la faim à partir du 10 jusqu’à fin du mois à laquelle Marco a aussi participé.
Suite à cette première initiative collective, au début du mois d’octobre, des rétorsions de la part du pouvoir ont eu lieu, Marco a été transféré de la prison de Regensdorf près de Zurich où il a passé les dernières huit années à la prison de Bochuz dans le canton de Vaud, Billy et Costa ont aussi été déplacés, Billy à Berne, et Costa à Thun.
En décembre [2010], une semaine de mobilisation pour les trois a été lancée par la coordination de soutien à leur lutte. Billy et Silvia ont voulu y participer avec une autre grève de la faim, à laquelle Marco a aussi pris part.
A la mi-janvier [2011], Marco a été déplacé à nouveau, cette fois dans le canton d’Argovie à Lenzburg. De même, Costa et Billy ont été de nouveau invertis : Costa a été ramené à Berne et Billy à Thun.

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