Marseille : Lutte de CRAsse !

Les migrations – et les politiques migratoires – sont une question de travail autant que le travail est une question de migrations .

Pour les patrons, l’exploitation des travailleurs migrants est une réponse efficace (et pas chère) aux exigences actuelles du mode de production de la marchandise, de la valeur et du profit .

En effet, le capitalisme tire en partie sa dynamique de la circulation. Plus la circulation de la marchandise s’intensifie, plus elle prend de la valeur et plus elle rapporte de l’argent. Par circulation de la marchandise, il faut entendre aussi bien circulation financière, de l’information, des biens de production et de consommation … mais aussi des travailleurs ! La mobilité s’impose aujourd’hui comme faisant partie intégrante de la condition du travailleur. Autrement dit, pour survivre, il va falloir se rendre mobile. « Ici », d’un petit boulot de merde à l’autre ; « là-bas », d’un continent de merde à l’autre.

Les travailleurs migrants sont une main-d’œuvre flexible que les patrons peuvent employer au coup par coup, pour des missions précises (une saison, un chantier), au même titre que les intérimaires, ceux qu’on fait travailler au black ou à coup de contrats précaires . Les sans-papiers forment ainsi les régiments de prolos qui permettent pour nombre de secteurs d’effectuer une confortable « délocalisation-sur-place » (BTP, restauration, services, agriculture…). Cela permet aux patrons d’exercer une pression sur le marché du travail et de niveler les salaires vers le bas pour l’ensemble des travailleurs.

Ainsi, le but des politiques migratoires, ce n’est pas que le territoire devienne un bunker ni même une « forteresse », mais bien de se doter des moyens de trier les migrants en fonction de leurs profils et des besoins spécifiques du marché du travail (l’immigration choisie : tout est là!).

Dans ce monde de la mobilité obligatoire, dans cette société à grande vitesse, c’est par la multiplication des frontières dans notre quotidien que les dominants entendent nous tenir à l’œil et au boulot!

Plus la mobilité des personnes et des marchandises s’accroît, moins leur contrôle est évident. Et qui dit moins de contrôle dit moins d’argent. Pour y remédier, il faut disséminer la frontière dans l’espace, afin de créer les conditions d’un contrôle omniprésent et permanent.

De ce point de vue, le contrôle des migrants est un terrain d’expérimentation autant qu’un bon révélateur des pratiques de contrôle généralisé de la population. La traque quotidienne des sans-papiers accompagne la banalisation des pratiques de contrôle policier. Le contrôle de papier sert aussi de prétexte au contrôle tout court, le fichage administratif précède l’extension du fichage policier et les dispositifs d’arrestation de sans-papiers, en particulier les rafles, renforcent l’occupation policière de nos quartiers. La frontière est bel et bien un mode généralisé de gestion de la population, et pas seulement une conséquence de l’ordre économique de ce monde. Des grilles du centre de rétention aux bornes biométriques des cantines scolaires, des portiques du supermarché aux caméras « intelligentes » dans les gares, les aéroports et la rue, du fichage ADN au fichage Base-élèves pour les mineurs scolarisés, les dispositifs de contrôle sont devenus notre quotidien. On sent que la frontière est diffuse tout autour de nous, et qu’elle peut se matérialiser à tout moment pour nous radier, nous arrêter, nous enfermer…

Les migrants, avec ou sans papiers, nous rappellent sans cesse que ce ne sont pas nous qui traversons les frontières, mais bel et bien les frontières qui nous traversent, nous isolent et nous divisent…

Alors que la précarité devient la condition sociale la plus généralisée et tandis que nos marges de débrouilles pour survivre individuellement se réduisent, la tendance est plutôt au replis identitaire et à l’atomisation. Le climat de peur et de solitude face à la répression est le meilleur effet de l’éclatement de la frontière.

Aussi, nous ne pouvons que saluer les tentatives qui battent en brèche la résignation quotidienne et nous solidariser de ces résistances .

Lorsque les habitants d’un quartier résistent contre les expulsions locatives, lorsque des passants dans la rue s’opposent à des interpellations, lorsque des révoltes éclatent dans les centres de rétention, nous pensons qu’il est important de ne pas les laisser isolées. Agir en solidarité est aussi un moyen de renforcer le rapport de force. La solidarité est une arme pour briser certaines de nos frontières.

Nous ne sommes pas solidaires de la misère, mais de la vigueur avec laquelle les hommes et les femmes ne la supportent pas.

Nous ne nous battons pas seulement contre les frontières et les centres de rétention mais contre le système qui les produit.

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[Reçu par mail, publié aussi sur Sans Papiers Ni Frontières et Indymedia Paris le 19 août 2012]
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