[Tract] Il n’y a pas de « mort suspecte » – A propos de la mort d’un détenu de la Santé

sante

Il y a peu, le 16 février 2013, derrière les murs de la prison de la Santé, un détenu de la première division est mort. Ils appellent cela une « mort suspecte », mais cessons de mâcher nos mots. Ces conditions-là, parqués comme du bétail avant l’abattoir des palais de justice, isolés de ceux qui nous manquent et nous aiment, seuls face à la société toute entière qui nous envoie ses matons pour s’assurer que nous vivons bien ici comme en enfer, laissés sans accès aux soins d’urgence, avalant une gamelle pleine de calmants qu’ils ne donneraient pas à leurs chiens, bourrés de médocs par les dealers en blouse blanche de l’UCSA et du SMPR, paternalisés en permanence par les fouines du SPIP, ces conditions-là ne sont pas des conditions de vie. Alors nous affirmons sans ambiguïté que chaque mort en prison est un assassinat, et que les responsables sont aux commandes de cette machine, de ceux qui tournent les clefs dans les portes à ceux qui dessinent les plans de ces donjons de torture mentale et physique, de ceux qui remplissent les prisons en uniforme de flic et en robe de magistrat à ceux qui se remplissent les poches en construisant ces mouroirs, en fournissant la nourriture, en exploitant les prisonniers, en les rackettant avec les cantines etc.

Il avait 19 ans, et un jour en promenade, il s’est effondré. Un détenu présent à ce moment raconte : « On était en promenade tout simplement. Il a eu un malaise. Au moment du malaise, il avait les deux mains dans les poches. C’est-à-dire qu’il est tombé directement à la renverse. D’une intensité tellement forte que tout le monde s’est retourné au moment du choc entre son crâne et le sol. De là il y a une partie de la promenade qui s’est mise à taper à la porte pour appeler les secours […] Le temps que les secours arrivent il s’est passé un petit quart d’heure. Pendant ce quart d’heure je vais vous dire ce qu’il s’est passé. Il y a le chef de la division qui est venu avec le directeur donc ils ont dit aux détenus de le porter jusqu’à la porte. Certains détenus ont dit au directeur « Mais attendez monsieur le directeur vous voyez bien qu’il est très mal le jeune homme. Il est gris, il est vraiment gris, on peut pas le déplacer, on attend les secours dans la promenade. » Donc le directeur il dit « non non il y a personne qui rentre dans la promenade, ramassez moi ça ! »
Après un passage à l’UCSA, il est remis en cellule avec deux dolipranes et des maux de tête d’une extrême douleur. Mais comme toujours, les surveillants prennent leur temps, ne répondent pas et de toutes les façons s’en foutent : « La ronde qui passe s’aperçoit qu’il n’est pas bien, ouvre la porte, mais sans plus « tu dois avoir une migraine, attends demain matin. », lui il dit « non je vais vraiment mal ». Face à ça d’autres détenus qui sont au courant de ce qui s’est passé en promenade disent « écoutez ce jeune homme il ne fait pas de cinéma. Il est vraiment malade […] » Donc à partir de là les surveillants ils refusent d’appeler, le chef des surveillants dit « non j’appelle rien c’est juste une migraine ». Deuxième ronde ils voient que c’est un peu plus sérieux. Qu’est ce qu’ils font ? Il est 22/23h, entre temps le jeune il n’arrêtait pas de se plaindre. Il criait le pauvre, de ma cellule je l’entendais, « j’en peux plus, ma tête elle va exploser, j’ai mal ! » Donc en fait il agonisait au pied de sa porte, ils ne le prenaient toujours pas au sérieux. Et donc si je me rappelle bien il y a une troisième ronde, ils lui ont dit « on va repasser », mais en fait ils ne sont jamais repassés. Donc il agonisait dans sa cellule jusqu’à 3h30 ; de ma cellule je l’entendais pleurer. Normalement il y a une ronde vers 5h, ce jour-là bizarrement il n’y a pas eu de ronde. » [1]

Il avait 19 ans et il avait mal au crâne. A 7h il est retrouvé mort devant la porte de la cellule, à l’endroit même où il avait agonisé toute la nuit. La surveillante de ronde sonne l’alarme pour intervention, et continue sa ronde, comme si de rien n’était.

Nous savons tous que la prison tue. Au fond, à quoi cela sert-il encore de continuer à le répéter sans réfléchir en même temps à la possibilité d’en finir une bonne fois pour toutes avec la prison et le monde qui la produit et lui ressemble tant. Et si il est si difficile de parler sereinement de la prison, si il est si difficile de ne pas se laisser plomber par l’atmosphère poisseuse qu’elle disperse autour de nos vies, ce ne sont pas pour autant des larmes qui en viendront à bout, au contraire, on ne peut que se noyer avec des larmes. L’indignation, elle, n’a jamais fait tomber un seul mur, et l’on ne viendra jamais à bout de la prison par le biais du Droit ou de la Loi, puisque c’est de leurs pierres qu’elle est construite. Alors exprimons notre solidarité avec les prisonniers en lutte en portant leur combat à l’extérieur et le nôtre à l’intérieur.

Nous aimerions faire vivre à nouveau tous ceux qui sont tombés entre ces murs, faire vivre leur mémoire à travers la lutte contre la machine carcérale, le monde qui la produit et qui lui ressemble tant.

Une prison acceptable est une prison qui brûle !

[Tract trouvé dans les rues du Nord-Est parisien et au parloir de la Santé]

Notes

[1] D’autres extraits de ce témoignage dans un autre tract sur le sujet.

_______________________________________

[Publié sur la Base de données anarchistes le 10 mars 2013]

Ce contenu a été publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.