Libération immédiate

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, inculpé-e-s toulouse 15 novembre 2011, solidarité | Commentaires fermés sur Libération immédiate

[Pour mémoire] Danse avec l’Etat – retour critique sur la dite « affaire de Tarnac »

[Note de cestdejatoutdesuite : alors que la juge d’instruction de Brive-la-Gaillarde a estimé, le 3 janvier 2012, qu’il y avait lieu à instruire sur une « atteinte au secret des correspondances » et d’une « atteinte à l’intimité de la vie privée » suite à la plainte déposée par le représentant du « Magasin général de Tarnac », on ressort ce texte diffusé dans le numéro 25 -daté mars 2009- de L’Envolée.]

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Sans se prononcer sur la défense juridique des présumés saboteurs de caténaires, l’objet de ce texte est de contribuer aux discussions entamées dans des comités de soutien ; il prolonge la réflexion entamée dans l’article Briser les prismes de l’État paru dans L’Envolée n°23. Depuis quelque temps, les services de l’État tentent de renouveler la panoplie de l’ennemi intérieur à la mode « anarcho-autonome » [1]. Vieille figure de la « mouvance », un peu rajeunie façon postmoderne ; vieille méthode aussi, dite « antiterroriste », pour isoler des individus, empêcher des pratiques, borner le champ des expressions politiques à sa guise. Depuis les années soixantedix, l’épouvantail « terroriste » agité par les États était rouge ; dans les années quatre-vingt-dix, on lui a fait pousser la barbe ; aujourd’hui, il se déclinerait aussi en rouge et noir. Pour autant, une critique de l’outil antiterroriste ne peut pas se faire sans critique de la justice.

Les arrestations de Tarnac et d’ailleurs, le 11 novembre, sont à remettre dans leur contexte (voir l’encart : Du rififi dans le renseignement). Elles sont un moment spectaculaire et télégénique d’une campagne « antiterroriste » qui court depuis plus d’un an et qui a déjà envoyé derrière les barreaux plus de dix personnes. Au moins deux instructions sont ouvertes, une sur une prétendue « mouvance anarcho-autonome francilienne » (MAAF) et l’autre sur une non moins hypothétique « cellule invisible » : des milliers d’heures de surveillance, d’écoutes, des perquisitions à gogo, la « sensibilisation » de tout l’appareil judiciaire au moyen d’une note ministérielle envoyée aux parquets au mois de juin [2], – et la bonne vieille parole médiatique mensongère à chaque arrestation.

Cette presse servile qui s’empressait depuis un an de reprendre mot pour mot les communiqués du ministre de l’intérieur a soudainement fait volte-face, arrêtant de nous servir la soupe de « l’ultragauche qui déraille » [3] au bout de deux petites semaines. Le vide du dossier n’est que la partie émergée – et rabâchée – de ce retournement, comme si la presse, prise en flagrant délit de collaboration ouverte, tâchait de se racheter une conduite en prenant fait et cause pour des « terroristes du rail » redevenus « présumés innocents »… et chaque gratte-papier d’annoncer un « Outreau de la jeunesse » [4], de brosser le tableau d’un possible scandale – du fait de l’identité de classe des accusés : rejetons lettrés de la classe moyenne, enfants aimants et choyés de la bourgeoisie, brillants étudiants… un profil idéal, sur mesure, pour papa soixante-huitard et maman bobo (allô ?).

Dans le même temps, un énième et éphémère mouvement citoyen naissait et se structurait. Aux proches des inculpés et à une pléthore de « comités de soutien » du monde entier se sont agglutinés les partis d’une gauche institutionnelle en perte de vitesse, d’innombrables associations de défense des droits de l’homme et les débris de l’altermondialisme. De communiqués de comités de soutien en lettres ouvertes d’intellectuels, une parole publique unifiée s’est construite : celle de la confusion politique. Indignée par l’utilisation d’une procédure antiterroriste –une arrestation « spectaculaire » suivie d’une « interminable garde à vue » puis d’une détention préventive non moins « disproportionnée »…– la « mouvance alterno-citoyenne internationaliste française » (MACIF) organise son discours autour de deux points : la défense d’inculpés qui seraient attaqués pour leur mode de vie alternatif et la mise en cause de ce qui est décrit comme une dérive du droit. Le premier point permet à beaucoup de gens de se reconnaître, mais repose sur la notion d’innocence ; et le second sur la défense d’une « vraie justice démocratique ».

De la promotion de l’épicerie de campagne à la présentation des inculpés comme « de jeunes paysans communistes » ou des « planteurs de carottes » [5], la défense ratisse large à la manière des comités Bové. Les séparations qui structurent la société sont magiquement dissoutes : tous unis, du bobio éthique au militant syndical, dans un grand tout, « l’alternative », qui menace le capital à coups de tofu, de projet positif, de Max Havelaar et autres keffiehs équitables [6]. Dans ce miroir déformant, une séduction s’opère : celle de s’y voir comme un danger politique. Rien n’est plus faux ; que « l’alternative » lie « des actes et des idées » ou non, elle ne menace, en soi, ni le commerce ni l’État. Croire que c’est à « l’alternative » que l’État a voulu s’attaquer à Tarnac, c’est s’en remettre à lui pour redonner du sens politique à ses pratiques et à ses idées.

Dans ce discours, il ne reste plus de place pour les actes incriminés et pour le sens qu’on pourrait leur donner : des dommages matériels sur un réseau de marchandises, humaines ou non, et plus particulièrement sur un train à grande vitesse qui assure le flux des VRP et sert de produit d’exportation à un président VRP. Un acharnement judiciaire s’abattrait sur des jeunes (des victimes !) non pour ce qu’ils ont fait – ou pas – mais pour ce qu’ils sont [7]. En se reconnaissant comme victime, on a toujours perdu. Le « nous sommes tous des terroristes » devient une formule d’autant plus rassurante qu’elle évacue les actes incriminés. Elle n’est que la dernière variante du sempiternel « nous sommes tous des innocents ». La réalité de la justice est niée : encore une fois les « vrais terroristes  » seraient à chercher ailleurs…Parmi les « vrais coupables » sans doute. Derrière sa fausse simplicité, cette défense est d’une grande complaisance avec la justice et le système pénal.

Que le pouvoir veuille faire peur avec la figure du terroriste comme il fait peur avec d’autres figures fantasmées du danger, c’est un fait ; par contre, nous ne pensons pas pouvoir affirmer comme l’a fait l’éditeur Eric Hazan que l’État « pète de trouille », ni comme tel autre qu’il « a sans doute raison d’avoir peur que la situation sociale ne lui échappe » [8]. Le système pénal et la prison n’ont pas pour objet principal d’enfermer les mouvements sociaux, de « criminaliser les luttes », ni même « d’éteindre les révoltes d’une guerre civile qui résonne ». La prison fait bien pire que s’attaquer directement à une prétendue menace : elle l’empêche de naître par sa seule existence. Enfermer les « révoltés », l’État le fait… presque au passage ; mais c’est à tous, et au quotidien, qu’il s’adresse intimement. C’est cette action banale, en profondeur, qu’il faut attaquer –sous peine de reproduire les séparations qui ne servent qu’à le renforcer. « Le système pénal est un système qui pénètre profondément la vie des individus et qui porte sur leurs rapports à l’appareil de production. Pour que les individus soient une force de travail disponible pour l’appareil de production, il faut un système de contrainte, de coercition et de punition, un système pénal et un système pénitentiaire. Ce n’en sont que des expressions » [9].

Les fondements du code pénal –refondés par chaque décision de justice– n’ont changé en rien depuis deux cents ans : la défense de la propriété privée, la distinction entre le coupable et l’innocent, l’individualisation des peines. Le code a changé, bien sûr… un peu ; les lois se sont multipliées, et avec elles le champ des délits et des crimes ; et les peines se sont allongées. Mais la fonction principale du système judiciaire reste de juger un individu et son passé, de construire son profil : son parcours, sa personnalité, ses intentions ; de déterminer s’il est capable du fait pour décider s’il est coupable. On ne coupe plus la main des voleurs depuis longtemps : on interroge leur casier, on écorche leur nom, on questionne leur enfance, on commente leur adresse, on responsabilise leurs parents, on déplore leur chômage ; et on les condamne plus ou moins. Tous les outils, toutes les techniques du droit servent à broyer les corps et les individus. En cela, ils nous préoccupent plus que les coups de théâtre orchestrés que l’on prétend critiquer ici ou là.

Il ne s’agit pas de nier que l’État s’est doté d’un arsenal de lois, de procédures, de services spécifiques à l’antiterrorisme. Cet outil s’est particulièrement restructuré et modernisé au coeur des années quatre-vingts dans le cadre d’un durcissement plus général du droit pénal déjà qualifié à l’époque de « tournant sécuritaire ». Depuis quelques années, cet outil s’est perfectionné en s’alignant sur les législations internationales les plus dures ; et des centaines de « terroristes » croupissent en taule. Le droit fait parfois des bonds. En ce sens, on peut dire qu’il « s’exceptionnalise » pour se survivre et faire perdurer l’édifice social tout entier. Des mesures prises contre des populations très restreintes –les « pédophiles », les « fous dangereux », par exemple– deviennent parfois la norme, puis la loi, en s’appliquant à toujours plus de monde. Pour autant, la description de ce processus ne rend pas bien compte de l’ensemble de ce qui fait tourner la machine pénale au quotidien ; à moins de considérer chaque « intime conviction » du juge, chaque condamnation automatisée, chaque procédure bureaucratisée comme autant de petites exceptions au droit. Le mot perd alors tout son sens, et il faut en changer.

Cette critique d’une « justice d’exception » présentée comme une verrue scandaleuse sur le nez de la justice ne fait que renforcer le pilier pénal de la société. Sans entrer dans le détail des positions d’intellectuels qui critiquent la procédure antiterroriste au nom d’une défense de la démocratie [10], un petit tableau publié dans les Echos de la Taïga [11] est symptomatique de la (non) compréhension de la nature profonde du droit souvent observée dans la défense des « politiques ». La démocratie menacée se réveille et se défend, et c’est l’ensemble du système qui se trouve validé par ce type de positions. De cette justice d’exception on finit par se dire qu’elle est injuste. L’antiterrorisme devient ainsi une sorte d’abcès, de maladie qui nous transformerait tous en infirmiers au chevet d’un droit contaminé par un gouvernement sécuritaire [12]. Faute de toujours articuler la critique du « droit d’exception » à celle du droit tout court, on oublie qu’il n’y a pas plus de justice d’exception que de justice juste : la justice est simplement judiciaire.

Dans le cadre de cette grande fiction de l’exception, certains nous rabâchent le bon vieux fantasme de la jonction entre les insoumis dans les prisons, comme si la taule n’était pas le monde en pire, comme si la misère et l’enfermement fédéraient par eux-mêmes, comme si de l’humiliation naissait magiquement la solidarité. La prison reste le lieu de toutes les séparations : entre communautés, entre hommes et femmes, entre droits communs et « politiques », entre braqueurs et pointeurs, entre longues peines et « courtes » peines. Que l’on apprenne en taule à démarrer une voiture sans les clefs, que ce type de savoir-faire puisse être très utile, que des amitiés et des complicités s’y nouent, y compris dans la révolte… certes. Mais si « le vent tourne » [13], il ne vient pas des prisons ; il continue plutôt de nous y pousser. C’est dommage, mais c’est comme ça, gros ; et le fait qu’une descente spectaculaire à Villiers-le-Bel ressemble à une descente spectaculaire à Tarnac n’efface pas des différences bien réelles. La plus évidente, c’est qu’il n’y a pas de discours de l’innocence qui tienne pour une classe présumée coupable ; c’est valable pour les personnes inculpées de l’incendie du centre de rétention de Vincennes et pour pas mal de vendeurs de shit.

Bien sûr, ici et là, des individus et des groupes tentent dans leurs textes et dans leurs actes de dépasser la « question de l’antiterrorisme » et de lutter contre ce monde d’exploitation et d’enfermement [14]. Mais partie comme elle est partie, cette drôle de danse avec l’État –la récente mise en scène du pouvoir, et la réponse qui lui a été donnée– ne peut que brouiller le combat contre la justice dont l’arbitraire quotidien disparaît une fois de plus derrière un des spectacles qu’elle produit. Une fois de plus, on nous divertit ; ni plus ni moins que quand on fait entrer l’accusé tous les jours dans tous les logis et dans toutes les têtes.


Du rififi dans le renseignement

Beaucoup de barbouzes ont joué leur survie dans le dernier avatar de cette baudruche étatique de l’ennemi intérieur. A l’heure où DST et RG fusionnaient à grands coups de com’ –Direction de la sûreté du territoire et Renseignements généraux se retrouvant dans les nouveaux bâtiments de Levallois au sein de la SDAT (sous direction antiterroriste)– il a été question pour certains professionnels du renseignement de faire valoir un « savoir-faire » historique : la surveillance des milieux politiques « à la gauche de la gauche, à la marge des partis ». Ajoutons à cela « une ministre de l’intérieur qui a une grande culture historique et politique et une grande expérience », dixit son communiquant. On peut donc voir, aussi, dans cette focalisation sur « l’ultra-gauche » un élément de la recomposition d’un espace politique « légitime », dans une période où les derniers mouvements sociaux ont vu se multiplier des pratiques qui s’émancipent des cadres de la routine militante.

« D’abord, il faut voir qu’on a employé ce terme d’ultra-gauche pour bien séparer cette mouvance de l’extrême-gauche institutionnelle type Besancenot qui tout en contestant radicalement la société, ce qui est son droit le plus strict, s’inscrit dans un processus électoral et respectueux quand même de la vie démocratique. Donc c’est pour ça qu’on a parlé d’ultra-gauche pour qu’on ne fasse pas de mélange avec l’extrême-gauche. […] C’est simplement une analyse de leurs opinions, de leurs écrits et de leurs attitudes. […] Son expérience [celle du ministre] l’a amené à dire : attention, lorsque les partis de gauche contestataires ou d’extrême-gauche comme le Parti communiste français s’effondrent et qu’il n’y a pas pour l’instant, ça viendra peut-être, de remplaçant, si je puis dire, c’est fréquemment le moment où on voit surgir une ultra-gauche radicale en rupture complète avec la démocratie et susceptible de se livrer à des actes illégaux. Elle l’a dit, elle avait donc demandé une certaine surveillance. […] Eh bien c’est l’ultra- gauche actuellement parce que c’est une période historiquement où c’est plutôt l’ultragauche. Si c’est l’ultra-droite demain, le même travail, les mêmes rapports seront faits ; et de toute façon, la même surveillance est exercée sur ces milieux ; rassurez-vous, il n’y a pas de choix politique et il n’y a pas de criminalisation des opinions, des écrits, des modes de vie, contrairement à ce qui a pu être dit. » (Gérard Gachet, porte-parole du ministère de l’intérieur répondant aux questions de Mediapart).

Le tableau serait incomplet sans un criminologue de plateau télé qui s’impose comme conseiller du prince, spécialisé dans les petites et grandes peurs utiles : Alain Bauer. Cet adepte de « la prévention situationnelle », plutôt que de « la tolérance zéro », formé par le PS rocardien des années quatre-vingt, vend ses expertises en sécurité aux collectivités locales et aux boîtes via sa société ABC (Alain Bauer Consulting). Au sommet de sa reconnaissance institutionnelle, il s’est fait offrir en à peine deux ans un Observatoire national de la délinquance qui publie « enfin des études de victimation » à l’américaine, et plus récemment encore, une chaire de criminologie au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers). Il s’est vanté après les arrestations de Tarnac d’être tombé sur L’insurection qui vient un après-midi qu’il baguenaudait à la FNAC, et d’en avoir acheté quarante. De cette lecture, il aurait conclu qu’une nouvelle RAF (Fraction armée rouge) menacerait peut-être, demain, à nouveau, le silence des pantoufles et en aurait chié une note immédiatement communiquée à ses amis des services concernés avec un exemplaire du bouquin.


[1] Pour une critique du terme « anarcho-autonome », voir le texte de Léon de Mathis dans Mauvaises intentions n°2, paru en janvier 2009. Pour une critique plus complète de l’outil « antiterroriste » et une recension de tous les articles parus depuis un an sur la « mouvance », voir Mauvaises intentions n°1. L’un et l’autre sont disponibles en libre téléchargement sur http://infokiosques.net/mauvaises_intentions
[2] Directive du 13 juin 2008, Direction des affaires criminelles et des grâces, ministère de la Justice. « Objet : multiplication d’actions violentes commises sur différents points du territoire national susceptibles d’être attribuées à la mouvance anarchoautonome. […] Outre des inscriptions réalisées sur des bâtiments publics, cette mouvance s’est manifestée par la commission d’actions violentes en différents points du territoire national au préjudice de l’État et de ses institutions […] et peut afficher un soutien à d’autres mouvances terroristes. […] D’autres faits relatifs notamment à des jets d’engins incendiaires contre des bâtiments publics se sont révélés présenter des liens étroits avec ce mouvement. […] Ainsi, les parquets porteront une attention particulière à tout fait similaire, notamment afin d’en informer dans les plus brefs délais la section antiterroriste du parquet du tribunal de grande instance de Paris pour apprécier de manière concertée l’opportunité d’un dessaisissement à son profit. »
[3] Pour une analyse détaillée des évolutions du discours médiatique, on peut lire Le Tigre n°29. Libération titrait « L’ultragauche déraille » le 12 novembre ; puis Des terroristes ? une semaine après ; avant de faire sa « une » sur le témoignage exclusif de l’épicier de Tarnac.
[4] Le député PS André Vallini, qui avait présidé la commission parlementaire d’Outreau, estime le 17 janvier 2009 que « les leçons d’Outreau ne semblent décidément pas avoir été retenues par la justice française ». Il ajoute le 14 mars 2009, à la suite d’un nouveau refus de demande de mise en liberté : « Cette décision va à l’encontre du principe de notre procédure pénale, qui veut que, même pendant une instruction judiciaire, la liberté soit la règle et la détention l’exception ».
[5] Sur ces trois points, on peut lire respectivement le n°62 de CQFD, la « Mise au point » du Comité invisible, qui tente péniblement de faire passer cette histoire pour un moment stratégique, voire victorieux, dans « la guerre civile en cours », et la lettre des parents sur le site internet des comités Tarnac.
[6] « De Gaza à Tarnac, terrorisme=résistance », proclamait une banderole lors de la manifestation du 31 janvier 2009.
[7] « C’est d’abord la preuve qu’avec la législation antiterroriste, on peut arrêter n’importe qui pour n’importe quoi, puisqu’on inculpe les gens sur des intentions ; c’était d’ailleurs le but de cette législation », déclare Eric Hazan, éditeur de L’insurrection qui vient : « Si l’on a mis tant d’efforts à emprisonner pour terrorisme quelques jeunes paysans communistes qui auraient participé à la rédaction de L’insurrection qui vient, ce n’est pas pour délit d’opinion, mais bien parce qu’ils pourraient incarner une manière de tenir dans la même existence des actes et des pensées », analysait quant à lui le Comité invisible dans sa « Mise au point ». Signalons que nous avons suivi la piste Jakie Quartz pour retrouver ce fameux comité. En vain.
[8] Lettre de Benjamin, épicier terroriste, sur le site de Mediapart.
[9] Michel Foucault, Prisons et révoltes dans les prisons, juin 1973.
[10] Sur ce point précis, on peut lire le texte Tous Coupat, tous coupables, écrit par un autre universitaire, Alain Brossat, qui a au moins le mérite de ne pas oublier sa critique de la démocratie à la porte.
[11] Bulletin des comités de soutien consultable sur http://soutien11novembre.org/.
[12] « Des scénarios déjà vus dans plusieurs pays au cours des dernières années (USA, Royaume-Uni, Allemagne, Italie…) débarquent avec fracas en France et signent l’entrée dans un régime où l’exception devient la règle. » Lettre de Benjamin publiée sur Mediapart.
[13] Lettre de Benjamin, épicier terroriste, sur le site de Mediapart.
[14] Le 24 janvier, par exemple, une manifestation était organisée à Paris, dans le quartier de Barbès, en solidarité avec tous les prisonniers ; « Manifester dans les rues du 18ème, c’est aussi contre les rafles de sans-papiers et l’occupation policière qui y a lieu, distribuer le témoignage de prisonniers de Villepinte […]. Manifester là où nous le voulons sans en demander l’autorisation nous permet d’aller à la rencontre des gens, de créer des possibilités de résistance là où nous vivons et luttons » lisait-on sur un tract.
Dès le départ du cortège, deux cents personnes se sont fait encercler ; plus de cent vingt ont été embarquées vers différents commissariats ; sept ont passé une nuit en garde à vue et sont convoquées devant le juge le 6 mai à 9 heures pour « refus de dispersion malgré les sommations » ; sept autres, censées passer en comparution immédiate pour jets de projectiles, seront jugées le 8 juin au TGI de Paris ; un huitième a été remis en liberté sous contrôle judiciaire mais une instruction est ouverte contre lui pour « dégradation en réunion sur un véhicule de police »
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[Ontario] Des prisonniers se rebellent à Penetang

Le 24 Décembre, des sections multiples dans l’unité 5 au centre correctionnel Central North (Penetang) ont refusés d’aller sous verrouillage. Dans l’une de celles-ci (5F) Erik Lankin était retenu. Pendant la période des fêtes, il est commun que les détenus soient sous verrou la plupart du temps, parce que les gardes sont à court de personnel. «Verrouillage» se réfère a ce que les détenus soient enfermés dans leurs cellules, plutôt que d’être avec environ 20-30 autres prisonniers.

Entre 12 heures et 13 heures, un verrouillage a été ordonné, les prisonniers dans plusieurs sections ont refusés de réintégrer leurs cellules. Ils ont exigés seulement de faire des appels téléphoniques à leurs familles et amis la veille de Noël et Noël. Les prisonniers ont demandé à parler à un officier supérieur. Trois officiers sont venus au 5F pour négocier avec les prisonniers qui refusaient de réintégrer leurs cellules. A travers les fenêtres, les détenus ont échangés des signes de solidarité. A 13h45, tous les gardes, y compris les officiers ont quitté entièrement. Peu après, les sections à proximité ont été libérés de verrouillage. A ce moment là, le succès d’empêcher le verrouillage de l’unité s’est fait sentir.

À peu près à 14 heures environ 25 gardes, probablement tous les gardiens de prison en service, se sont déplacés au 5A, forçant les prisonniers sous verrouillage. Une personne du 5A a refusé et a été envoyer au trou (en solitaire). Quand les gardes sont arrivés au 5F, certains prisonniers ont continué à refuser le verrou jusqu’à ce que les gardes promettent qu’ils sortiraient pour des appels téléphoniques pendant les fêtes. Dans un moment de tension, les gardes ont donné leur promesse et les prisonniers sont retournés dans leurs cellules.

Laissons cette rébellion collective sans peur dans une super-prison nous inspirer à l’extérieur. Nos camarades se tenant debout pour eux-mêmes peuvent nous donner de la force de se soulever contre ceux qui souhaitent que nous soyons emprisonnéEs ou silencieux.ses.

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[Traduit de l’anglais par sabotagemedia depuis Guelph ABC]

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[Solidarité avec les inculpé-e-s de Labège] Samedi 14 janvier à Toulouse

« Nous sommes contre la prison
parce que le bruit
de la clé dans la serrure d’une cellule
est une
torture quotidienne,
l’isolement une abomination,

la fin du parloir une souffrance,
et le temps enfermé
un sablier qui tue à petit feu… »

Alors samedi 14 janvier, le Collectif pour la Liberté des Inculpé-es de Labège (et des autres) s’installe aux Pavillons Sauvages [avenue Jean Dagnaux à Toulouse, Métro Canal du Midi], le temps de faire connaitre un certain nombre d’outils (caisse de solidarité, radio, journaux…) voués à briser le silence et l’isolement sur lesquels s’appuie la logique carcérale. A partir de 14h :

* Tables d’infos

* Atelier d’écriture de courrier aux détenu-es
(fabrication de cartes postales qui détruisent la solitude)

* Initiation à la langue des signes
(pour apprendre à communiquer sans bruit)

* Ecoutes et intervention de Bande Organisée
(super travail qui donne la parole aux jeunes enfermé-es)

On finira en « musique »…

[ Diffusé sur le blog du collectif de soutien aux inculpé-e-s de Labège]

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La fin du transport en commun

Nous voulons tous aller quelque part. Ce ne serait pas une exagération de prétendre que c’est dans la nature humaine même d’aller, de ne pas rester sur place, de partir à la découverte. Relativement incapable à complètement éradiquer cette pulsion, le pouvoir s’emploie plutôt à déterminer à l’avance la destination de nos routes, en délimitant bien les champs accueillants à la découverte des terrains prohibés. Aller découvrir le nouveau centre commercial, goûter un succédané de la nature dans un parc naturel, se jeter dans l’inconnu d’un nouveau emploi, faire la fête sur les endroits prédestinés à éviter tout joyeux et donc incontrôlable débordement… voilà les destinations offertes.

Mais la question ne concerne pas uniquement les destinations. La critique de ce monde fantomatique mis en scène par le pouvoir et la marchandise s’enraierait si elle ne capterait pas que c’est le chemin même qui conditionne la destination. Vivant dans un monde basé sur l’argent, la seule destination de nos errances ne peut être les temples où cet argent règne. Vivant dans un monde où le travail salarié détermine le rythme de la vie, le seul but devient évidemment l’usine, l’entreprise, l’atelier, le supermarché.

Si nous descendons du domaine de la critique de la logique du pouvoir et de la soumission pour nous plonger sur le concret, on se heurte à propos de cette question des chemins et des destinations, quasi directement sur l’existence des transports en commun, qui semblent devenus un des cibles préférés des enragés, évidemment chacun avec ses raisons et ses colères, partageables ou moins. On pourrait se limiter à une critique superficielle des transports en commun, oubliant qu’ils forment effectivement une des plus importantes artères de la ville. On pourrait se limiter à dénoncer les prix trop élevés pour un ticket ou un abonnement, l’augmentation des contrôles, l’installation des portiques transformant l’accès au métro en une séance de gymnastique, ou encore l’abondance de la vidéosurveillance, des agents de prévention,… Et tout ça, c’est absolument nécessaire et utile, mais en même temps, ça risque de nous amener, nous, les ennemis du pouvoir, sur les terrains glissants de la revendication d’un quelconque « droit à la mobilité », des « transports en commun gratuits » ou encore une « réduction de la répression des fraudeurs ». Ce sont des terrains glissants, car ils risquent d’omettre la question fondamentale : pourquoi y-a-t-il des transports en commun, quel but servent-ils ?

La grande majorité des usagers des transports en commun, l’utilisent pour se déplacer de la maison vers le travail, vers des institutions, vers des rendez-vous avec des bureaucrates, vers les lieux de consommation comme le supermarché, le stade ou le disco. Ceci donne une légère amorce afin de comprendre l’importance que le pouvoir octroie à un réseau de transports en commun qui fonctionnent décemment. Le déplacement, la circulation des personnes est fondamentale pour l’économie, pour l’existence du pouvoir. Les transports en commun sont une des réponses à cette nécessité économique de se déplacer, tout comme son organisation fait tout son possible pour offrir le chemin afin de déterminer la destination. Et ce déplacement doit évidemment se dérouler de la manière la plus efficace (certainement pas l’équivalent de la plus agréable) et la plus sûre (certainement pas l’équivalent de la plus fascinante). La mobilisation totale de la population au quotidien, nécessite des infrastructures adaptées. L’importance de ces infrastructures pour l’ordre social se reflète à l’envers quand elles sont paralysées (peu importe la cause) : retards, chaos, désordre, rupture avec la routine. On dirait du terrain fertile pour la liberté, pour autre chose que la reproduction quotidienne des rôles, du pouvoir, de l’économie.

Et jusque là, nous n’avons que touché les aspects concernant la logique de mobilisation économique derrière le transport de masse. Mais les transports en commun configurent profondément non seulement l’espace physique (tunnels, câbles électriques, signalisations, rails de trams, du bruit, uurroosters), mais peut-être encore plus l’espace mental : la ville devient la somme des arrêts de trams et de bus, le territoire se voit délimité par les arrêts desservis, tout le reste n’est que du passage, la plupart, d’ailleurs, passé, non par hasard, sous le sol. Le réseau des transports en commun, compris avec la militarisation que les transports en commun impliquent, peut être analysé comme une véritable toile qui couvre le tissu social, contribue à en déterminer les rapports, qui le contient, qui l’enferme. Dans la prison à ciel ouvert que le pouvoir est en train de construire, les transports en commun constituent les fils barbelés et les miradors empêchent toute évasion. Comme dans n’importe quelle prison ou camp, les enfermés sont registrés et fichés. Le gigantesque fichage, réalisé à travers les cartes à puces personnalisés, des mouvements de tous les usagers non-fraudeurs (et encore plus, vu la vidéosurveillance), n’est en effet qu’un des aspects de la prison sociale.

En même temps, les transports en commun ne sont pas une forteresse imprenable. Exactement parce que c’est un réseau qui s’étend partout, ils ne seront jamais à l’abri des gestes perturbateurs. Son omniprésence constitue en même temps sa vulnérabilité. Crever les pneus dans le dépôt des bus, sectionner les câbles le long des rails, détruire les signalisations qui mettent de l’ordre dans la circulation, ériger des obstacles sur les rails…, les possibilités pour des attaques simples et reproductibles sont infinies et surtout impossible à prévenir et à éviter pour les directeurs de la prison sociale. Chaque perturbation, peu importe son ampleur, a des effets immédiats sur la routine quotidienne, qui, clairement, est celle du travail, de l’économie, du pouvoir et du contrôle. Combattre pour garder les transports en commun accessibles à tous devient, dans cette optique, revendiquer une prison ouverte – exactement ce que le pouvoir est en train de construire. Il nous semble d’ailleurs assez non pertinent de prévoir si, dans le monde de nos rêves, dans un monde où l’argent sera détrôné et le pouvoir détruit, existeront encore ces transports en commun vu que sa logique actuelle est entièrement et exclusivement imprégné de l’économie qui nous voulons détruire et du contrôle social que nous voulons éradiquer. Aujourd’hui, il s’agit de concevoir ce que sont réellement les transports en commun : les artères du capitalisme, les barrières qui excluent tout ce qui sorte de la routine du travail et du pouvoir, les fils barbelés de la prison à ciel ouvert en construction. Et comme l’évasion d’une personne ne signifie pas encore la destruction de la prison (et dans une certaine mesure même pas la liberté, liberté qui, comme on le dit souvent, ne peut s’étendre à l’infini qu’à travers la liberté des autres), la question revient à attaquer les transports en commun dans le but de les perturber et de les détruire. Paralyser la circulation orchestrée et conditionnée revient à non moins que de se battre pour la liberté de tous.

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[Publié dans Hors Service n°24]

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Hors service n°24

 

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Les textes du n°24 sont lisibles un à un ici.

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A couteaux tirés avec l’existant, ses défenseurs et ses faux critiques

« L’insurrection est beaucoup plus qu’une « lutte armée », parce que l’affrontement généralisé fait en elle tout’un avec le bouleversement de l’ordre social. Le vieux monde est renversé dans la mesure où les exploités insurgés sont tous armés. Ce n’est qu’alors que les armes ne sont plus l’expression séparée de quelque avant-garde, le monopole des futurs patrons et bureaucrates, mais la condition concrète de la fête révolutionnaire, la possibilité collective d’élargir et défendre la transformation des rapports sociaux. En dehors de la rupture insurrectionnelle, la pratique subversive est encore moins une « lutte armée », à moins de vouloir restreindre l’immense champ de ses passions à certains instruments seulement. La question est de se contenter des rôles déjà fixés ou de rechercher la cohérence à partir du point le plus lointain : la vie.

Alors, on pourra réellement entrevoir dans la révolte diffuse, en contre-jour, une merveilleuse conjuration des egos pour créer une société sans chefs et sans dormeurs. Une société d’individus, libres et uniques. »

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[Lire le texte ici et ]

Traduit de l’italien. Titre original : Ai ferri corti con l’esistente, i suoi difensori e i suoi falsi critici, ed. NN, Pont St Martin-AO/Catania, mei 1998, 40p.

Première parution francophone : A couteaux tirés avec l’Existant, ses défenseurs et ses faux critiques, éd. Mutines Séditions, co-édité avec Typemachine (Gand, Belgique), 112 pages, octobre 2007.

On pourra lire la préface des éditeurs.

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1er janvier 2012, Montréal : manif de bruit du nouvel an aux prisons

Le 1er janvier, nous sommes allé.es faire du bruit et avons lancé plusieurs feux d’artifices aux abords des clôtures barbelées de la prison de Bordeaux et de la prison pour femmes de Tanguay, pour souhaité la bonne année aux prisonnières et aux prisonniers. Ces deux prisons sont situées dans le nord de l’île de Montréal. Nous étions une trentaine à crier notre solidarité avec celles et ceux qui sont isolé.es, humilié.es et infantilisé.es derrière les barreaux des cellules grises ; celles et ceux pour qui chaque jour ressemble au lendemain et qui n’ont pas le choix de rêver un peu pour survivre. Après tout, nous nous sentons un peu comme elles et eux. À la prison de Bordeaux, nous avons vus les prisonniers nous faire des signaux de lumière derrière des fenêtres grillagées alors qu’à Tanguay, les femmes, qui ne pouvaient nous voir, nous répondaient en hurlant ”bonne année!!!”.

Depuis quelques années, à chaque nouvel an, nous tentons de poursuivre la tradition anarchiste maintenant internationale de faire des manifs de bruit à l’extérieur des prisons. Il nous est nécessaire de nous rappeler ce contre quoi nous luttons. Le monde capitaliste ne peut se perpétuer sans un système disciplinaire et coercitif et c’est bien la peur des conséquences qui limite nos instincts de libérations. Ensemble, nous devons construire la force de briser les murs et les frontières qui nous divisent.

BONNE ANNÉE À TOUS LES PRISONNIERS.ES!

[Trouvé sur sabotagemedia]

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2012 à Toulouse : on lâche rien !

Samedi 31 décembre ,nous étions une soixantaine à aller hurler notre rage devant les murs de la prison de Toulouse-Seysses.

A partir de 22h ,depuis leurs cellules ,les prisonnièr-es ont pu entendre résonner des morceaux de la Mafia k’1 fry , Sean Paul, Dre, les Clash ou encore Befa… Et ce pendant près d’une heure! On a fait péter nos deux kils de son jusqu’au quartier des meufs (à l’opposé de nous). Si si! C’était bon de voir les réactions de l’intérieur: les cris de « Liberté! », les briquets aux fenêtres, les signaux divers…

Les galets décoratifs des plates-bandes de la maison des familles se sont révélées fort utiles pour marteler les grilles au nez des matons.
Ravalant notre envie de tout crâmer, on s’est quand même accrochés à un portail fermant la première enceinte grillagée, qui a fini par céder sous le poids de notre colère. Ok, c’est symbolique mais ça nous a pris aux tripes et on s’est sentiEs un peu plus fortEs l’espace d’un instant.

Au milieu de tout ça, trois pauvres gendarmes nous regardaient faire et ont fini par appeler du renfort. Ayant réussi à esquiver un contrôle d’identité massif, on est repartiEs sans encombre. Ca nous a mis la patate, même si ça fait chelou de se barrer avec le sourire d’une taule encore debout.
Plus tard dans la soirée, des feux d’artifices ont brillé au-dessus de la zonz.

BIG UP à touTEs les prisonnierEs, aux enragéEs et à touTEs celleUX qui les soutiennent, ce soir-là comme chaque jour de l’année !

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[Lu sur Indymedia Nantes]

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, inculpé-e-s toulouse 15 novembre 2011, solidarité | Commentaires fermés sur 2012 à Toulouse : on lâche rien !

[Varces] Feu (d’artifice) à la maison d’arrêt

[Note de cestdejatoutdesuite : dedans comme dehors  les agents de PolicEmploi, de la CAF, travailleurs sociaux, éducastreurs à la PJJ, pleurnichards sur leur « manque de moyens » et autres sbires payés pour contrôler la vie de précaires, sont à considérer pour ce qu’ils sont : des flics. Dégageons-les de nos luttes !

Pour mémoire : Pôlice Emploi s’installe en taule]

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Feu (d’artifice) à la maison d’arrêt de Varces

Dans la soirée du 31 décembre, des feux d’artifice ont été tirés autour de la Maison d’Arrêt de Varces, accompagnés de phrases criées à l’attention des prisonniers :

« Pour les bonnes résolutions : ni prison, ni maton, mais plein d’évasions »

« Liberté ! Solidarité ! »

« Détruisons les prisons »

« Ni prison ni maton n’arrêteront nos rébellions »

Les cris des prisonniers à l’intérieur sont rapidement venus s’ajouter aux bruits de pétards et aux cris à l’extérieur. On espère que cela aura un tant soit peu contribué à gâcher le réveillon des matons en poste ce soir-là et à briser la mortifère monotonie carcérale.

Alors voilà, ça s’est passé le 31 décembre mais on n’était pas là pour souhaiter une bonne année, parce qu’on pense que les voeux de fin d’année ne sont qu’une manière de se souhaiter que rien ne change alors qu’en vrai, nous, on veut tout changer.

On n’est pas venu souhaiter une bonne santé.

Parce que la réalité de la taule produit plutôt l’inverse : ça abime les corps à vitesse « grand V ».

Des plombes pour voir un.e dentiste pour une carie qui finira par tourner en rage de dent (en rage dedans ?…).

La bouffe dégueulasse qui, si elle n’est pas complétée en cantinant (cher…), ne permet pas d’avoir une alimentation équilibrée.

Le cercle vicieux de la fatigue psychique qui diminue les défenses immunitaires alimenté par le manque d’activité physique et les troubles du sommeil.

Les troubles de la vue générés par le fait qu’en cellule, le regard ne porte jamais bien loin ; les murs, les barreaux et les grilles fatiguent les yeux de celles et ceux qui cherchent l’horizon.

La réalité des soins en taule c’est aussi le cachetonnage massif, avec la complicité des soignant.es, de celles et ceux qui sont trop « agité.es » aux yeux de l’administration pénitentiaire.

Combien de rebelles endormi.es par la camisole chimique ne sont plus ainsi en mesure de se reconnaître les un.es les autres ?

La santé mise à mal par l’enfermement provoque parfois des malaises, réels… ou simulés, comme celui qui a permis à un taulard de s’échapper de Corbas (maison d’arrêt ultra moderne et sécurisée de Lyon), lors d’un transfert, le 8 décembre.

Il a pu se planquer durant deux heures sous un véhicule dans les environs, avant d’être balancé par un habitant du quartier. Même dans ces bunkers, il reste des failles…

On n’est pas non plus venu souhaiter la réussite professionnelle.

Parce que le travail en prison est un moyen d’occuper ses journées, de rapporter un peu de thunes, de dépenser son énergie, mais sous étroite surveillance et dans des conditions dégueulasses[1].

Mais pour qui en fait ?

Pour des entreprises comme Eiffage, Sodexo au chiffre d’affaire extrêmement élevé (jusqu’à plusieurs milliards annuels) qui en plus de se faire du fric en gérant des prisons, imposent aux prisonnier.ères qui veulent bosser ce terrible paradoxe de devoir participer à l’entretien des murs qui les enferment.

Le travail en prison c’est des prisonniers.ères esclaves et une source de profit facile pour des entreprises comme Renault ou Orange qui font de la sous-traitance et peuvent éventuellement prétendre participer à la réinsertion de celles et ceux qu’elles exploitent. Il paraît en effet que c’est un bon moyen de s’intégrer, et pourtant c’est tellement difficile de trouver du travail après avoir été en taule.

Et puis s’intégrer à quoi ?

C’est plutôt un moyen de pacification en prison comme ailleurs parce qu’en travaillant on peut gagner un peu d’argent, être moins dans la misère.

L’administration pénitentiaire a tout intérêt à ce que les détenu.es passent leur énergie au travail, c’est encore un des meilleurs moyens pour mater l’esprit de révolte.

A l’intérieur, on peut malgré tout apprécier le fait de quitter la cellule, de voir d’autres prisonnier.ères, de savoir utiliser des machines et outils… ce qui peut avoir de multiples usages !

On n’est bien sûr pas venu pour souhaiter « du succès dans les amours ».

Parce que la taule isole de celles et ceux qu’on aime. Elle observe de ses sales yeux inquisiteurs les moments de retouvailles, en lisant les lettres échangées, en surveillant les parloirs, en transférant selon son gré les personnes loin de leurs proches. La taule cherche à abîmer les liens qui nous sont précieux, à créer / entretenir une misère affective qui isole et détruit encore plus.

En même temps, elle impose le contact avec d’autres qu’on n’a pas choisi, et en premier lieu avec les uniformes : contacts physiques imposés lors des fouilles à répétition, contacts quotidiens pour manger, aller en promenade, avoir son courrier. Quand le maton fait partie du paysage et que les personnes qu’on aime sont (généralement) de l’autre côté des barreaux, est ce qu’on peut encore parler de « vie sentimentale » ?

Est ce qu’on est libre de s’aimer dehors ?

D’aimer qui on veut, hommes et / ou femmes, comme on le veut, en dehors de la famille, de la religion et des conventions ?

Ces normes, si pesantes au dehors, sont encore plus lourdes à l’intérieur dans cet univers complètement hostile. A la misère affective et à l’isolement, nous voulons opposer la solidarité, et des coeurs qui battent sans foi ni loi !

On ne veut souhaiter ni bonheur, ni prospérité, ni réussite…

Images d’une vie parfaite dans un monde en toc, qui se garde bien de montrer l’envers de son décor !

C’est bien la réussite sociale individuelle, cette carotte qui nous fait accepter de perdre notre vie à la gagner, en espérant pouvoir s’acheter une maison, une voiture et fonder une famille, après avoir trimé des années.

Ce pauvre rêve de mettre un collier doré autour de son cou ne nous fait pas envie, et nous savons en plus qu’il reste innaccessible à beaucoup. Souvent, les heures passées au boulot ou à la débrouille ne servent qu’à payer difficilement les factures et maintenir la galère, et il faudrait en plus faire semblant d’aimer ça…

La carotte fonctionne bien parce qu’elle s’accompagne du bâton. Le bâton des contrôles réguliers sous ses différentes formes (la CAF, le pôle emploi, les travailleurs sociaux, les flics). Le contrôle plus diffus de la bonne morale, du voisinage, des caméras…

La peur de s’écarter du « droit chemin », d’être désigné du doigt, de finir en prison, la résignation à une pauvre vie.

Le capitalisme ne laissera jamais à tout le monde la possibilité d’avoir une place au soleil ; la démocratie laisse croire que si on en discute, on trouvera des arrangements.

C’est parce qu’il y a des prisons que ce monde en toc se maintient.

Nous ne voulons pas l’améliorer, mais le renverser !

Pour 2012, pas de réveillon, mais de belles rébellions !!!

[1]L’absence de droit du travail en taule permet aux entreprises de s’enrichir grassement sur le dos des taulard.es qui bossent pour elles en les payant en moyenne 3 euros de l’heure.

[Texte trouvé sur Indymedia Grenoble]

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