De nouvelles mesures pour nous pourrir la vie


L’obligation de travailler pour des miettes

Le rapport Daubresse1 organise la mise au travail forcé des RSAstes à raison de 7h par semaine, sous peine de radiation. Ce nouveau contrat nous oblige à accepter n’importe quel boulot payé des miettes, pour 130€ en plus du RSA par mois, équivalant à bosser pour 4,6€ de l’heure. Cela nous met en concurrence avec les salariés : quel intérêt pour un patron d’embaucher aux conditions d’exploitation habituelles alors qu’on lui sert sur un plateau une main-d’œuvre quasi gratuite et cofinancée à 88% par l’État ?

Lutte contre la fraude

Le second volet de ce rapport consiste au renforcement de la « lutte contre la fraude ». Très en vogue en ce moment, elle désigne à la vindicte les soi-disant profiteurs, responsables de la dette publique2. Tous les allocataires devront avoir une carte électronique qui regroupera les données sur leurs aides sociales. De plus, le Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) recoupe les informations de différents services (CAF, CPAM, MSA, Trésor public, opérateurs téléphoniques, banques, EDF, commerçants, etc…) au prétexte de détecter plus facilement les incohérences et omissions dans les déclarations, et de cibler les fraudeurs potentiels. Toucher des « trop perçus » en connaissance de cause ou sans s’en rendre compte ne permet de toute façon pas de remplir le frigo à la fin du mois. La lutte contre la fraude permet surtout de renforcer le flicage, d’augmenter le nombre de radiations, et accessoirement de réaliser quelques économies toujours sur le dos des mêmes…

Les équipes pluridisciplinaires

Dans le même esprit, le conseil général du Gard, département pilote, teste une nouvelle mesure: des bénéficiaires du RSA vont participer à des « équipes pluri-disciplinaires ». Dans une ambiance décontractée, chacun pourra « prendre des responsabilités, comme les professionnels ». En fait, il s’agit de « réduire, suspendre et réorienter » les allocations des autres. Ceux qui accepteront de mettre les autres dans la merde le feront « anonymement et en toute confidentialité ». Ils devront radier leurs voisins, leur entourage, et pourquoi pas « étudier » leur propre dossier ! L’intégration des allocataires aux mesures répressives vise à rendre les radiations acceptables. Dans une ville ou nous sommes plus de 30% à être sans emploi, le conseil général compte bien attiser, en nous montant les uns contre les autres, la guerre de tous contre tous.

Le monde entier est en pleine restructuration économique et sociale, qui nous oblige à toujours plus de sacrifices, de serrage de ceinture ; qui exige de tout un chacun de se mobiliser pour contribuer au « sauvetage de l’économie ». Pour réaliser toujours plus de bénéfices, il faut réduire le coût de la main-d’œuvre. Cela passe notamment par la remise en cause généralisée, dans les pays où ils existent, des minimas sociaux, allocations, retraites, sécurité sociale, etc…, que l’on appelle le « salaire indirect ». Elle permet de réaliser des économies sur le dos des travailleurs et de tous les pauvres. Et indirectement elle développe un travail toujours moins bien rémunéré, tirant vers le bas l’ensemble des conditions de travail.

Ne nous laissons pas faire. Refusons les restrictions, les radiations, empêchons la mise en place des équipes pluridisciplinaires. Agir collectivement permet d’être plus fort face aux administrations, aux propriétaires, aux huissiers, aux patrons…

Sur Alès, il existe aussi un collectif qui s’organise dans ce sens, n’hésitez pas à venir nous rencontrer et en discuter !

Le collectif Exploités-Énervés se réunira le jeudi 10 novembre, à partir de 18h30, au « Café des Fleurs, bar-brocante », en face de la gare d’Alès, vous y êtes les bienvenus.

Ensuite, permanence tous les 2emes vendredi du mois.

 

1– Mission présidentielle sur l’amélioration du rSa et le renforcement de son volet insertion, remis au président en Août 2011.
2– La fraude aux prestations sociales, en France, est estimée entre 2 à 3 milliards d’euros. La fraude patronale est estimé à 18 milliards d’euros. Le « fond européen de stabilisation économique », en gros l’aide financière accordé aux banques en est à environ 440 Milliards d’euros…

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Tract disponible .

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[Grèce] Les staliniens collaborent, les flics assassinent

En Grèce, la deuxième journée a viré en bataille ouverte entre les staliniens et les anti-autoritaires. Après que le service d’ordre stalinien a attaqué des anarchistes voulant accéder au parlement et qu’il a même rendu certains à la police, ceux-ci ont riposté par des pavés et des cocktails molotov lancés en direction des rangs du syndicat stalinien PAME. Le syndicaliste Dimitris Kotsaridis âgé de 53 ans est mort, mais non pas à cause d’un pavé, comme cela a été et est toujours dit par de nombreux médias bourgeois, mais à causé d’une crise cardiaque probablement due à l’emploi massif de gaz lacrymogène de la part de la police.

Déjà hier, la grève a mobilisé des centaines de milliers dans toute la Grèce. Rien qu’à Athènes, entre 200 000 et 500 000 personnes étaient dans la rue. A la place Syntagma devant le parlement et dans les rues autour, les flics ont dus subir des attaques massives : pavés, cocktails molotovs, coups à l’aide de mobilier urbain divers (Vidéos : 1 / 2). Vers la fin de l’après-midi, les flics ont finalement réussi à évacuer la place Syntagma, 25 d’entre eux ont été hospitalisés à Athènes. Il y a également eu de nombreux blessés dans les rangs des manifestants, ainsi que 28 personnes en détention provisoire et 5 arrêtées.

Étant donné que hier, les flics ont failli perdre le contrôle à la place Syntagma, ils ont aujourd’hui été soutenu par leurs chiens de garde staliniens, le service d’ordre du PAME. Celui-ci a activement empêché les insurgés d’accéder à la place Syntagma en les frappant et en les rendant à la police. Cette collaboration ouverte a enragé les anti-autoritaires et ils ont violemment attaqué la foule de syndicalistes sur la place Syntagma. Après leur départ, ils se livrent des batailles avec la police qui perdurent encore.

Les médias du pouvoir racontent l’histoire bien évidemment un peu autrement. Soit ils n’ont pas rectifié le mensonge que le mort aurait succombé à ses blessures de tête dues à un pavé, soit ils ne rapportent pas l’information qu’il est devenu victime d’une guerre civile chimique. En outre, ils parlent des « autonomes complètement fous » ayant attaqué des « manifestants pacifiques » sans aucune raison. C’est probablement ce qui sera écrit dans tous les journaux demain. Les députés à l’intérieur du parlement assiégés sont en même temps actuellement en train de voter de nouvelles mesures d’austérité.

Affaire à suivre…

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[Trouvé sur lereveil.ch]

à suive ici, , et puis ici

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Pas de trêve pour les ouvertures

Récit d’une expulsion

Le vendredi 14 octobre, notre squat a été expulsé suite à une plainte pour dégradation avec flagrance. Ces dernières semaines deux autres squats récemment ouverts ont été expulsés à Toulouse pour les mêmes motifs. A Paris, le squat du 194 rue des Pyrénées reste menacé. Ceci n’est que l’histoire rageusement ordinaire, d’une expulsion ordinaire, d’une garde-à-vue ordinaire et de ses suites…

Le 18 rue Olivier Métra (Paris XX°) était une grande maison occupée depuis une semaine. Ce bâtiment vide depuis des années faisait rêver bien des habitant-e-s du quartier. Nous l’avons occupée avec l’intention d’y habiter. Mardi 11 Octobre, en début d’après-midi, débarquent deux personnes se disant architectes, ils attendent Mme Mathieu la propriétaire : elle aurait acheté le bâtiment au mois de Juin. Mme Mathieu arrive et s’énerve. Elle essaie de nous faire croire qu’elle est sans le sou, qu’elle est dans une plus grande galère que nous. Difficile d’y croire ! Qui peut se payer une telle maison en plein Paris ? Qui peut investir des millions pour se loger ? Bref, elle repart avec sa clique. A 16h, nous sommes assis-e-s sur le rebord de la fenêtre du 1er étage quand des keufs en tenue nous braquent avec un TASER en nous ordonnant de sortir immédiatement. Nous refusons. Nous leur tendons une facture EDF qui atteste de notre présence sur les lieux depuis une semaine. Au début, ils refusent de la prendre « descends si t’as des couilles… ». Face à notre insistance, ils finissent par l’accepter. Très vite, des ami-e-s, voisin-e-s, squatteuses et squatteurs du quartier arrivent, les renforts des bleus aussi. Des voisin-e-s expriment leur solidarité en témoignant auprès des keufs que nous habitons là depuis une semaine, en refusant d’ouvrir la porte de leur immeuble à la police, en appelant leurs ami-e-s. Cela est malheureusement trop rare pour que nous ne puissions pas les en remercier et saluer leur solidarité, leur prise de position immédiate. La propriétaire et ses amis de la police finissent par s’en aller après trois heures de siège. Le lendemain, une autre occupation est constatée par la police au 194 rue des Pyrénées, dans le même arrondissement. Une rumeur parle d’une expulsion dès le lendemain pour ce dernier, elle n’a pas, pour l’instant, eu lieu. Jeudi, un homme vient poser des questions, il sort sa carte de police en nous disant qu’il est de la préfecture. Il demande combien nous sommes et à quel mouvement nous appartenons.

Le lendemain, veille de la trêve hivernale, à 7 heures, entre cinquante et cent flics et gendarmes bloquent la rue. Un groupe d’intervention, sans écusson, ni insigne, nous réveille à coup de bélier et de meuleuse. TASER avec pointeur laser. « Personne ne bouge ! Main sur la tête ! Au sol ! Ferme ta gueule ! ». Pas le temps de mettre des chaussettes. Genou qui t’écrase contre le sol. Serflex ou menottes. Des officiers de police judiciaire débarquent. Notification immédiate de Garde-A-Vue. Il est 7h15. Embarquement immédiat. Pas le temps de réunir des affaires. Dans la rue, du monde aux fenêtres. Nous arrivons tou-te-s les six au commissariat du XIX° transporté-e-s par les gendarmes. Le chien qui était avec nous a disparu. Nous sommes en colère, l’ambiance est tout de suite tendue avec les condés. Pendant l’expulsion, des flics en civil font le pied de grue devant les autres squats du quartier. Nous sommes mis-es en cages. Femmes et hommes séparé-e-s dans des cellules proches. Médecin, avocats, auditions, nous n’avons rien à déclarer, refus empreintes et ADN. Les auditions sont faites par des OPJ du XX°, et le SIT*. En aparté, certains essaient de la jouer sympa : « aujourd’hui réfléchir c’est désobéir comme disent les bidasses », « excusez nos collègues », « tous les flics ne sont pas des abrutis » [sic], ils nous paient des clopes, nous proposent des verres d’eau pendant et après les auditions. Nous nous méfions, mais pas assez. Ils veulent notre salive pour leur fichier ADN, le FNAEG*. Nous verrons sur un bout de papier « ADN eau : non / ADN mégot : ok ». Ils jouent la compréhension, tentent de nous faire parler en dehors du cadre officiel : « mais il y a bien quelque chose de politique derrière tout ça ? J’aimerais comprendre. Nous ne sommes plus en audition. ». Nous foutons le bordel en cellule pour obtenir à boire, des tampons périodiques ou pour aller pisser. Cela fonctionne et nous permet de ne pas nous sentir trop impuissant-e-s malgré les provocations, les intimidations, les menaces de tabassage. Au bout de quelques heures, une GAV supplétive* pour refus de se soumettre aux empreintes. Re-médecin, re-avocats, re-auditions. Nous répondons la même chose refusant les déclarations, les questions, le fichage. Ou pas : pour plusieurs d’entre nous, ils arrivent avec les PV déjà imprimés « j’ai écrit je n’ai rien à déclarer et refus de signer, ça vous va ? ». Au marqueur rose, il signeront le PV de l’une de nous à sa place. On gueule pour vérifier que toutes nos affaires sont là. Les fouilles sont bâclées, les affaires récupérées dans le squat par les keufs sont à peine notées, il nous en manque la moitié.

Nous sommes transféré-e-s vers le dépôt de Paris-Cité à 18H30. Arrivée au dépôt : re-fouille, re-inventaire, on gueule un coup pour nos affaires, mais surtout pour exprimer notre colère. Côté homme, nous sommes mis dans des cellules individuelles. Elles semblent neuves à flamber. Eau, chiottes, banc en béton avec pour certains un matelas, parfois une couverture, ou juste le béton. On peut gueuler personne ne nous entend. Une lumière blanche nous écrase la tête toute la nuit, la ventilation bourdonne en permanence créant un courant d’air dans la cellule. Tout à coup, on se sent seul, impuissant, enterré, même si l’on sait que cela ne durera qu’une vingtaine d’heures. Médecin que t’as l’air de faire chier, gamelle comme en GAV qui t’arrive froide à 10 heure du mat’ sans un mot, si elle arrive. Nouvelle tentative de prise d’empreintes. Côté femme, même ambiance mais avec, aux côtés des keufs, des bonnes sœurs pour matonnes. Repens-toi si tu veux bouffer, sinon moisis dans ta cellule. Dans le même trou, le centre de rétention pour femmes. Lorsqu’elles lâchent un croûton de pain ramolli, elles jouent la division : « tu manges le pain des étrangères ». Ces bonnes sœurs matonnes qui jouent la charité, nous dégoûtent. Si on sait qu’on doit être présenté-e-s à un magistrat dans les vingt heures, les retenues, c’est tous les vingt jours qu’elles peuvent avoir un espoir de libération. Si on peut rester au maximum quarante heures, elles, c’est pendant quarante cinq jours qu’elles se tapent la morale des bonnes sœurs, si elles ne sont pas expulsées avant. Vers midi, transfert vers la souricière, le P12 pour les gendarmes. On passe par les galeries techniques sous le Tribunal, avant d’arriver dans des cages collectives à côté des bureaux du parquet. Cela fait du bien de revoir les copains copines, de pouvoir discuter, de partager des galères, des conseils, des sourires avec les autres enfermé-e-s. L’un de nous, oublié en cellule, n’aura pas ce maigre plaisir. Au bout d’une heure on voit des vice-procureurs. Une convocation pour un procès le 16 novembre, « destruction du bien d’autrui commise en réunion et refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police ». Retour sur le banc du dépôt, dans l’attente du « bon de liberté » et de nos fouilles. Les ordinateurs, mettront plusieurs dizaines de minutes à revenir. « Ils sont dans un autre service » nous dira-t-on. Nous les retrouvons allumés, alors qu’ils étaient éteints la veille. De retour devant la maison, on ne peut pas récupérer nos affaires : les portes et les fenêtres ont été murées. La voiture est à la fourrière, le chien restera dans une cage durant quatre jours : 300 euros dans leurs poches et une puce sous la peau du chien ! Et ce qui est resté à l’intérieur ? Nous n’en savons rien. Nous recroisons quelques voisin-e-s avec qui nous échangeons des mots amicaux. « C’est du gaspillage de maison ! », nous dira une gamine du quartier.

Ce que nous voulons, c’est un lieu pour vivre à plusieurs. Un endroit que l’on habite sans vouloir attendre d’avoir les bons papiers, les bons revenus, le bon piston à la mairie. Ce que nous refusons c’est le contrôle généralisé. Dans les transports, dans la rue, dans les écoles, face aux institutions qui nous exploitent et qui nous gèrent, le fichage est généralisé. Les rafles quotidiennes, la vidéo-surveillance, le puçage du vivant, toutes les chaînes sécuritaires, toutes les prisons et le monde qui les a créées. Ce que nous refusons c’est l’exploitation, la spéculation, de devoir payer pour exister, de crever sur l’autel de la propriété privée. Ce que nous saluons, c’est la solidarité des habitant-e-s du voisinage, de nos ami-e-s, de nos camarades.

Les ex-occupant-e-s du 18 rue Olivier Métra.

* Service d’investigation transversale : C’est un service « expérimental » de la préfecture de police de Paris qui fait le lien entre les « services spécialisés » ( Renseignement généraux, police scientifique, brigade criminelle, SDAT ) et les « partenaires institutionnels » (mairies, ministères…).

* FNAEG :Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), créé en 1998, est un fichier commun à la police et à la gendarmerie qui gère les traces ADN prélevées au cours des enquêtes.

* GAV supplétive : Nouvelle notification des droits suite à un délit constaté durant la garde-à-vue. Ne la rallonge pas.

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[Texte publié sur Indymedia Paris]

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The Tottenham Chronicles

Les Tottenham Chronicles, c’est un recueil de textes qui viennent, pour la plupart d’entre eux, d’Angleterre. S’y trouvent aussi bien des témoignages à chaud que des analyses présentées avec un peu plus de recul.

Au sommaire :

Analyse critique d’une révolte
– Les yeux grands ouverts à Londres (Occupied London collective)
– Londres brûle – causes et conséquences des émeutes, une perspective anarchiste (Workers Solidarity Movement)

“On cible les richesses…”
– Émeutes à Londres : combats sur Mare Street (Libcom)
– Quand le silence s’ébruite (Restructuration-sans-fin)
– Criminalité et récompenses (Max von Sudo)
– Cinq postes de police attaqués à Nottingham (Joseph K)

Traque & répression
– Vengeance de classe (Federico Campagna)
– Pas de panique, ne parle pas (anonyme)
– Camouflage digital (Le Réveil)
– Remplir les comicos, remplir les tribunaux, remplir les prisons (Zanzara athée)
– Nouvelles technologies + police + citoyenneté = répression 2.0 (Zanzara athée)

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Les textes sont ici, et une version papier est diffusée par Fuck may 68 fight now ! (Paris) ou bien chez Zanzara athée (Grenoble).

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De quelques fragments presque introuvables sur les conceptions organisationnelles situationnistes…

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Grève versus Blocage

«l’encadrement de la grève par le droit

Le contrôle de la grève passe actuellement par sa légalisation. La légalisation, c’est d’abord le fait de ne plus considérer la grève comme une infraction pénale, ce qui est le cas en France depuis 1864. C’est ensuite, en 1946, la reconnaissance du droit de grève comme un droit constitutionnel. Mais la légalisation n’est pas que cela, sinon elle aurait produit tous ses effets depuis des dizaines d’années déjà. En réalité, la légalisation est un processus dynamique qui, s’il a été entamé il y a longtemps, est encore en cours. Le droit est la mise en forme adéquate de changements dont la source n’est nullement dans le droit lui-même, mais bien dans l’évolution des rapports de classes, évolution que le droit vient à la fois sanctionner et renforcer.

Le droit de grève, comme tout droit, n’existe que par ce qu’il est encadré par l’Etat : le droit n’est droit que dans la mesure où les lois lui donnent sa forme et donc par définition le délimitent, l’encadrent et le contrôlent. Les lois qui soumettent le droit de grève au préavis, au respect du service minimum ou à la préservation du droit au travail des non-grévistes sont autant de ces limites à l’efficacité de la grève. Les lois récentes qui étendent le champ d’application du service minimum et répriment pénalement le fait, pour les salariés, de ne pas se soumettre à la réquisition, loin de « bafouer le droit de grève » comme l’affirmait un syndicaliste, ne sont rien d’autre que l’aboutissement du développement de ce droit. On n’aura rien compris au fonctionnement du droit et si on ne saisit pas que le droit de grève c’est le droit de contrôler la grève.

Le droit de grève est conçu comme un droit individuel, même s’il s’exerce dans un cadre collectif. Le cadre collectif, c’est le dépôt du préavis par les syndicats censés représenter les travailleurs : l’aspect individuel, c’est cette possibilité donnée à chaque salarié d’exprimer, par la grève, une opinion concernant son travail et les conditions de celui-ci. Son corollaire est le droit au travail : en effet, le titulaire d’un droit a toujours la possibilité de ne pas l’exercer. La grève ne peut demeurer un choix que si on peut ne pas faire grève, autrement dit si le droit de travailler est lui aussi préservé au nom de la défense du droit de grève.

Ce dont le droit de grève est un formalisation adéquate, c’est d’une évolution qui conduit à ce qu’on peut appeler la segmentation du prolétariat : sa division en couches toujours plus fines jusqu’à cette asymptote qu’est l’individu. Bien sûr, le prolétaire n’est jamais un individu isolé (les individus n’existent de manière isolée dans aucune société, pas plus dans le capitalisme que dans une autre) mais le rapport de classe actuel renvoie chacun à une atomisation toujours plus poussée. Multiplication des statuts professionnels, externalisation des tâches, multitudes d’employeurs dans la même unité de production, turn-over et recours à l’intérim, généralisation de la précarité, etc. : les exemples ne manquent pas, dans l’organisation du travail, de cette atomisation en marche, et font écho à tous les autres exemples que l’on pourrait trouver facilement dans la vie quotidienne, la consommation ou l’urbanisme.

La grève à l’heure de cette atomisation formalisée par le droit est donc renvoyée à ce qu’est, au fond, l’action citoyenne et c’est cette citoyenneté de la grève qui la rend moins efficace. L’action citoyenne, dont l’exemple fondateur et paradigmatique est le vote, repose sur les notions de comptabilité et de représentation. La grève contemporaine est donc d’abord une grève fondée sur l’idée que le gréviste, qui doit individuellement pouvoir choisir librement s’il fait grève ou non, exprime ainsi une opinion dont le poids dépendra du nombre de travailleurs qui auront fait le même choix. C’est ainsi que le pourcentage des grévistes devient un enjeu majeur dans la question de la réussite de la grève, tandis que la question pourtant autrefois fondamentale de la grève (en quoi la grève paralyse-t-elle la production ?) devient au contraire un élément secondaire et même négligeable. Il faut noter qu’une telle évolution affecte également la manifestation : loin de demeurer ce qu’elle était historiquement, à savoir un affrontement (ne serait-ce que symbolique), elle tend de plus à plus à s’identifier à un pur rassemblement quantitatif dont le seul enjeu est le décompte.»

Par Léon de Mattis (première parution : février 2011).
Brochure 16 pages A5.
Texte disponible ici.

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Heurts et malheurs en milieu policier

[Texte paru sur rebellyon le 4 octobre 2011]

L’actualité journalistique, c’est ce flux tendu de paroles, aussitôt dites aussitôt oubliées, que l’on nous sert tous les jours et qui, par leur abondance et leur bêtise, concourt à l’amnésie collective. C’est ce dispositif qui sous couvert de ne faire que décrire, sans « parti pris », la réalité la formate sans cesse.

L’actua­lité, ça n’est fina­le­ment que cette pro­duc­tion inces­sante de dis­cours débi­les qui essaient déses­pé­ré­ment de donner un sem­blant de sens à cette triste époque. Avec des fonc­tions plus ou moins gro­tes­ques : nous faire croire que la poli­ti­que réside dans le choix de tel ou tel futur can­di­dat, nous faire croire que les bra­queurs sont des fous ou des déses­pé­rés, que la police est, sauf excep­tions, une ins­ti­tu­tion irré­pro­cha­ble. Finalement, il semble bien que « l’actua­lité » soit une mar­chan­dise comme les autres.

Mais de temps à autres, au milieu de cet amas de bouf­fon­ne­ries et de men­son­ges, émergent des nou­vel­les réjouis­san­tes, sinon joyeu­ses. Et ces der­niers jours, il y en a eu un paquet concer­nant les forces de police. Nous publions les plus crous­tillan­tes ici. Parce que dans cette société sou­mise tous les jours à l’arbi­traire des flics, le mal­heur poli­cier est, toute pro­por­tion gardée, une des sour­ces de notre bon­heur.

Border line. Jeudi 29 sep­tem­bre : le numéro 2 de la Police Judiciaire lyon­naise, Michel Neyret, est arrêté chez lui en com­pa­gnie de sa femme. Il est soup­çonné d’être un peu trop proche de quel­ques truands notoi­res. Il est jusqu’à pré­sent accusé de « trafic de stu­pé­fiants, détour­ne­ment de fonds, trafic d’influence, cor­rup­tion et asso­cia­tion de mal­fai­teurs ». Au cours de ses 96h de garde-à-vue (« asso­cia­tion de mal­fai­teurs » oblige), des per­qui­si­tions ont lieu dans plu­sieurs établissements ban­cai­res et socié­tés finan­ciè­res à Genève. Le len­de­main, trois autres arres­ta­tions ont lieu dans le milieu poli­cier : Aymeric Saudubray, le patron de la BRI de Lyon (Brigade de Recherche et d’Intervention), le com­mis­saire Christophe Gava, res­pon­sa­ble de l’antenne gre­no­bloise de la PJ, ainsi que son adjoint. Les syn­di­cats poli­ciers sont cons­ter­nés. Comme quoi, il en faut peu pour dés­ta­bi­li­ser l’ins­ti­tu­tion poli­cière.
Début sep­tem­bre, Michel Neyret fai­sait le beau à la télé­vi­sion dans l’émission « Zone Interdite » consa­crée à la « lutte contre le grand ban­di­tisme » qui retra­çait de façon jour­na­lis­ti­que, donc plutôt mala­droite, plu­sieurs atta­ques récen­tes de bijou­te­ries à Lyon et à Grenoble. Star de l’émission, notre super-flic, mèche rebelle et allure décontrac­tée, était filmé s’entraî­nant au tir et orches­trant l’arres­ta­tion d’un go-fast.

Ironie de l’his­toire, il va sans doute bien­tôt connaî­tre le même sort que celui qu’il a réservé à tous ceux qu’il a arrêté. On raconte d’ailleurs que ceux qu’il a fait tomber durant sa car­rière fêtent, depuis jeudi, sa chute depuis leur lieu de déten­tion. « Cest de la folie à Corbas » confiait récem­ment un avocat à un jour­na­liste du Progrès.

Heureux hasards. Le 22 sep­tem­bre au petit matin. À 8h, au com­mis­sa­riat du 19e arron­dis­se­ment de Paris, un poli­cier de la PJ se fait sauter le cais­son avec son arme de ser­vice. Une heure plus tard, c’est au tour d’un de ses col­lè­gues de la cir­cu­la­tion de tuer son épouse, elle aussi flic, avant de retour­ner l’arme contre lui. Vers 10h, un troi­sième se pend chez lui en Seine-Saint-Denis. Et quatre d’un coup. Deux jours après, pour com­plé­ter la série, c’est au tour d’une gen­dar­mette de 32 ans de mettre fin à ses jours dans son loge­ment de fonc­tion de la caserne du 2e arron­dis­se­ment de Lyon. Avec une cin­quan­taine de sui­ci­des par an, la police reste encore mal­heu­reu­se­ment loin der­rière le monde car­cé­ral en matière de taux de sui­cide.

Villiers-le-Bel. Novembre 2007, une voi­ture de police ren­verse et tue deux jeunes cir­cu­lant à moto. S’en sui­vent deux nuits d’émeutes mémo­ra­bles au cours des­quel­les une grosse cen­taine de flics est bles­sée, notam­ment par des tirs de plomb. Quatre ans plus tard, le 22 sep­tem­bre der­nier, la Cour d’Appel de Versailles décide de ren­voyer en cor­rec­tion­nel le flic qui condui­sait la voi­ture res­pon­sa­ble de l’acci­dent pour « homi­ci­des invo­lon­tai­res ». Si il n’y a bien sûr rien à atten­dre de la jus­tice, cette ins­ti­tu­tion dont le seul rôle est d’ava­li­ser l’arbi­traire poli­cier et de donner des airs de nor­ma­lité au pou­voir de la matra­que, cette déci­sion fait plai­sir car elle va contri­buer à pour­rir la vie du flic en ques­tion.

À rete­nir aussi, le procès en appel des Cinq de Villiers-le-Bel : cinq jeunes hommes accu­sés d’avoir tirés sur la police au cours des émeutes et condam­nés en juin 2010 à de très lour­des peines de prison (jusqu’à 15 ans de réclu­sion). Ayant fait appel, cer­tains vont être reju­gés début octo­bre. Le procès risque de durer plu­sieurs semai­nes [1].

De l’autre coté de l’Atlantique. Dénonçant « la crise », « le chô­mage » et le « pou­voir des ban­ques », plu­sieurs mil­liers de per­son­nes défi­lent à Manhattan le 17 sep­tem­bre der­nier. Débute ensuite l’occu­pa­tion du parc Zuccotti à proxi­mité de Wall-Street. Samedi 22, une cen­taine d’occu­pants sont arrê­tés par la police, quel­ques uns gazés. La scène est filmée puis dif­fu­sée mas­si­ve­ment sur Internet. L’offi­cier tenant la bombe lacrymo est rapi­de­ment iden­ti­fié et pris pour cible par Anonymous, un célè­bre groupe de pira­tes-jus­ti­ciers infor­ma­ti­ques. Son nom, Anthony Bologna, ainsi que des ren­sei­gne­ments per­son­nels (numéro de télé­phone, adresse et anté­cé­dents judi­ciai­res) sont dif­fu­sés sur Internet pré­cé­dés d’un aver­tis­se­ment mena­çant : « We are wat­ching ! Expect us ! » dans lequel le haut gradé du NYPD est décrit comme une « cible ».

« Personne n’a rien à cacher, n’est-ce pas ? » C’est par cette ques­tion rhé­to­ri­que que la sec­tion autri­chienne du groupe de pira­tes Anonymous jus­ti­fie sur Twitter la publi­ca­tion des don­nées de près de 25 000 poli­ciers autri­chiens le 26 sep­tem­bre der­nier (noms, pré­noms, dates de nais­san­ces et adres­ses). Le groupe n’a même pas eu a pira­ter de ser­veurs mais a obtenu les infor­ma­tions par « une orga­ni­sa­tion proche de la police » selon ses dires. Le Ministère de l’Intérieur autri­chien a ouvert une enquête.

Tous ces déboi­res poli­ciers sont certes plai­sants. Mais l’apogée du drame poli­cier est sans doute atteint avec le lan­ce­ment de CopWatch-IDF. Depuis le 20 sep­tem­bre, ce site Internet qui lutte « par la trans­pa­rence et l’infor­ma­tion » contre les « vio­len­ces, la répres­sion et l’impu­nité poli­ciè­res », entend ficher publi­que­ment des dizai­nes de flics sur Paris, Lille et Calais avec noms, pré­noms, grades, bri­ga­des, photos et com­men­tai­res sur les tech­ni­ques et carac­tè­res des pro­ta­go­nis­tes (tel flic décrit comme « un stra­tège de la chasse aux pau­vres », tel autre comme « vio­lent » et « nhésit[ant] pas à tabas­ser », etc.). Une véri­ta­ble petite bombe.Le site est consa­cré « à la dif­fu­sion de ren­sei­gne­ments précis sur l’ensem­ble des forces de l’ordre par le biais d’arti­cles, d’images (photos et vidéos), mais aussi et sur­tout de trois larges bases de don­nées sur la police. Ces bases de don­nées, acces­si­bles par tous, per­met­tront à toute per­sonne vic­time d’abus, d’humi­lia­tions ou de vio­len­ces de la part des flics, d’iden­ti­fier le ou les poli­ciers auteurs de ces actes ». La réac­tion poli­cière ne s’est pas faite atten­dre et, comme on pou­vait s’y atten­dre, les flics ont été très mau­vais joueurs. Eux qui ont accès en per­ma­nence à une mul­ti­tude de fichiers conte­nant quan­tité d’infor­ma­tions rela­ti­ves à des mil­lions de per­son­nes dans ce pays [2] ont crié au scan­dale et au « fichage » devant ces quel­ques dizai­nes de fonc­tion­nai­res de police iden­ti­fiés ! Un cer­tain nombre d’entre eux ont d’ailleurs déjà porté plainte ; et le Ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, s’est emparé de l’affaire en pro­met­tant une plainte de son minis­tère pour « dif­fa­ma­tion publi­que envers un fonc­tion­naire de police » et une autre pour « dif­fa­ma­tion publi­que de l’admi­nis­tra­tion ».

Les flics, et leur minis­tre, s’offus­quent de ce site Internet en pré­ten­dant qu’il porte atteinte à leur sécu­rité per­son­nelle. Les pau­vres bou­gres fei­gnent de ne pas voir que c’est pré­ci­sé­ment tout l’inté­rêt de la chose. Ils font comme si déci­der d’être flic dans ce monde-là était un choix inno­cent. Comme si les hommes et les femmes qui déci­dent un beau jour de passer leur vie à sur­veiller, contrô­ler et sanc­tion­ner leur pro­chain n’avaient rien à assu­mer der­rière. Comme si ils pou­vaient faire ça en tout impu­nité, sans être inquié­tés.

Cela étant dit, la pra­ti­que du CopWatch anglo-saxonne qui consiste à seu­le­ment obser­ver et filmer les débor­de­ments poli­ciers n’a de sens que pour les esprits citoyens. Elle ne cons­ti­tue un hori­zon poli­ti­que sou­hai­ta­ble que pour la mino­rité de demeu­rés qui en est encore à vou­loir une police « exem­plaire » effec­tuant des inter­pel­la­tions sans recours à une force exces­sive, tra­vaillant sans bru­ta­lité, etc. Réalisable ou pas, cet objec­tif d’une société sans « bavu­res poli­ciè­res » reste assez peu dési­ra­ble, voire dan­ge­reux : on n’ose ima­gi­ner à quel degré de contrôle total et absolu arri­ve­rait une société où la répres­sion serait tel­le­ment incor­poré au corps social, tel­le­ment dif­fuse et géné­rale, qu’elle ne néces­si­te­rait plus aucune vio­lence visi­ble pour s’exer­cer. En outre, cette pra­ti­que reste sou­vent inof­fen­sive. Elle n’engage pas le poli­cier comme un ennemi, mais sim­ple­ment comme un homme effec­tuant mal son tra­vail. Le CopWatch ne peut deve­nir inté­res­sant et n’être effi­cace que lors­que la peur com­mence à chan­ger de camp. Quand les sur­veillants sont sus­cep­ti­bles d’être à leur tour sur­veillés. Et que cette sur­veillance fait planer une menace réelle sur leurs faits et gestes. En ce sens, les décla­ra­tions contra­riées et apeu­rées des syn­di­cats poli­ciers dans les médias sur le carac­tère dan­ge­reux et scan­da­leux du site nous ravis­sent.

Scandaleuse, cette ini­tia­tive l’est aussi parce qu’elle vient rap­pe­ler que l’espace social est, malgré tous les appels au « vivre-ensem­ble » et au « res­pect mutuel », par­tagé, tra­versé de conflits irré­conci­lia­bles. C’est ce sen­ti­ment par­ta­gée, cette haine dif­fuse de la police, qu’il s’agit de culti­ver. Car c’est en creu­sant et en appro­fon­dis­sant cet écart, ce fossé, cette conflic­tua­lité entre la police et ceux à qui elle rend cons­tam­ment la vie impos­si­ble qu’on en arrive à la consi­dé­rer comme un obs­ta­cle, un ennemi, une bande rivale. Qu’on en arrive à se doter des moyens tech­ni­ques pour la connaî­tre, et donc pour ne plus être seu­le­ment une proie. Pour lui échapper et, le cas échéant, la com­bat­tre.

Reste que ce genre de gestes, col­lec­ter et publi­ci­ser des infos sur la police, ne doit cer­tai­ne­ment pas s’arrê­ter là. Sans quoi, seule une partie du chemin aurait été par­cou­rue. Passer l’ins­tant du pur scan­dale média­ti­que, la ques­tion se pose main­te­nant de savoir, de déci­der, quoi faire de cette mul­ti­tude d’infor­ma­tions. Pour le dire autre­ment, nous serions déçus si la dif­fu­sion de tous ces fichiers conte­nant nom, pré­noms et adres­ses de poli­ciers n’occa­sion­naient pas un cer­tain nombre de muta­tions et de démé­na­ge­ments [3]…

O.

Notes

[1] Un bouquin publié par le collectif Angles Morts vient de sortir, qui revient en détail sur le premier procès.

[2] Le STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées), le FPR (Fichier des Personnes Recherchées), le FNI (Fichier National des Immatriculations), le FNAEG (Fichier National Automatisé Des Empreintes Génétiques), le FAED (Fichier Automatisé des Empreintes Digitales), etc.

[3] Suite aux émeutes consécutives à l’assassinat de Karim Boudouda par la BAC de Grenoble, plusieurs baceux grenoblois et leurs familles avaient dû déménager en vitesse après que leur noms suivis de menaces de morts aient été tagués dans la cité de Villeneuve.

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Fontenay-sous-Bois/Fresnes en 72 heures

Dimanche 25 septembre, se tenait au squat de la Buissonnière à Fontenay, une discussion/projection/concert en solidarité avec la lutte menée contre le TAV en Val Susa, autour de la construction d’une ligne à haute vitesse entre Lyon et Turin. Au cours de la soirée, les flics se sont présentés plusieurs fois à la porte au prétexte d’une plainte des voisins. Autour de minuit, alors que la porte leur avait été fermée au nez une première fois, ils reviennent à plusieurs voitures et contrôlent un groupe de personne se trouvant devant le squat. L’un d’eux, accusé de les avoir insultés et de s’être opposé à leur contrôle est très vite embarqué. Deux personnes se trouvant non loin réagissent rapidement à cette interpellation, elles seront embarquées à leur tour. Malgré des tentatives de les en empêcher, les flics réussissent à emmener les trois au commissariat, non sans avoir reçu quelques canettes et coups de gaz lacrymogène.

Après 48 heures de garde à vue, ils passent en comparution immédiate au tribunal de Créteil mercredi 28 septembre après-midi : le premier pour « infraction à la législation des étrangers », « outrage et rébellion », les deux autres pour « incitation à créer un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation […] de violences volontaires « , en application de la récente loi sur les bandes. Le procès se déroule en présence de nombreux flics, civils, Bac et autres crapules avec ou sans uniforme. Appuyée sur un dossier épais, contant aussi bien les quelques jours d’ITT pris par les keufs que la description policière du squat, la juge en condamne deux à huit mois de prison dont quatre mois de sursis sans mandat de dépôt. Le dernier est relaxé pour la rébellion et condamné à quatre mois ferme pour « outrage » et « infraction à la législation sur les étrangers » avec mandat de dépôt : il part donc le soir même pour la prison de Fresnes.

SOLIDARITE !
LIBERTE POUR TOUS ET TOUTES !

[Trouvé sur Indymedia Nantes,
pour mémoire No TAV à la Buissonnière le 25 septembre]

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[Montréal] Quand ils défoncent ta porte, tu réponds comment ?

Quelques réflexions sur l’escouade GAMMA

Nous avons eu la puce à l’oreille récemment qu’au sein du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), il s’est constitué une nouvelle unité : l’escouade GAMMA (le Guet des activités et des mouvements marginaux et anarchistes).

Il nous a semblé important de diffuser publiquement nos réflexions et de faire une critique en partant de notre position, soit en tant qu’anarchistes. Nous ne voulons pas nous faire porte-parole DES anarchistes, nous nous exprimons en tant qu’individus. Nous espérons stimuler des discussions à ce sujet.

Selon nous, l’escouade GAMMA doit être comprise telle une autre adaptation de l’État dans un contexte d’austérité qui s’accentue. Son mandat est certainement de faire en sorte que l’État maintienne son pouvoir de contrôle social en réprimant la révolte.

Pourquoi GAMMA ?

La nouvelle escouade se situe sous la direction de la Section des Enquêtes spécialisées, dont font partie, entre autres, la division du crime organisé. Comme pour les gang de rues, la mafia ou les motards, GAMMA a pour mission de profiler et d’accumuler des informations sur les actions, les intérêts et les manières de vivre des personnes « marginales et anarchistes », donc quiconque qui questionne l’ordre établi. En tentant d’établir de nouveaux réseaux d’accointance, de liens, d’affinités entre individus, l’État montre son intention d’aiguiser la répression, une répression qui n’est évidemment pas nouvelle.

Plusieurs motifs justifient le fait que le SPVM doit aujourd’hui disposer d’une escouade visible spécialisée en la matière. Pourquoi la police doit-elle explicitement viser les anarchistes ? En les pointant du doigt avec l’aide des médias de masse, l’État personnifie l’anarchiste sous un visage de dangereux terroriste et appelle la population à jouer les délateurs afin de se protéger de sa soit-disant menace. Nous avons vu ces citoyens-flics agir en Angleterre avant et après les émeutes, s’organiser en milice d’autodéfense citoyenne et téléphoner au numéro sans-frais pour dénoncer les émeutiers. Cela nous donne un exemple cauchemardesque de ce futur possible. En projetant l’anarchiste comme ”Le dangereux”, l’escouade GAMMA veut tracer une ligne claire entre les anarchistes criminels et tout les autres (que l’on présume ne pas vouloir être criminalisés)- un classique ; diviser pour conquérir, mettre les gens dans des boîtes isoler les uns des autres. Ils croient pouvoir décourager toute autre personne à utiliser ces moyens d’action quand leur viennent des inspirations potentielles de révolte ou à s’identifier avec les rebelles. En réalité, cette ligne n’est absolument pas clair et le désire de combattre l’ordre social est loin d’être unique aux anarchistes.

Notre société, en fait, pour fonctionner, a besoin de dominer les manifestations du vivant. Nous savons aussi qu’il est physiquement impossible pour la police d’être présente à chaque centimètre de notre environnement, partout et en même temps. Ils peuvent essayer de nous contraindre à l’aide d’une multitude de dispositifs tels un nombre infini de caméras de surveillance à tout les coins de rues, leur capacité de mettre les téléphones cellulaires sous écoute et l’accès aux conversations texto, en traçant nos réseaux avec facebook et twitter, les anti-vols aux portes des magasins, les outils biométriques, les rayons-X aux douanes, les détecteurs de chaleur bordant les chemins de fer aux frontières, la collecte des ADNs, les drones survolant les forêts, les prisons où l’on est menacé d’être enfermé si on ne respecte pas la loi ou la discipline qu’on nous inculque dès la maternelle, mais l’élément clé du contrôle social est notre propre introjection de celui-ci ; le flic dans ta tête. C’est le résidu de la peur qu’ils créent. Au final, les flics doivent aussi leur pouvoir de contrôle à leurs fantômes transcendants plutôt qu’à leurs présences réelle.

Enfin, d’un point de vue matériel, GAMMA est probablement un réarrangement organisationel et bureaucratique qui permettra aux policiers d’être plus efficace dans leur cueillette d’informations. Focussant sur les anarchistes, ils consolident leur base de données pour mieux comprendre les patterns et faire des liens entre des événements distincts.

Nous l’avons souligné plus tôt, la répression est partie intégrale du fonctionnement de l’État ; tout État dans son fondement détient le monopole menaçant de la violence organisée avec ses lois, sa police et ses prisons. Il n’est pas surprenant de voir les flics tenter de réprimer une lutte qui a pour honnête intention la négation de l’État et de la domination industrielle.

Quant au profilage politique, il a lui aussi toujours été. Le libéralisme ne cesse de vouloir nous convaincre d’à quel point nous avons la liberté de penser et d’exprimer nos idées. Aussi longtemps que ces idées restent des idées, nous avons ces ”libertés”. À partir du moment où les gens commencent à mettre leurs idées en pratique et que celles-ci ne correspondent pas à l’ordre sécuritaire du statu-quo, la répression se fait ressentir et ces libertés s’estompe en une courte mémoire. Cela fait écho aux murs du centre de détention dans l’est de Toronto (G-20), aux chambres de torture de Pinochet, aux ruines de Varsovie et aux cimetières sablonneux d’Afghanistan. Les droits composants notre État démocratique sont des compromis qui nous sont offerts en échange de la paix sociale (l’absence de rébellion) et de notre obéissance face à ce système de misère. On veut à tout prix nous faire comprendre que c’est la police, les lois et l’État qui protègent nos droits. Pas de chance ; dès le moment où le pouvoir d’État est menacé, les droits sont rapidement supprimés. Pour calmer les émeutes britanniques, le gouvernement imposa des mesures d’exceptions. Le premier ministre Cameron ordonna aux policiers d’utiliser tout les moyens à leurs dispositions pour rétablir l’ordre. La loi était de leur coté. Lorsque l’ordre est transgressée, la démocratie devient tyrannique. On se croirait dans un film de science-fiction. Les flics symbolisent les limites du possible. Ils encadrent l’existant. Le droit joue un rôle moral, une mythologie de vérités auxquelles tous se réfèrent. Nous venons de démontrer que le droit est un concept qui peut, comme toutes formes de langage, changer de signification, d’application, de mandat, d’intérêt, de fin ou de justification selon les circonstances. Puisque nous voulons construire une lutte sérieuse contre l’État, la dépendance du droit devient une folie. Nous avons besoin d’autre chose.

La démocratie et le fascisme sont les deux cotés d’une même médaille, et celle-ci tourne selon le contexte social, politique, géographique et économique.

La répression dans l’ère des mesures d’austérité

Désormais, ce contexte change. Nous sommes dans l’ère des politiques d’austérité. Partout dans le monde, les gouvernements coupent dans les budgets alloués aux mesures sociales, aux emplois du secteur publique, à l’éducation et à la santé. Afin de gérer la crise financière globale, l’État-Providence, établit suite à la Deuxième Guerre mondiale, se rétracte progressivement pour laisser place à une gestion du privé. On fait primer l’intérêt économique avant tout, même dans des domaines qui jusqu’à présent, concernait les affaires publiques. En coupant dans les mesures sociales, l’État s’attend à devoir faire face à la révolte de toujours plus d’exclus et planifie ainsi son appareil répressif. L’austérité est un moteur qui influence les changements quant à la forme que prendra la répression. Une rage bien réelle se mijote chez un nombre croissant de personnes exploitées et de parias ; chez ceux qui ont choisi de se battre pour la liberté et pour la destruction de se système-prison qui nous engloutit.

En tant qu’anarchistes, non seulement nous ne sommes pas surpris de ces développements, mais nous refusons de nous cacher derrière le voile de la justice pour clamer notre innocence. Quel rôle a l’innocence dans la guerre contre le capital de toute façon ? Pour nous, la cours n’est pas un terrain de lutte où il est possible de gagner cette guerre. Si, parfois, quelques défenses ont du succès ici et là, nous refusons d’utiliser le discours de la loi. Dans un monde basé sur l’exploitation et la misère, nos désirs pour une libération totale seront toujours criminalisés. La loi a avant tout pour fonction le maintien de ce système. Notre lutte se pose contre le capital et contre l’État dans son entièreté, contre toutes ses manifestations dans nos quotidiens ; contre les flics et toutes autres formes sociales leur servant à maintenir leur pouvoir et contrôle. Alors que notre lutte prend forme et s’intensifie, cela ne fait que trop de sens de voir la police répondre de la sorte.

Comment peut-on répondre ?

La question pour nous est de réfléchir à comment répondre à cette répression.

Combien de gens détestent ce monde quadrillé ? Combien de gens refoulent cette rage, croyant être seuls et impuissants ? Un monde qui a besoin de prisons n’est pas le nôtre. Chaque flic symbolise la domination rationnelle des corps. Parce que nous imaginons mille autres choses et que nous avons des rêves, nous refusons de baisser la tête devant l’ordre et la loi. Notre puissance se trouve dans le fait que nous ne sommes pas seuls à étouffer et à vouloir combattre la source de cet étouffement. Le contrôle de nos vies augmente avec l’expansion de l’aliénation ; des plans d’urbanisme lissés en bloc et où les recoins et les cachettes n’existent pas, nous sont imposés. Le capital nous fait la guerre pour s’approprier chaque centimètre de nos espaces, chaque muscle de nos corps et les idées dans nos têtes. Si nous refusons la colonisation par le capital, nous devons nous battre. Nous avons fait ce choix d’être en conflit, ensemble, face à ce système plutôt que d’attendre devant la télévision en croyant que le système s’effondrera de lui-même. Si les émeutiers de Londres ou de Paris ont choisi de prendre leur propre vie en mains, nous bouillonnons d’envie de faire de même.

C’est le moment de nous retrouver comme camarades de lutte et de nous organiser nous-même, en groupes affinitaires, et MAINTENANT. Il nous faut créer se que nous voulons voir exister par nous-même car personne ne le fera pour nous. Nous devons développer nos pratiques en terme de communication, de créativité et de conflit. Le saut de l’idée à l’action n’est pas si grand.

Il est aussi temps de travailler sur nos différences et construire une solidarité critique entre nous, ne pas laisser l’État nous diviser pour des conflits ridicules. Cela ne veut pas dire que nous devons effacer nos différences, ou que nous devons tous faire les chose ensembles, mais pouvons-nous au moins nous supporter ?

Nous devons faire gaffe à ne pas nous faire prendre dans une guerre d’usure contre la police. Si nous ne restons que quelques-uns, nous ne pouvons éventuellement que perdre. La stratégie répressive de l’État canadien, tout comme celle de la France, des États-Unis, de l’Angleterre et de tout les pays dominants, est basée sur la théorie de la contre-insurrection permanente. Cette dernière évoque le besoin de réprimer chaque lutte sociale avant même qu’elle n’ait la chance de se répandre et de rejoindre une certaine masse critique. Notre plus grande force n’est donc décidément pas notre passion, notre colère ou ni même notre revanche, mais la possibilité que nos idées et pratiques se répandent dans ce baril de poudre à canon qu’est notre société.

[Trouvé ici le 29 août et le 1er septembre 2011]

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[Paris] La police tombe sur un os

[Pour mémoire :
Janvier 2010 « 22 v’là la SDAT »
Janvier 2011 « Quand la brigade criminelle de Paris cherche à acheter un camarade… » ]

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Courant septembre, en région parisienne, des flics appartenant très probablement aux « services spécialisés » ont tenté d’acheter un squatteur sans-papier pour qu’il devienne un de leurs indicateurs. Mais contrairement à ces chiens de garde du pouvoir, pour nous, la liberté n’a pas de prix. Ils sont donc tombés sur un os.

Je me suis fait arrêter à l’expulsion d’un squat, on était 5 à l’intérieur. Deux d’entre nous ont été embarqués pour défaut de papiers. Pendant l’expulsion tout ce que je demande aux flics est accepté alors que mon pote qui s’est fait arrêter avec moi se fait tout refuser, y compris les toilettes.

Au commissariat, on est assis côte à côte. Mon pote va en cellule sans fouille ni prise d’identité.
Moi, une fille en civil avec des cheveux rouges vient me demander si on peut discuter un peu.
Je dis ok, et en montant je lui demande si elle va me mettre en centre de rétention, m’expulser direct ou me mettre en garde à vue.
Elle me dit que je vais être libéré. Je me trouve dans un bureau avec 3 femmes et 1 homme tous en civil. Le mec était habillé jean levi’s, chemise à carreaux.
Je sais pas si ils faisaient partie des flics du commissariat. Une des femmes prend en note tout ce qui se dit et les trois autres flics me parlent.
Ils me demandent pas mon nom, ils le connaissent. Je leur demande comment, ils me répondent que c’est pas important.

« Pourquoi tu vis en squat ?
– Parce que j’ai pas de maison.
– Comment tu connais les gens du squat ?
– J’avais froid et j’ai frappé. On m’a ouvert.
– C’est pas vrai
– C’est vrai, ça fait deux jours.
– Non, car ça fait longtemps que l’on te connaît.
On me demande pourquoi j’ai été libéré à chaque arrestation, comme je ne réponds pas, elle me dit :  » c’est grâce à nous ». J’ai été arrêté cinq fois ces derniers temps, dans trois villes différentes. Ils connaissent les dates d’arrestations. Je pense qu’ils me suivent depuis longtemps. Ils m’ont même libéré pour un vol.
-Tu n’as pas de travail, de logement de papiers ? Si on te l’offre… tu fais quoi ?
-Qui me l’offre ?
-C’est nous, c’est l’état.

Demain, tu peux gagner les papiers, un bon logement et 2000€/mois. Celle qui me dit ça m’avait demandé si j’avais besoin d’un traducteur, elle m’a caché qu’elle parlait arabe jusque là.
– Pourquoi moi ?
– Mektoub ! (C’est écrit, c’est le destin)
– Ce sera quoi mon travail ?
– C’est pas dangereux : tu vois, tu captes, t’écris.

Ils m’expliquent que mon travail sera de visiter des endroits que je connais déjà et d’autres que je ne connais pas encore. Ils précisent que ça n’est pas dangereux.

Les trois fliques me font signe de dire oui. Ils m’ont laissé le choix, mais en fait ils m’ont fait comprendre que j’étais obligé.
Je dis : « ok si vous libérez mon pote. »
– Tu as un téléphone ?
– Non, mais je peux en avoir un aujourd’hui ou demain.
– On te laisse jusqu’à demain 11h pour venir avec un téléphone. Tu donnes ton numéro, on t’en donne un.
Ce numéro personne ne doit le connaître, il est pour toi. Si tu fais ce numéro d’un autre téléphone c’est ta faute. Si tu racontes ça aussi, ce dont on a discuté doit mourir ici. Maintenant tu réfléchis jusqu’à demain 11h, tu es libéré. »
Je lui demande où est mon pote, il disent qu’il va être libéré. Je descends, à la réception ils me disent que je sors dans 10 minutes.
Ils appellent mon pote et lui disent qu’il peut sortir devant moi.
Je prends mes affaires, la flique me dit d’attendre 10 minutes. Il sort. Elle dit que je peux sortir, me suit, me donne un nom, en disant que c’est le sien, en fait c’est celui d’une chanteuse, et elle me dit « demain tu viens à la réception, tu donnes ce nom et ils t’emmèneront me voir ».
Si tu as le temps tu viens à 10h pour boire un café et discuter.
– Pas de soucis à demain.

Je ne suis pas allé au rendez-vous, jamais. C’est impossible.

On est pas venus pour acheter des papiers, on est venus pour gagner la liberté.

Avec ou sans papier, ce n’est pas la police qui nous empêchera de continuer à lutter.
Face aux arrestations, à l’enfermement, aux expulsions, nous savons montrer notre solidarité, lorsqu’ils s’en prennent à l’un d’entre nous, c’est à tous qu’ils s’en prennent.

Ni soumission, ni collaboration, flics porcs assassins !

Des révoltés avec ou sans papier

[Texte trouvé sur Indymedia Nantes]

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