[Paris] Sabotons la machine à expulser!

Sabotons la machine à expulser

La nuit de dimanche 22 septembre deux véhicules de la Croix-Rouge (un Peugeot 208 et un Peugeot Partner) sont partis en fumée, rue des Montiboeufs (Paris 20°).

La Croix-Rouge, tout le monde le sait, collabore à l’enfermement et à l’expulsion des sans-papiers.

On veut ainsi envoyer un petit signe de complicité aux évadés de Palaiseau et de Vincennes, aux mutins du Mesnil-Amelot et à tous ceux et celles qui luttent en taule.

Dehors comme dedans, attaquons la machine à expulser et tout enfermement !

Feu aux prisons et à leurs collabos !

_________________________________________

[Publié sur Indymedia Nantes le 23 septembre 2013]

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, les papiers on s'en fout on n'en veut plus du tout, solidarité | Commentaires fermés sur [Paris] Sabotons la machine à expulser!

Toujours rien à déclarer

Le 9 septembre 2013, une nouvelle convocation pour première comparution de la juge d’instruction Maïa Escrive a été émise contre Dan et Olivier [1] pour le le 9 octobre, la précédente étant restée lettre morte [voir ici], ainsi que celles de la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (B.R.D.P.). Il s’agit toujours du tract «Correspondants de nuit : des agents de proximité de la guerre aux pauvres».
Mais rien n’a changé, les deux compagnons n’ont toujours RIEN A DÉCLARER.

Bien conscients que cette tentative de « délit de presse » pourrait rapidement devenir une arme de l’Etat contre les subversifs, les attaquant cette fois-ci sur l’écrit public, nous partageons ci-dessous quelques détails techniques et invitons celleux ayant essuyé le même genre de convocations à en faire part publiquement, dans le souci de ne pas rester isolés comme le souhaiterait la justice :

D’avoir à Paris, les 5 et 6 octobre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, commis le délit de diffamation publique envers des fonctionnaires publics, en étant l’auteur d’un article intitulé « QUI SONT-ILS ? CORRESPONDANTS DE NUIT : DES AGENTS DE PROXIMITÉ DE LA GUERRE AU PAUVRE » signé « quelques anarchistes incivils du quartier » et en le diffusant sur les sites http://retourabelleville.blogspot.com et www.non-fides.fr à raison des propos suivants :

« recrutés chez les ratés des écoles de police et gendarmerie (…) » ;

« Ils sont pilotés par les élus locaux pour effectuer un travail de fichage sur les populations indésirables (sans-abris, sans-papiers, squatters, prostituées, toxicos, repris de justice et autres pauvres). » ;

« ils sont en quelque sorte les couteaux-suisses du pouvoir » ;

« Pour résumer, ce sont des balances professionnelles, qui rédigent des fiches (…) sur les individus socialement suspects, qui préparent le terrain à des interventions policières, qui participent de fait à l’occupation policière du quartier. » ;

« Ils sont des agents de proximité de la guerre aux pauvres » ;

« Sache qu’ils se désinfectent les mains après te l’avoir serrée » ;

Lesquels propos sont susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération de M. AMANI, M. ARCHIMEDE, M. GASPAR et Mme HALFINGER, agents de la ville de Paris ;

Faits prévus et réprimés par les articles 23, 29 alinéa 1, 42, 43 et 44 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Vu la plainte avec constitution de partie civile déposée le 20 décembre 2010 par M. AMANI, M. ARCHIMEDE, M. GASPAR et Mme HALFINGER,

en vertu d’un réquisitoire de M. le Procureur de la République en date du 29 Mars 2011 […]

___________________________________________________________

Notes

[1] L’un d’eux est accusé d’être l’auteur et d’avoir diffusé le tract sur Retour à Belleville et Non Fides, l’autre de l’avoir diffusé sur Non Fides.

[Diffusé sur la Base de données anarchistes le 17 septembre 2013]

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité | Commentaires fermés sur Toujours rien à déclarer

Barouf – n°2, septembre 2013

Le numéro 2 du journal barouf est sorti.

Au sommaire :
– « Votre quartier se transforme »
– On pisse sur les GPIS
– À Couronnes y a pas de ZSP mais y a la BST
– Mutineries en série, révoltes rebelote, évasions à foison !

https://barouf.noblogs.org

Cliquer sur la première page pour télécharger Barouf – n°2

Cliquer sur la première page pour télécharger Barouf – n°2

 

Publié dans contrôle social, contrôle policier, dans le texte, guerre sociale, illusions démocratiques, solidarité | Commentaires fermés sur Barouf – n°2, septembre 2013

La répression et son petit monde. Quelques réflexions pour ne pas faire d’un thème particulier un point isolé

Aujourd’hui, le constat que nous vivons sous le règne de la séparation est plutôt partagé, et n’a rien de bien original. Les analyses qui pointent ce mécanisme ne manquent pas, même si les partisans de l’économicisme tendent encore à le réduire à sa plus simple expression. Surtout, chacun, chacune éprouve profondément et au quotidien à quel point l’organisation sociale qui repose sur tant de séparations contribue à nous rendre étrangers les uns aux autres ainsi qu’à nous-mêmes, combien elle nous mutile de/avec notre environnement, combien la division du temps, de l’espace, des activités participe de la dépossession individuelle et généralisée. Il est donc logique que des discussions portent sur comment battre en brèche cet état de choses, en réfléchissant aux éventuels liens à créer entre celles et ceux qui vivent cette nécessité, mais aussi aux manières d’aborder et de relier sans les hiérarchiser les divers aspects de la domination. Car en fin de compte, le but n’est-il pas d’en finir avec les misères qu’elle engendre ?

Pourtant, tout n’est pas si simple, et il n’est pas rare que des luttes qui se veulent radicales reproduisent assez vite certaines formes de morcellement. C’est par exemple le cas lorsque des catégories inhérentes au système que nous souhaitons voir disparaître sont reprises telles quelles, notamment comme point de départ d’un possible commun. Comme si faire des travailleurs, des précaires, des prisonniers, des sans-papiers ou autres «sans» d’hypothétiques sujets de lutte ou de transformation sociale ne correspondait pas justement à ce qu’on aimerait faire de nous : une juxtaposition d’identités parcellaires enfermées dans différentes cases, bien que poreuses et perméables. Même si ces définitions sont liées à des situations sociales bien réelles, elles n’en réduisent pas moins des individus aux seules positions que la société leur assigne, et ne disent en tout cas rien de qu’ils sont, font, veulent ou ne veulent pas.

Alors, plutôt que de reproduire à l’infini ces catégories, parfois érigées en identités, ne serait-il pas possible de s’associer sur la base d’un commun qui dépasserait la condition particulière faite à chacun ? Un commun qui ne serait certainement pas un Tout, mais pourrait s’incarner en négatif comme en positif dans des refus, des désirs, des idées partagées et portées par chacun. Approfondir ces aspects contribuerait sans doute à sortir de la dichotomie intériorité/extériorité inhérente à tout sujet/identité, mais aussi à avancer vers des projets en tension avec nos aspirations réelles, comme par exemple cette volonté farouche d’en finir avec toutes les cases et cages auxquelles nous nous heurtons (frontières, enfermement, salariat …).

Un autre frein à la remise en cause de toutes les séparations qui nous sont imposées réside certainement aussi dans le fait de concevoir nos luttes comme étant nécessairement partielles. Or, plus un terrain de lutte sera d’emblée défini étroitement, et plus lui seront imposées des limites difficiles à dépasser, tant au niveau des échos qu’il pourrait rencontrer, que de la remise en question de l’ensemble de ce système social. Les sauts qualitatifs – qui ne sont pas nécessairement quantitatifs – sont certes toujours possibles, mais il reste alors indispensable que celles et ceux qui les souhaitent oeuvrent réellement à ce que la lutte ne tourne pas sur elle-même, ou ne se focalise pas sur les seuls objectifs considérés à tort ou à raison comme plus facilement et rapidement atteignables. Dans une perspective émancipatrice, pourquoi en effet détacher arbitrairement les « besoins » (plus ou moins immédiats selon les critères) des envies et des désirs qui les accompagnent ? Pourquoi devrait-on maintenir une quelconque ambigüité sur ce que nous pensons du fonctionnement de ce système, et l’antagonisme que nous souhaitons lui opposer ? Au nom de quoi se mettrait-on à défendre ou à revendiquer des miettes, au lieu de porter un possible commun, comme par exemple le dégoût de l’exploitation et de l’esclavage salarié et le goût du sabotage de ce monde ; la critique de l’urbanisme concentrationnaire et les débrouilles offensives qui en découlent ? Pourquoi isoler certaines parties d’un tout qu’il ne s’agit ni de réformer ni d’humaniser, mais bien de détruire ?

Bien sûr, libre à chacun d’attaquer le monstre des rapports aliénés par les angles qui lui paraissent les plus propices ou lui tiennent le plus à coeur. Cependant, c’est de la manière de porter ces attaques – évidemment liée aux pourquoi – que dépendra aussi leur dimension subversive. C’est à partir de là que se posent toute une série de questions (aux conséquences éminement pratiques) quant aux objectifs que nous nous proposons d’atteindre, aux moyens que nous pensons adéquats, ce à quoi nous aspirons et ce que nous espérons développer à plus ou moins long terme, à nos perspectives générales en somme. Il s’agit là de questions essentielles qui font partie de la lutte pour nous réapproprier nos vies, et pas de simples jeux d’esprit. En outre, les réponses que chacun, chacune y apporte au quotidien comme dans n’importe quelle lutte particulière, pourraient bien constituer une base pour dépasser les fausses séparations.

Bien sûr, le but n’est pas de tenter d’unifier ce qui, pour de vraies raisons de fond, comme des visions ou des perspectives antinomiques, s’avèrerait inconciliable. Cela ne pourrait d’ailleurs s’opérer qu’au prix de concessions d’ordre politiques ou de renoncements essentiels. L’idée serait plutôt de chercher et de nouer des complicités à l’intérieur de parcours de lutte contre l’autorité et ce qu’elle veut nous imposer.

Dans le vif du sujet : « répression et anti-répression »

Liée à la survie ou aux désirs inassouvis de vivre libres, la répression s’impose sous bien des formes. Vue l’étendue des répressions qu’exerce ce système à travers tous ses rouages et des pressions quotidiennes que produisent l’ensemble des rapports sociaux – dont nous sommes partie prenante et que nous reproduisons aussi – il y a de quoi faire… En ce sens, lutter contre la répression et ce qui la sous-tend ne consiste ni plus ni moins qu’à se battre contre l’ensemble des rapports de domination et pour la liberté. Mais ce n’est généralement pas ce que l’on entend par là.

Si la répression fait certes partie du quotidien, c’est aussi une question qui se pose immédiatement dans toute lutte, particulièrement lorsqu’elle ne fait pas mystère de sa volonté de bouleversement social. Tenter d’oeuvrer directement à la destruction de ce système nous expose à ses foudres, comme quelques affaires nous l’ont rappelé ces dernières années en France. Ce qui est le lot habituel dans d’autres pays, c’est-à-dire une répression spécifique contre des idées et des actes menaçant et visant à renverser l’ordre établi, est donc à nouveau à l’ordre du jour.

Dans les deux cas pourtant, qu’il s’agisse du quotidien de la domestication ou des luttes particulières, c’est de la manière dont on analyse la répression en général que découle comment on décide de l’affronter publiquement. Avec les conséquences très pratiques que cela ne manque pas d’avoir.

Se focaliser uniquement sur tel ou tel outil répressif (l’ADN, le flash-ball, l’énième loi «sécuritaire» … ) alors que l’arsenal déjà fourni ne cesse de s’agrandir, revient souvent à se placer sur le terrain défini par l’Etat. C’est ainsi le cas lorsque l’étude technique de certaines « innovations » ou perfectionnements supplante l’analyse des contextes dans lesquels ils s’insèrent et plus encore quand la contestation se borne à réclamer leur abolition, ouvrant grand la voie au réformisme. Cela peut aussi passer par le fait de reprendre des catégories créées par d’autres, si ce n’est pour les revendiquer, tout au moins en s’y attachant exagérément. On pourrait citer pêle-mêle les «délinquants de banlieue», les «terroristes», les «militants» ou les « membres » de telle ou telle « mouvance ». Personne n’a le monopole de certaines pratiques offensives, à moins de nier la dimension sociale des illégalismes. Plus généralement, attaquer la répression par le plus petit bout de la lorgnette ne permet guère d’élargir le champ d’intervention vers une remise en cause de la Loi en soi. De même, considérer comme inacceptable telle ou telle répression particulière amène presque inévitablement à tenter d’en démontrer le caractère infondé ou injuste – en mettant notamment en avant l’innocence ou quelque prétendue déviation du droit.

Les cris d’orfraie qui reviennent régulièrement à propos d’une soi-disant « criminalisation du mouvement social » en sont un exemple banal. La « légitimité » des accusés ou de certains actes devrait manifestement découler de leur caractère « militant » ou du contexte de lutte – avec la carotte qu’un grand nombre de participants constituerait en plus une circonstance atténuante. Cela signifie-t-il que des individus ou des pratiques qui ne rempliraient pas ces conditions seraient légitimement condamnables ? A force d’insister sur l’aspect collectif d’un mouvement ou celui partagé d’une pratique à des moments donnés, ne finit-on pas par découper la conflictualité en petites tranches plus digérables par la répression, et surtout par ignorer une grande partie de l’antagonisme, celle pratiquée quotidiennement de manière diffuse, qui a ses raisons propres et utilise tous types de moyens liés à l’imagination et la détermination ?

Un autre exemple de cet enfermement sur le terrain de l’Etat est la polarisation sur certains types de procédures (comme l’anti-terrorisme) vues comme des exceptions, ce qui revient à reconnaître, ne serait-ce qu’en creux, la loi, la justice et l’ordre «normal» qui les sous-tend. Il n’est pas étonnant dans cette logique que les médiations institutionnelles classiques (partis, syndicats, médias…) soient utilisées pour s’adresser à l’Etat, puisque celui-ci, mis face à ses responsabilités, serait supposé rectifier ses abus ou les erreurs de ses serviteurs. Tout se passe donc comme si, au nom de l’urgence et d’une certaine « gravité de la situation », on pouvait soudain évacuer la question du fonctionnement de ce système, mettre en avant les libertés formelles qu’il est censé garantir, jouer sur l’indignation voire la récupération citoyenne, quitte à réhabiliter de fait l’idée de démocratie, de délégation et de représentation.

Ce type de réflexes antirépressifs, même quand leurs intentions ne sont pas strictement politiciennes, n’en neutralisent pas moins toute portée subversive. Ils se produisent aussi et surtout, au-delà de chaque cas particulier, quand la répression est vécue comme un moment séparé, une sorte de parenthèse où toutes les contradictions seraient abolies. Et c’est ainsi que l’action directe peut allègrement cohabiter avec des stratégies opposées, finissant toujours par être instrumentalisée à leur profit, et qu’on pourrait utiliser en soutien n’importe quels larbins de la domination et les pompiers de service (élus, prêtres, partis ou syndicats, peu importe). Cette logique démocrate du tout compatible tant qu’on reste raisonnables, contribue précisément à intégrer la contestation, à éliminer le dissensus et participe à ce que l’Etat puisse atteindre ses objectifs de contention. Un tel renversement est particulièrement troublant et criant quand l’une des prétentions de départ était la remise en cause de l’ordre existant.

Répression, Etat et rapports sociaux

Une autre manière d’affronter la question pourrait à l’inverse consister à ne pas faire de la répression une exception à l’ordre de ce monde, y compris quand elle frappe de manière spécifique celles et ceux qui sont déterminés à saper ses bases.

Même en ne s’intéressant qu’aux seuls appareils policier, judiciaire et carcéral, il est difficile de ne pas se rendre compte de tous les moyens dont ils disposent et font usage pour maintenir et préserver l’ordre social. Que ce soit pour défendre la sacro-sainte propriété, le monopole de la violence, les valeurs et les normes dominantes érigées en lois, l’Etat s’est donné depuis belle lurette les moyens de contrôler, de menacer et de punir ; et il ne s’en prive pas. On ne peut donc attaquer fondamentalement ces piliers de la société sans mener une critique directe de l’Etat en soi, dont la seule existence signifie la répression des désirs et volontés individuelles au nom de quelque intérêt supérieur ou d’un supposé « bien commun ». Un aspect trop souvent absent lorsque le combat s’arrête plus ou moins volontairement sur les expressions visibles de la police (qui ne se réduit pas aux seuls uniformes), de la justice (qui couvre un champ plus large encore que tous les codes pénaux) et de la prison (si présente au delà des murs).

De même, on ne peut séparer une fois de plus ce qui va intrinsèquement de pair, c’est-à-dire l’aspect nécessairement coercitif de l’Etat de son côté prétendument « social », comme si cet aspect ne faisait pas partie intégrante de l’ensemble de sa gestion, comme s’il ne modelait et n’envahissait pas les écoles, les lieux de travail, les organismes sociaux et tous les endroits où nous habitons.

L’écrasement que nous subissons et contre lequel il s’agit de lutter est aussi un rapport social. A trop insister parfois sur la coercicion et tous ses instruments, on en vient facilement à exagérer ses effets –déjà énormes– par rapport aux possibilités de les affronter, mais on risque surtout de passer à la trappe d’autres mécanismes sociaux qui travaillent largement à la pacification (notamment dans les systèmes démocratiques) et qui reposent aussi sur diverses formes de consentement, d’adhésion et de participation.

En réalité, la question n’est pas de refuser a priori toute lutte qui prendrait telle ou telle structure ou processus répressif comme point de départ dans l’attaque de ce monde, mais de faire en sorte que l’ensemble des dimensions posées ici soient présentes. Pour ne pas détacher la répression de la critique de l’Etat dans son ensemble, et ne pas réduire non plus cette dernière à des dispositifs séparés des rapports sociaux, on pourrait par exemple aborder la question de la prison sociale, qui ouvre de vastes débouchés théorico-pratiques et des possibilités d’approfondissement.

Remettre en cause toutes les prisons implique en effet de se pencher sur les mécanismes de contrôle et d’enfermement qui traversent l’ensemble de la société. En ne se concentrant plus uniquement sur un aspect particulier de la gestion carcérale ou sur la mise en place de nouveaux dispositifs répressifs ou de surveillance, on peut dans un même mouvement se saisir des codes moraux et sociaux qui constituent autant de strates participant à la domination et peuvent aussi s’incarner très concrètement… Pour n’en citer que quelques unes, il y a le rapport à la loi (quelle qu’elle soit) et au conflit, la collaboration citoyenne, le contrôle social diffus sur les différents aspects de la vie de chacun, chacune. S’attaquer à ce qui nous enferme au quotidien comporte alors un défi de taille : porter des contenus et des pratiques résolument anti-autoritaires au coeur des rencontres que nous espérons faire dans une lutte contre les différents murs de cette prison sociale.

De même, une lutte spécifique contre telle ou telle structure carcérale peut avoir pour but de l’attaquer directement pour la détruire, mais avec en ligne de mire le « monde qui la produit ». Ce n’est en effet pas un vain mot ou un simple slogan, lorsque les objectifs que se donne une telle lutte sont aussi la diffusion d’idées émancipatrices, la propagation de manières de s’auto-organiser qui permettent à chacun, chacune de prendre l’initiative en dehors des médiations institutionnelles et de toute hiérarchie, ainsi que l’extension des hostilités individuelles et collectives dans une perspective révolutionnaire.

Autant de choses à creuser dans ce genre de luttes comme dans n’importe quel combat que nous souhaitons impulser ou auquel nous décidons de participer.

Anti-répression et solidarité

Une critique classique adressée à celles et ceux qui feraient de « l’anti- répression », et au réflexe anti-répressif en général, est la tendance à délaisser provisoirement le reste de ses activités pour se restreindre à une stricte autodéfense. Trop souvent en effet, quand la répression vient frapper à la porte, elle paralyse non seulement des énergies par ses effets directs et son épée de Damoclès, mais elle parvient aussi à monopoliser le terrain et le calendrier. Il arrive ainsi qu’à force de concentrer l’essentiel du temps et des efforts sur ce qui arrive aux compagnons ou camarades, on en vienne à perdre de vue ce contre quoi ils se battent et à négliger, voire abandonner, le pourquoi nous nous battons. Triste paradoxe, auquel s’opposerait comme un effet miroir, la proposition malheureusement souvent conçue de manière bien trop abstraite et détachée, de poursuivre génériquement les luttes. Comme si de rien n’était ?

Il ne s’agit pas de faire ici une proposition de lutte anti-répressive, encore moins si celle-ci devait se substituer à l’offensive contre l’ensemble de ce système. Nous savons que le terrain de l’opposition à la répression est miné, mais à peu de choses près, ni plus ni moins que tout ce que ce monde nous réserve, car nous n’en n’avons pas choisi les contours. Comme dans tout combat qui se présente, c’est donc à nous de décider de ce que nous voulons en faire ; de choisir d’en déplacer les termes, s’ils sont par trop enfermants ; de tenter de le porter là où le bât blesse, où existent des possibilités d’échos, voire de rencontres complices dans l’antagonisme. Dès lors, au nom de quoi refuserait-on de prendre à bras le corps cet aspect de l’affrontement ? Si nous les envisageons dans le vaste contexte de la guerre sociale à laquelle nous prenons part, il ne devrait pas être si difficile ni artificiel de répondre à ce genre de coups en les reliant aux autres oppressions et surtout aux autres révoltes.

La solidarité ne se base pas sur le fait répressif en tant que tel, mais sur ce en quoi nous nous reconnaissons, dans ce qui peut motiver des individus, des luttes, des actes… Bien plus que du soutien à des personnes en butte à la répression, la solidarité est surtout une manière de continuer à porter en avant un antagonisme avec ses pourquoi. Quand l’Etat essaie de faire rentrer les récalcitrants dans le rang, une erreur serait de les pousser dans de nouvelles cases, en contribuant ainsi à les isoler du reste de la conflictualité sociale (nul besoin d’être «militant» ou proche d’une «victime de bavures policières» pour se reconnaître dans l’hostilité contre les keufs et contre le système qu’ils contribuent à maintenir en place, par exemple). La rage et la révolte contre l’existant se manifestent en permanence, de bien des manières et en bien des endroits. Et si elles nous animent aussi, exprimons-les alors en mots et en actes, dans un échange avec ce qui nous parle et nous tient à coeur, comme le refus de l’autorité et nos désirs de liberté. Car n’est-ce pas ce que nous souhaitons voir s’étendre ?

De la même façon que le mécanisme répressif ne peut être résumé à de simples procédures ou à de sales journées passées sur les bancs d’un tribunal, l’autodéfense – surtout quand on veut changer le monde – ne peut se réduire à la seule expertise, y compris partagée, en matière juridique. Si nous pouvons nous saisir de ces occasions-là (interventions policières, incarcérations, procès) comme de tant d’autres pour faire de l’agitation, ce n’est pas avec de savants calculs sur les effets que cela aurait sur une issue judiciaire. L’Etat a ses raisons qui ne sont pas les nôtres, et de toute façon l’idée n’est pas de s’adresser au pouvoir, mais de tenter une fois de plus d’établir un dialogue au sein de la conflictualité. En ce sens, la notion de rapport de force ne se limite pas au temps d’une affaire, d’un procès ou de n’importe quelle «campagne». De même, la réussite ou l’échec ne se mesureront pas à l’aune de la quantité de gens qui s’y seront directement intéressés ou de la lourdeur des condamnations, mais notamment à la manière dont nous aurons contribué à renforcer et à étendre un antagonisme à la fois général et individuel. Cela est certes bien difficile à évaluer, excepté les quelques échos proches ou plus « lointains » qui peuvent nous parvenir et ne sont pas négligeables. C’est d’ailleurs souvent en vain que l’on chercherait à quantifier les effets de telle ou telle intervention, tant ils peuvent traverser l’espace et le temps et nous dépasser, comme le champ de nos connaissances immédiates. A nous donc de définir nos propres critères et d’expérimenter différents mélanges solidaires toujours plus explosifs. Dans cette optique, tenter de s’opposer de la manière la plus offensive et subversive possible à tout ce qui nous enferme et nous détruit au jour le jour –dont police, justice, prison ne constituent effectivement qu’un pan– ne relève pas tant d’une autodéfense militante, pour ceux qui tiennent à ce terme (avec ce que nous sommes, nos idées, nos aspirations et les pratiques qui en découlent), que d’une certaine conception de la lutte.

La solidarité reste une de nos armes à affûter contre un système qui fonctionne aussi sur l’intimidation et sur l’atomisation. Avec un peu d’imagination et de créativité, associées à une analyse du contexte social dans lequel on se trouve, on pourrait même aider à briser quelque peu ces deux aspects fondamentaux de la domination. Face à tous les obstacles qui jalonnent le chemin, une certaine cohérence et continuité ne contribuent pas seulement à éviter le morcellement de nos activités et de nos individualités, mais pourraient aussi devenir un point d’appui pour partager et approfondir avec d’autres une tension commune vers la liberté.

___________________________________________

[Paru dans Subversions n°1, revue anarchiste de critique sociale, septembre 2012]

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité | Commentaires fermés sur La répression et son petit monde. Quelques réflexions pour ne pas faire d’un thème particulier un point isolé

Lucioles n°11 – septembre 2013

Les lucioles on les voit parce qu’elles volent la nuit. Les insoumis font de la lumière aux yeux de la normalité parce que la société est grise comme la pacification. Le problème, ce ne sont pas les lucioles, mais bien la nuit.

_____________________________________

Lucioles est un bulletin apériodique, on pourra y lire des textes d’analyse et d’agitation autour de Paris (et sa région) et de son quotidien dans une perspective anarchiste. Nous y parlerons des différentes manifestations d’insoumission et d’attaques dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître et déceler des potentialités de rupture vis-à-vis de l’Etat, du capitalisme et de la domination sous toutes ses formes en essayant de les relier entre elles et au quotidien de chacun. Nous n’avons pas la volonté de représenter qui que ce soit, ni de défendre un quelconque bout de territoire en particulier qui n’est qu’un modèle réduit de ce monde de merde.

http://luciolesdanslanuit.blogspot.fr

Cliquer sur la première page pour télécharger Lucioles n°11.

Cliquer sur la première page pour télécharger Lucioles n°11.

Publié dans general, guerre sociale | Commentaires fermés sur Lucioles n°11 – septembre 2013

De chantier en chantier… Bruxelles : laboratoire du pouvoir

La ville est toujours en transformation. Cette transformation peut parfois paraître lente, mais si l’on regarde tous les différents terrains où elle opère, il est vite clair qu’ils travaillent dur afin de fournir à Bruxelles un nouveau visage. Au vu de tant d’activités, il nous semble tout à coup que cette soi-disant crise dont ils ne cessent de nous rabâcher les oreilles est bien lointaine. Au risque d’en attraper le vertige, voici un aperçu de ce que les différentes autorités bruxelloises ont à nous offrir : ils placent de nouvelles caméras (certaines ‘intelligentes’), ils construisent de nouveaux commissariats de police, ils activent des uniformes quasi partout, de brillantes tours de bureaux et d’appartements poussent du sol comme des champignons, ils préparent à Haren le terrain du plus grand complexe carcéral belge, ils planifient des centres commerciaux ainsi que de nouveaux terrains industriels dans tous les recoins de Bruxelles, le quartier Européen s’agrandit et ils mettent en place un vaste réseau de transport (RER) qui doit relier Bruxelles de manière rapide et contrôlée aux villages et villes alentour.

Il est important de voir qu’il ne s’agit pas ici d’interventions isolées mais qu’elles sont liées entre elles ; et toutes ensemble, elles témoignent d’une certaine vision. Par exemple, ils catapultent des lofts dans certains quartiers qui ne vont, logiquement, attirer que des gens aisés, dans l’espoir que leur éthique de travail et leur citoyenneté exerceront une influence “positive” sur leur environnement. En plus, ils savent très bien que ces placements vont faire augmenter les prix dans le quartier et que cela bannira d’office une partie des habitants. En même temps, ils mettent en place dans ces mêmes quartiers un réseau de télésurveillance visant à augmenter le contrôle général.

Prenons encore l’exemple du réseau RER. Ils construisent un réseau de transport rapide et efficace pour que des gens en dehors de la ville puissent servir quotidiennement de bétail à l’économie de la métropole. Parallèlement ils augmentent la menace de la prison pour celles et ceux qui ne trottinent pas dans la direction souhaitée. Pensez à la surenchère de lois, au développement toujours plus profond de la machine pénitentiaire, aux nouvelles taules, à la multiplication des bracelets etc. Ce ne sont que quelques exemples de leurs projets qui servent clairement à miser sur deux chevaux. D’un coté, ils veulent sans cesse nous sommer de nous intégrer dans ce système, de nous approprier sa logique du travail, de l’argent et de l’autorité et ainsi devenir des citoyens et des consommateurs ‘à part entière’. De l’autre, pour ceux et celles qui ne peuvent pas s’intégrer ou qui rejettent cette logique, un arsenal toujours plus large et manifeste de moyens répressifs leur est réservé. Celui-ci implique tout autant des soi-disant ‘revalorisations’ de certains quartiers qui nous chassent lentement mais sûrement vers les périphéries, que la présence permanente de caméras, de patrouilles de police et de toutes sortes de contrôleurs, jusqu’à la construction d’encore plus de prisons.

La ville est toujours en transformation. Mais pour le pouvoir, elle sera toujours un laboratoire où il tente de développer un ordre basé sur l’exploitation et le contrôle. Un ordre qui trouve son équilibre dans les rapports économiques et autoritaires entre ses ressortissants. Un ordre qui veut rendre impossible et inimaginable des idées de liberté et toute expérience d’autres rapports entre les gens, et essaie d’imposer l’obéissance de chacun.e en établissant sa fausse nécessité dans nos têtes. Si nous faisons le choix de la révolte, parce que nous n’acceptons pas cet emprisonnement, il n’existe pourtant ni recettes ni calculs. Mais si nous voulons essayer de prendre le goût de vivre et rêver de choses totalement différentes, nous devons bouleverser cette routine oppressante.

Attaquons ce qui rend impossible de vivre en liberté

Sabotons leurs projets

Déconstruisons la ville

__________________________________

[Paru dans Hors service n°40, 12 septembre 2013]

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale | Commentaires fermés sur De chantier en chantier… Bruxelles : laboratoire du pouvoir

Hors service n°40

Cliquer sur la première page pour télécharger Hors service n°40

Cliquer sur la première page pour télécharger Hors service n°40

___________________________

Les textes du n°40 sont lisibles un à un ici.

Publié dans general, guerre sociale | Commentaires fermés sur Hors service n°40

Le 19 septembre, Christine en procès à Arras (62) pour ne pas avoir baisser la tête sous les coups des matons

Alors que les prisons ne cessent de se remplir et les taulards de s’entasser dans les cellules (près de 69000 enfermé(e)s pour 57000 places au 1er juillet 2013), les conditions de détention sont toujours plus dures et les raisons de se révolter toujours plus prégnantes. Si les résistances individuelles ne sont pas rares, ces dernier mois des mutineries ont aussi éclaté dans différentes taules (Bourg-en-Bresse, Blois, Châteaudun). Face à cela, la réponse des matons et de l’Administration Pénitentiaire reste toujours la même : répression, humiliations, violences, isolement, transferts,…

Jeudi 19 septembre à 13h30
, Christine sera jugée par le tribunal d’Arras pour violences et menaces sur des matons de Bapaume. Incarcérée depuis novembre 2012, elle était au CD de Bapaume d’avril à juillet 2013. Le 4 juillet, le tribunal d’Arras avait renvoyé l’audience au 19 septembre, demandant des éléments supplémentaires. Depuis lors (plus de 2 mois), Christine alterne Quartier d’Isolement et Quartier Disciplinaire. Fin juillet, elle est transférée à la Maison d’Arrêt de Lille-Sequedin, où la matonnerie conserve le même cap : maintenir Christine à l’écart des autres détenues.
Les enfermeurs auraient ils peur d’une contagion de la révolte ?

Fin mai, à Bapaume, Christine est envoyée au mitard après avoir refusé de signer les modalités d’un contrat de formation. Rapidement la situation se corse avec les matons. Face aux provocations, violences et humiliations, elle ne se laisse pas faire, la tension monte et peine à redescendre.
A chaque ouverture de portes, ils attendent Christine équipés de casques et de boucliers.

Le 27 mai, elle passe au prétoire et prend 30 jours de mitard.
Durant ces trente jours, on lui refuse tout appel à son avocat et elle ne verra un médecin que tardivement. Face à cela ainsi qu’aux pressions et provocations quotidiennes des matons, Christine proteste par tous les moyens : œilleton bouché, feux de poubelles, etc… Aux retours des promenades elle fait le forcing pour accéder à la cabine téléphonique puis se débat pour ne être réintégrée en cellule. Dans les derniers jours de mitard, un des matons (Mikael Bocquet) la prend au cou par une clé de bras, la circulation du sang coupée elle perd connaissance et se réveille allongée dans sa cellule. Quelques jours plus tôt ce même Bocquet et deux de ses collègues portaient plainte contre Christine pour violence et menace !!!

Parce qu’en taule, ne pas se laisser piétiner et tabasser signifie outrager, violenter et menacer la matonnerie, Christine passera en procès le 19 septembre pour essuyer quatre chefs d’inculpations :

  • > refus de donner ses empreintes (digitales et photo)
  • > violence pour s’être débattue sous les coups.
  • > menace pour avoir crié à un mastodonte qu’elle lui péterai sa gueule
  • > dégradations pour avoir foutu le feu dans ses cellules et avoir gravé dans les murs de la cour :

    « MURS PAR MURS, PIERRE PAR PIERRE,
    NOUS DÉTRUIRONS TOUTES LES PRISONS ! »

Soyons nombreux jeudi 19 septembre dès 12h30 devant le tribunal d’Arras (place des États Artois), pour soutenir Christine et ne pas la laisser seule face à la justice et sa matonnerie.

___________________________________

[Publié sur Indymedia Lille, le 10 septembre 2013]

Pour mémoire :
[Des nouvelles de Christine] Transfert à Lille-Sequedin pour « menaces de prise d’otage » et grève de la faim
Renvoi du procès de Christine à Arras et retour au mitard
Le 4 juillet, Christine en procès à Arras
Christine au mitard – Procès en juillet à Arras

 

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité | Commentaires fermés sur Le 19 septembre, Christine en procès à Arras (62) pour ne pas avoir baisser la tête sous les coups des matons

[Bruxelles] On se laissera pas mourir à petit feu. Solidarité et révolte

mehdi

Mehdi Bargach se trouve actuellement entravé avec les menottes aux pieds et aux mains dans un cachot dans le bloc d’isolement à Lantin. Cela fait aujourd’hui depuis deux mois qu’il est enfermé là, et le larbin de Meurisse (Directeur Général des prisons) Michel Georges, vient de décider qu’il purgera toute la fin de sa peine en isolement dans cette situation. Il n’est pas le seul à croupir dans un trou loin des yeux de chacun, nous n’oublions pas les autres combattants qui purgent en isolement. Tous les recours légaux avec avocat, juge etc, n’ont abouti à rien. Le système légal est fait pour enfoncer des gens encore plus loin dans la merde, et pas pour les sortir de là.

Mehdi a passé de nombreuses années en détention. Cela fait 15 ans qu’il n’accepte pas l’enfermement, il n’accepte pas les lois du monde carcéral, le pouvoir et les mesquineries des matons, et est déterminé à se révolter. Cela fait 15 ans qu’il subit des mauvais traitements, qu’il est frappé, drogué. Il a fait le tour de toutes les prisons du pays, il a subi transfert après transfert pour briser sa révolte et lui faire payer sa résistance.

Afin de transformer nos frères en zombies, la prison distribue en vrac du diazepan, des piqûres de Haldol et d’autres substances crasses pour briser la révolte et la volonté. Dès qu’un détenu ne se laisse pas faire, on le pique avec les tranquillisants. Nous n’avons pas oublié les morts à cause de l’Haldol. Les médecins ne sont
que des bourreaux en uniforme blanc.

Peu importe qu’on connaisse Mehdi, on peut se reconnaître dans sa révolte et sa détermination à ne pas se laisser faire, car nous aussi, on veut en finir avec ce système qui n’est fait que pour protéger les intérêts des riches et qui fait des gens des moutons avides de leurs petits privilèges.

Pour qu’il ne meurt pas dans l’indifférence dans une cellule, avec les mains et les pieds entravés, il faudra se battre. Trop de nos frères sont usés, rendus accros à la drogue légale ou illégale, cassés par de grosses peines, il est temps aujourd’hui de retrouver cette solidarité qui a fait notre force. Cette solidarité où l’on sait se reconnaître dans ce combat contre l’enfermement et contre le pouvoir. Nous ne nous laisserons pas acheter par des petits privilèges, nous ne leur laisserons pas acheter la paix.

Soutenons Mehdi et tous les autres révoltés dans leur combat, faisons porter haut et fort nos voix et nos combats.

Non à l’isolement
Non au QHS
Pour la liberté

[Tract distribué fin août 2013 dans des quartiers bruxellois]

____________________________________________________________

Publié sur La Cavale et Indymedia Bruxelles le 5 septembre 2013

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité | Commentaires fermés sur [Bruxelles] On se laissera pas mourir à petit feu. Solidarité et révolte

[Des nouvelles de Christine] Transfert à Lille-Sequedin pour « menaces de prise d’otage » et grève de la faim

Christine était précédemment incarcérée au Centre de Détention de Bapaume. Depuis le 5 juillet elle était au mitard pour avoir voulu manger sa gamelle en promenade avec une amie codétenue (voir ici à ce propos).
Fin juillet, une autre détenue est placée au mitard dans la cellule à côté de Christine. Celle-ci est violentée par les matons et peine à avoir un entretien avec un médecin. Christine décide alors de refuser de remonter de promenade en solidarité avec sa voisine de cellule. Aucun résultat. Les matons ne répondent alors plus à ses appels incessants à l’interphone. Pour les faire se bouger, elle leur dit alors « il va y avoir de la prise d’otage dans l’air ». Rapidement matons et toubib viennent voir sa voisine, mais le toubib refuse d’entrer dans la cellule, puis s’apprête à repartir sans aucune consultation. Christine l’interpelle en lui disant de ne pas partir car elle avait dit qu’elle ferait une prise d’otage. Ni une ni deux, elle est renvoyée en cellule par une dizaine de matons. Quelques heures plus tard, on vient la chercher pour la transférer à Lille-Sequedin.
Arrivée là-bas, une note interne interdit au personnel soignant de rencontrer Christine sans la présence des matons. Ces derniers s’y plient. Christine se lance alors de nouveau dans un bras de fer, cette fois-ci pour elle-même avoir droit à une consultation médicale. Refus de remonter de promenade, incendies de poubelles, rien n’y fait et le niveau de violence que les matons donnent en réponse ne cesse de grimper. Christine décide alors de faire une grève de la faim et de la parole. Ils l’ignorent ou tentent de l’en dissuader, mais Christine tient bon. L’OIP de Lille est réactif et somme l’Administration Pénitentiaire et le service médical (UCSA) de s’expliquer sur la situation.
Le lendemain, au bout de huit jours de grève de la faim, Christine obtient satisfaction vis à vis de ses revendications (consultations permettant le secret médical, coup de fil à son avocate et entretien avec la direction).
Le 16 août, les 45 jours de mitard écoulés (15+30 avec une pause de quelques jours. Maximum 30 jours de mitard consécutifs depuis une réforme de 2009) elle sort mais est placée directement en Quartier d’Isolement (QI).
Cela ne durera qu’une semaine. Le 22 août, elle est de nouveau placée au mitard. Cette fois-ci pour avoir fait valser un vélo après s’être vu refuser de passer l’heure de sport avec sa voisine de QI.
Elle passera lundi 26 août en commission de discipline pour ces faits mais également pour « violences aggravées » contre des matons (au moment de son bras de fer pour voir le toubib). Ils se seraient blessés en cognant Christine… Ils ont également porté plainte.

Le jeudi 19 septembre à 13h30, aura lieu le report de son procès au TGI d’Arras (place des États Artois).

Soyons nombreux ce jour là !

Pour lui écrire :
Christine RIBAILLY, écrou 24192, MAF – QD, BP179, 59482 SEQUEDIN cedex


Ci-dessous, des extraits de lettres de Christine relatant les derniers événements.


SEQUEDIN,
dimanche 28 juillet

Bon ben, j’ai encore changé d’adresse. […] Me voilà à Lille, de là Redoine Faïd est arrivé à mettre les voiles. Comme je n’ai pas son réseau, je pense pas pouvoir sortir du Quartier Disciplinaire [QD/mitard] avant le 20 août et d’ici avant le 20 septembre, après le procès d’Arras.

Pour résumer l’histoire, […]mercredi ils ont amené K. une fille que je connais à peine, avec l’équipement anti-émeute que je me croyais réservé. Elle était super énervée, même quand ils sont partis. Elle gueulait toute seule à coup de «  j’m’en fous », «  bande de salopes », « j’vais aller à l’hosto » et tapait sa fenêtre comme une sourde. Elle ne me répondait pas et les a envoyés chier quand ils ont ramené la gamelle.

Mais enfin, vers 3h, elle a eu une demande claire : elle voulait aller au téléphone pour appeler SOS amitié (n° gratuit). Ça aurait été le moyen qu’elle discute, mais ils ont botté en touche à coup de « on verra plus tard ». Moi même j’étais assez énervée par le bruit qu’elle faisait et par le retard du courrier (distribué normalement à midi). Bref, elle a bouché les chiottes et a déclenché la chasse d’eau une centaine de fois. Au bout d’une demi heure, le QD (nos 2 cellules et le couloir) était noyé. Quand je leur ai dit à l’interphone, d’un seul coup, ils ont été disponibles. Ils m’ont collée en promenade avec mon courrier et ont nettoyé ma cellule. Mais elle, ils ne lui ont pas ouvert, ces cons ! Je leur ai dit ce que je pensais de leurs méthodes et ils m’ont répondu qu’elle avait les mêmes que moi (sauf que là il n’y a pas « dégradation par moyen dangereux » comme avec le feu). À 17h30, quand ils m’ont ouvert pour rentrer, je leur ai dit que j’avais un devoir de solidarité et que je ne rentrerai pas tant que K. n’aura pas ses lunettes, son tabac, ses bouquins et les couvertures qu’ils étaient venus lui prendre avec les casqués à 16h. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire sans l’équipe alors je leur ai dit que j’attendrai dans la cour qu’elle arrive. Je pensais voir débarquer les casqués pour me remettre en cellule, mais ils ne sont revenus qu’à quatre dont le directeur Mathieu. Le chef du Quartier Femmes (QF), Wattel, m’a dit qu’il n’avait rien pu lui donner car elle était trop énervée. Comme je n’ai pas de raisons de le croire, j’ai crié pour appeler K. Mathieu m’a dit « vous parlerez mieux à la porte  ». Je savais que c’était pour me faire rentrer mais j’ai accepté car j’espérais qu’elle serait d’accord pour m’écouter. Ils m’ont même ouvert la porte et j’ai tenté de lui parler à travers la grille. Mais elle était super énervée, criant et tapant la fenêtre, inaccessible à la moindre discussion, murée dans sa colère et sa douleur. Quand je lui ai dit qu’il fallait qu’elle pense aux bébés dans le bâtiment, elle a gueulé «  le mien de bébé, il est au cimetière ! ». Je ne pouvais rien faire, j’en étais dégoûtée et j’ai accepté de rentrer dans ma cellule. Je savais qu’elle cherchait à aller en HP et ça me rendait très triste de la voir se détruire.

A 18h30, ils sont venus équipés pour la menotter et bien qu’ils en aient trop fait, elle n’a pas réagi violemment. En fait, elle était contente d’être calmée de force et d’aller à l’hosto. Mathieu m’a confirmé que j’aurai le tél le lendemain avec ma famille. Vers 23h, ils l’ont ramenée et j’étais contente qu’elle ne soit pas en Hospitalisation d’Office. Mais ces salauds l’ont remise dans sa cellule pleine d’eau sale, sans couverture ni tabac. Je les ai suppliés de la mettre en cellule propre ou de me laisser passer la raclette mais rien à faire. C’est vrai qu’elle était assez calme à cause de la piqûre mais de m’entendre m’énerver l’a remontée. Et c’est reparti pour 1h de tapage au milieu de la nuit pour réveiller tout le bâtiment. Ce salaud de chef qui avait refusé de l’accueillir proprement est venu voir : il s’est fait envoyer paître. Puis, entre minuit et 1 heure, la fatigue l’a gagnée (et la piqûre) et elle s’est calmée. Moi j’ai peu dormi entre colère et tristesse.

Le lendemain, jeudi donc, j’ai expliqué dès 8h aux surveillantes qu’on ne pouvait pas la laisser comme ça, qu’il fallait au moins lui apporter un café chaud et que je lui passais du tabac. Elles ont compris, mais se sont réfugiées derrière le sempiternel « on ne peut rien faire sans l’ordre du chef… qui n’arrive qu’à 9h  ». Alors, je leur ai mis 9h comme ultimatum. Mais à 9h, rien. Comme c’était plus calme depuis 5h du mat’ je lisais un récit d’un espagnol des années 80-90 qui racontait les revendications soutenues par des séquestrations de matons et les FIES [1] qui avaient suivi. Alors, j’ai dit à l’interphone : «  vous vous en foutez hein quand on vous parle calmement . Eh ben venez avec vos boucliers pour la promenade, parce que il y a de la prise d’otage dans l’air !  ». Bien sûr, je n’avais aucun moyen de prendre qui que ce soit en otage : ils sont toujours plus nombreux que moi et je n’ai pas d’armes. Mais s’ils venaient équipés, ils n’auraient pas d’excuse de ne pas sortir K. le temps de nettoyer sa cellule. J’ai renouvelé la menace à 10h quand j’ai demandé quand était ma promenade à l’interphone et que la matonne a dit « ça sert à rien de crier » ; j’ai crié « non, ça sert à rien de crier, mais ça sert à rien non plus de parler, y’a qu’avec une prise d’otage que vous nous écouterez ! ».
A 10h30, ils sont venus à quatre, dont Wattel et la matonne avec qui j’avais discuté calmement à 8h, Mme Robert, et le toubib. K. l’a envoyé chier. Moi dans la cellule ouverte comme je lui ai appris, je l’ai engueulé de sa complicité face à la maltraitance que subissait K.. Il en a vite eu marre et est ressorti. Je l’ai suivi dans le couloir où étaient les bleus pour continuer à lui dire qu’on chopait des mycoses les pieds dans l’eau et qu’elle n’avait rien mangé depuis 24h. Quand il s’est approché de la porte pour sortir du QD, j’ai crié en faisant un pas en avant (j’étais au seuil de ma porte) «  Eh toi, tu restes là ! J’ai dit que je faisais une prise d’otage !  ». La menace était ridicule et je n’avais touché personne, mais les 4 se sont rués sur moi et j’ai été coincée contre le mur. Je leur ai dit « calme, calme, je ne bouge pas » et la pression physique s’est relâchée mais ils avaient déclenché l’alarme. Quand la cavalerie est arrivée, je bloquais la grille assez facilement et ils étaient 4 à pousser et à se pousser dans le sas. Mme Robert était en première ligne car elle voulait calmer le truc. J’avais déjà accepté l’idée de ne pas aller en promenade, mais je voulais la promesse de Wattel que j’aurais le tél à 11h. La matonne était compressée par ses collègues et ça se voyait qu’elle avait mal. Quand Wattel a promis, j’ai retiré le pied et suis rentrée.
[…] Toute l’après-midi, j’ai appelé à l’interphone, toutes les demi-heure pour leur dire de venir avec le toubib, à chaque fois sans crier. J’ai crié pour dire aux filles du bâtiment ce qui se passait ici mais aucune n’a réagi.
Vers 15h15, ils ont enfin emmené K. à l’UCSA, sur un fauteuil roulant, menottée devant. Elle est revenue ¼ d’heure après, avec une ordonnance de radio, sans plus. Ils n’avaient toujours rien déposé dans sa cellule.
A 16h30, l’heure habituelle de ma promenade de l’après-midi, ils ne sont pas venus. J’étais super en colère mais n’ai rien fait. Dans l’après-midi, je les avais entendu bouger mes cartons dans la cellule à côté et j’avais pensé au transfert mais vu l’heure qui avançait, je me suis dit que je me faisais des films.
Vers 17h, les casqués sont arrivés, […] J’ai demandé si j’allais en garde à vue, si je devais prendre tabac et documents et il m’a dit que ça suivrait. C’est là que j’ai compris qu’on allait à la MA de Lille – Sequedin. Ils m’ont menottée dans le dos et je me suis laissée faire. J’ai quand même gueulé un « au revoir, les filles, je change d’air »
[…] Dans l’équipe du transfert, il y avait Bocquet [2] qui se régalait de me voir entravée, menottée dans le dos et en cellule. Il a continué à faire les gros bras devant ses collègues d’ici. À Bapaume, comme ailleurs, j’avais refusé la photo et la prise d’empreintes et c’était passé. Là, Bocquet m’a prise par la gorge et les cheveux contre le mur et je n’ai pu que fermer les yeux et ouvrir la gueule. Idem pour l’empreinte à force de torsion du poignet mais je ne crois pas qu’elle sera utilisable (« On n’aura pas mieux » ai-je entendu). Alors que j’avais accepté la fouille à nue à Bapaume, ils m’en ont fait une autre ici. Comme ils étaient nombreux et que des mecs, ils m’ont dit : «  Tu te mets face au mur et tu ne te retourne pas. C’est bien compris ? Tu te désapes sans te retourner. C’est clair ?  » J’ai obtempéré pour éviter la palpation mais j’ai obtenu mon tee-shirt avant de retirer le pantalon et n’ai pas tendu mes sandales qu’ils ont du ramasser eux-même. Puis traversée de la MA « libre » entre six matons d’ici, après avoir donné RDV à Bocquet le 19 septembre à Arras (en discutant avec ces potes d’ici, il a dit «  Maintenant j’habite à 1km du taff  »). […]


SEQUEDIN,
mardi 30 juillet

[…]Ce matin, vers 10h30, une autre toubib est venue. Comme son collègue, elle a refusée une consultation honnête. […] C’est la chef de détention (Sylvie ? Sophie ?) qui m’a ouvert pour la promenade à 14h30. […] Je lui ai redit, très calmement, que je ne rentrerai que lors de la visite médicale. J’avais un peu d’espoir car elle avait géré un conflit qui aurait pu dégénérer le dimanche, alors qu’une brigarde refusait que j’amène un livre en promenade (alors que c’était passé avec elle le vendredi et le samedi). J’avais dû bloquer la grille, heureusement sans blessé. Mais là, quand elle est revenue à 15h30 pour la fin de la promenade, elle avait déjà fait équiper 4 gars avec casques et boucliers. Ça a été l’assaut le plus violent de mon histoire pénitentiaire. Ils m’ont délibérément envoyée plusieurs coups de poings au visage pendant le menottage. Puis, ils m’ont cogné la tête dans chaque angle de murs sur le trajet du mitard. À Joux, l’arcade s’était ouverte et les avait immédiatement calmés. Mais là, elle a tenue. Ils m’ont dé-menottée sous le lit, en tordant doigts et poignets, comme d’habitude. […]
La douleur est presque passée, j’ai juste une gène au doigt tordu. Je sens une bosse au front, mais ne peux pas savoir si c’est devenu bleu.
Demain matin, c’est le jour de la douche. J’irai et bloquerai encore au retour s’il n’y a pas le toubib. Je n’ai maintenant plus d’espoir de respect, mais celui que la résine coule : ça les calme très vite et les fait appeler l’UCSA ou le 15.

SEQUEDIN,
samedi 3 août

Jusqu’ici, quand je m’affrontais à l’AP, je risquais des coups et du mitard, mais je pouvais m’appuyer sur la loi pour me garantir une certaine sécurité mentale. Là, il n’y a plus de garde-fous et ça me fait peur. C’est en partie de ma faute car j’ai entamé une grève de la faim, alors que je m’étais toujours opposée idéologiquement à ce mode d’action dangereux.
[…] Le mercredi matin, c’était le jour de douche et de retour de WE du chef de bâtiment. Il m’a demandé ce qu’il s’était passé et m’a dit de me préparer pour la douche et la promenade. Je lui ai répondu que j’étais tout à fait d’accord, mais que comme la veille, je ne rentrerai volontairement qu’après une visite médicale. Il est reparti puis est revenu avec un chef ++ (chemise bleue claire). Lui m’a dit que pour aller à la douche, je devais subir la fouille par palpation. J’en ai rigolé tant c’était ridicule : la douche est au QD et je ne croise aucune fille. En plus, si je ne m’abuse, la loi interdit les fouilles systématiques non justifiées. J’avais, par apaisement, accepté le passage à la « poêle » électronique au retour de promenade jusqu’à la veille (négociée par une fouille à nue à la 1ère promenade, le vendredi). Il a gueulé «  palpation ou rien !  » et est parti en disant que je n’aurais rien ce matin là. J’essaye d’avoir quelqu’un à l’interphone à partir de 11h pour la promenade, mais rien. Quand le chef de bâtiment m’apporte la gamelle, il me dit que je verrai le médecin vers 15h. Effectivement, il est là à 14h30. Mais il me dit «  Je vais vous examiner dans une salle spécifique, mais des surveillants resteront avec nous ». Je lui réponds très poliment que c’est impossible, que ce sont eux qui m’ont agressée, qu’il doit me faire confiance, que je ne l’agresserai pas et qu’il a dit le serment d’Hippocrate. Il discute 5min, puis part (« Je vous laisse réfléchir »). Je l’appelle, en pleurs, mais il ne revient pas. Plusieurs fois dans l’après-midi, je demande à la surveillante à l’interphone de m’écouter, de trouver une solution. Ça fait 36h que je suis dans la cage, presque nue car les vêtements ont été mouillés et salis lors de la contention. Malgré la loi, ils me privent de douche, de promenade et visite médicale. Quand le chef amène la gamelle à 18h30, je suis au 36ème dessous, dégoûtée par le mépris. Il fait semblant de discuter mais c’est juste pour que je lui remette le lacet qu’ils m’ont laissé la veille avec une chaussure et ma boîte d’allumettes. Je me calme grâce au courrier des copains, reçu de l’alpage et remets mon projet de feu (j’avais planqué des allumettes et un grattoir dès le 1er soir). […]
Le jeudi matin, à 7h, […] je retente de demander calmement un médiateur (la chef de détention par ex), mais on me dit juste que la chef viendra plus tard (pour le repas donc). Ça fait 3 jours que je parle très calme (sauf la crise de pleurs mercredi soir, mais où je n’ai insulté personne), que j’essaye de trouver des solutions, et ils me font tricarde. Je n’ai plus le choix : malgré les conseils des copains, je dois me faire blesser pour avoir enfin un toubib et lui expliquer. Je fous donc le feu aux barquettes en plastiques de quatre repas précédents, sans que ça ne représente un danger pour mes codétenues et leurs bébés. Bien sûr, ils arrivent équipés pour me foutre dans le mitard d’à côté. Malgré les coups de poings (ça doit être le protocole ici !), l’arcade tiens bon : et merde ! Mes vêtements sont mouillés par l’extincteur et la cellule complètement vide sauf le matelas. Je demande mes affaires à l’interphone qu’ils raccrochent immédiatement. À midi et ½, c’est la chef de détention, que j’accueille nue. Elle n’a aucune affaire pour moi. Je sais qu’il peuvent me faire tricarde comme ça jusqu’au 17 août, la date de fin de sanction décidée à Bapaume. Pour accélérer, il faut donc se mettre en grève de la faim. J’y ajoute une grève de la parole puisque, quoi que je dise, quel que soit le ton, je ne suis pas entendue. […] Le toubib et une responsable SMPR [3] sont venus me voir vers 17h, alors que je ne les espérais plus. Comme le chef le matin, ils m’expliquent qu’ils n’y peuvent rien, que c’est l’AP qui décide. Je leur réponds par petits papiers que c’est des menteurs puis mets fin à ce faux entretien à travers la grille. C’est toujours le même chef à 18h30, qui se pointe pour que je refuse la gamelle, il aimerait que je lui parle mais me refuse mon tabac. Par contre, j’ai enfin le reste de mon paquetage resté au mitard à Bapaume.
[…] Je sais que je ne verrai rien ni personne cet après-midi. Et que ça sera pareil demain. Sauf que ça fera 3 jours que je refuse la gamelle et qu’ils devront prévenir la DI [Direction Inter-régionale de l’AP].
La revendication posée pour l’arrêt de la grève (de la parole et de la faim) c’est que je puisse discuter, dans l’ordre où ils veulent avec :
mon avocate par téléphone
un médecin dans des conditions de consultation
un représentant de la direction, quel-qu’il soit et même à travers la grille
Je sais par une amie [4] qu’une grève de la faim peut durer 2 semaines avant qu’on soit abîmée et je tiendrai.
À moins qu’ils me collent au QI comme à Joux, il faudra qu’ils lâchent le 17 août quand je serai de retour en bâtiment et en promenade collective. Ça va être long… !
Salut ! Y Viva la Lucha !


SEQUEDIN,
samedi 10 août

Ma situation s’est débloquée jeudi vers 16h. Immédiatement, j’ai mangé le plat de lentilles mis de côté (j’avais de l’espoir) à la gamelle de midi. J’avais repris à parler depuis mardi 14h, aux premiers prémices.
Voilà ce qui s’est passé :
[…] Mardi,5ème jour de la grève, même si le chef du jour (le chef de bâtiment) est un peu moins con que la brigarde du WE, je n’ai ni promenade ni téléphone. Mais il me passe mon guide de l’OIP et j’ai la référence des textes qui interdisent la fouille systématique et je lui fais passer.
À 17h30, je vois le big boss (il paraît que c’est exceptionnel qu’il voie un taulard) et la chef de détention des premiers jours, Sylvie. Il me dit que je verrai dorénavant les médecins correctement (s’ils le demandent) et que, puisqu’on n’est pas d’accord sur l’interprétation de la loi et que je ne dispose que d’un livre «  fait par des crétins qui n’y connaissent rien  », il va me faire passer demain les textes en question. En signe d’apaisement, Sylvie me file deux clopes à elle et me les regarde fumer en discutant calmement. Elle m’en laisse aussi une pour le lendemain matin. Moi, je lui donne deux allumettes coincées dans la poche depuis jeudi (elles ne me servent à rien, je n’ai pas de grattoir). J’ai aussi des livres de la biblio demandés depuis lundi matin.
À 17h, le mercredi, c’est le chef de bâtiment. Il m’allume bloqué sur sa putain de palpation. Toute la matinée, j’attends les papiers promis par le dirlo en trépignant. À 10h, la même toubib pétocharde qu’hier vient, mais n’ouvre pas la grille car elle n’aurait pas encore reçu la consigne . À 11h30, il amènent au mitard une fille en lui faisant mal, elle est dans le même état que K. et on ne peut pas discuter. À midi la toubib revient et ouvre la grille. Cette pétocharde s’est faite accompagner par un infirmier SMPR bien costaud, mais le rendez-vous est correctement fait. « Mais on ne vous connait pas… », « Ben justement !  ». Je les envoie chez la voisine qui hurle qu’elle a mal.
[…]À 16h, le directeur vient enfin avec les papiers. Je lui demande de revenir dans une heure quand je les aurai étudiés. Il me dit qu’il est dans les clous puisque les fouilles à chaque sortie de cellule des 900 personnes enfermées ici sont justifiées par le risque de trafic J’aurais aimé manger ce soir, mais je veux pouvoir étudier les textes sans le laisser mentir. Il dit qu’il reviendra demain (il paraît que c’est encore plus exceptionnel 3RDV comme ça en 3 jours , je suis VIP !), je lui demande de venir le matin (pour manger à midi), mais il reste le Big Boss et me dit « je viendrai quand j’aurai le temps ».
Jeudi, […] le dirlo arrive à 15h30. J’avais préparé mon exposé, comme une bonne élève. La seule chose que je sens qui fait mouche c’est quand je fais, sur le ton de la confidence psy, le parallèle entre palpation et viol, puis viol et autorité et que j’explique en quoi la fouille à nue (sans contact et où les deux parties sont mal à l’aise) est moins humiliante. Il se retire avec Sylvie et reviennent 5 min plus tard me dire que je peux aller au tel. Je n’ai aucune fouille, il n’y a que la chef de détention et le chef de bâtiment de visibles. J’appelle non seulement mon avocate, en lui demandant une visite, mais aussi mes parents pour les rassurer. Puis je vais en promenade. Assise torse nu au soleil, je savoure la barquette de lentilles ! Ils m’ont aussi donné des allumettes, avec le protocole que je leur ai expliqué (une boîte avec un chiffre donné, puis comptage au retour des brûlées et des soufrées).De retour en cellule, j’ai la barquette. Ça y est, c’est calmé !
À la gamelle, le chef me demande si je suis contente. Je lui explique que je n’ai pas à être contente d’en avoir tant chié pour que la justice règne enfin. Il me dit que j’ai eu raison de parler du tripotage et de ce que j’en ressentais, je lui réponds que c’est un discours de voyeur malsain. Il ne comprend pas pourquoi on n’est pas potes… Moi je mange la moitié de la gamelle et m’endors le ventre plein dès 19h30. Ouf !
[…] L’essentiel pour moi est gagné : visite du médecin en vis à vis et pas de tripotage . […] J’ai appris aujourd’hui que le dirlo avait pondu une note à mon sujet disant :
pas d’ouverture de la porte (je dis bien la porte pas la grille !) sans un(e) brigard(e)
fouille électronique sans contact, mais face au mur
effectif renforcé lors des promenades : au moins 1 brigard et 6 en tout
une seule promenade par jour
contrôle œilleton toutes les heures en journée et quatre fois par nuit
Je ne sais pas comment ils comptent revenir à la normale en une semaine… Soit ils y arrivent et tant mieux, j’irai en bâtiment. Soit ils vont me coller au QI sans raison ces salopards…


SEQUEDIN,
mardi 20 août

Je suis sortie du mitard ce WE. Pas originaux, ils m’ont collé direct au QI, comme à Joux.
Ils ont justifié ça par le dossier disciplinaire, ce QI n’est pas valable. En vrai, ils ne veulent pas que j’aille en bâtiment où les filles (et les mecs aussi d’ailleurs) se font tripoter avant chaque promenade. Ils savent que je refuserai la palpation et n’ont pas envie de me cogner dessus à 10 contre un devant les filles qui pourraient être choquées et du coup (oh horreur !) solidaires.
[…] Hier, lundi, [ma voisine de QD] passait au prétoire. Moi j’étais dans la salle où il y a le téléphone, à une dizaine de mètres. J’ai entendu qu’ils la rentraient de force, elle criait qu’elle avait mal. Forte de l’expérience passée et de la promesse du psy, elle pensait que ça s’arrêterait là, mais ils lui ont mis 30 jours ! Devant leur violence (4 matonnes étaient arrivées en courant au QD en plus), j’ai cogné sur la porte de la salle. Bizarrement, en quatre coups de pied, j’ai fait péter la serrure et me suis retrouvée dans le couloir qui donne d’un côté sur le QD de l’autre sur le QI et de l’autre sur la rotonde et l’accès à la grande promenade. Je suis allée vers le QD, il y avait 6 matonnes derrière la porte, dont la directrice. Une brigade moins conne que la moyenne m’a dit : « Je t’assure qu’on ne l’a pas cognée, je ne l’ai même pas menottée. Là, le psychiatre va venir. Mais toi, on a jamais vu ça et l’alarme a été déclenchée. Regarde les gars arrivent. Couche-toi au sol c’est le mieux  ». J’ai plutôt confiance en elle et je l’ai crue. Je me suis retournée vers l’autre bout du couloir. À 20m, derrière la grille, il y avait 5 mecs. Je leur ai crié : « Qu’est ce que vous voulez ? ». Il m’ont dit « Rentre dans la pièce » et je suis retournée calmement dans la salle de téléphone. J’y suis restée presque une minute à les attendre. Je les entendais, de plus en plus nombreux. Je suis ressortie en leur disant «  Vous attendez les casqués ? Y’a pas besoin… ». Ils étaient plus de 20. La chef de détention, Sylvie, a traversé leur groupe et a franchi la grille en leur disant de rester derrière. Elle est venue seule vers moi et m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai répondu en une phrase et l’ai tout de suite suivie pour qu’elle me mette en cellule. […]

Mercredi 21, 7h : Bon c’est l’équipe de jour qui va prendre le relais. Cette nuit, ils n’ont rien voulu comprendre. À minuit et ½, ils ont tapé sur la porte au point de réveiller la voisine. Trois fois, ils sont venus à au moins 5 pour me foutre la lampe torche dans les yeux. Mais ce n’est pas allé à l’affrontement.
Bah, du coup, j’ai bien eu le temps d’observer les rats (très nombreux) qui baladent sous la fenêtre, tant la nuit que le jour. 100 % des fenêtres de la MAF sont fermées par un grillage, soit disant pour qu’on ne les nourrisse pas, mais ça ne change rien. Moi, en tant que rurale, ça ne me gène pas du tout, au contraire : je vois du vivant sans uniforme ! J’aimerais bien essayer d’en apprivoiser un…

Je raconterai ça plus tard…
À la prochaine
Christine

Notes

[1] FIES ( Fichier des Internes en Suivi Spécial) : À la fin des années 70, de nombreuses luttes de taulards secouent les prisons Espagnoles. Suites à celà l’État instaure des régimes spéciaux pour permettre notamment l’isolement et la surveillance des détenus jugés dangereux. De là naissent les FIES, institutionnalisés en 1991.
Voir notamment ici : http://toutmondehors.free.fr/fies.html

[2] Mickael Bocquet est un des matons de Bapaume qui, après avoir étranglé et cogné Christine, avaient portés plainte contre elle. Il s’est constitué partie civile pour le procès du 19 septembre.

[3] SMPR (Service Médico Psychiatrique Régional) : quartier psy à l’intérieur des prisons. Différent des UHSA (Unités Hospitalières Spécialement Aménagées) qui sont des prisons/HP à part entière installées sur des sites hospitaliers.

[4] Le 5 juillet, à Bapaume, pour avoir persisté à manger leur gamelle en promenade, Christine et une amie codétenue se voient poser un ultimatum par l’AP. Soit elles acceptent de réintégrer leur cellules en régime « porte fermée » jusqu’à nouvel ordre, soit elles partent au mitard. Christine part au mitard. Son amie se retrouve en régime porte fermée. Pour protester contre ce régime et la mise au mitard de Christine, elle entame une grève de la faim qui durera 15 jours. Elle obtient finalement un entretien avec le dirlo de Bapaume et accepte de se réalimenter. Pour en lire plus voir ici : http://cestdejatoutdesuite.noblogs.org/2013/07/09/renvoi-lors-du-proces-de-christine-a-arras-du-mitard-de-nouveau/

 

Publié dans contrôle social, contrôle policier, general, guerre sociale, solidarité | Commentaires fermés sur [Des nouvelles de Christine] Transfert à Lille-Sequedin pour « menaces de prise d’otage » et grève de la faim