[Flics sociaux, hors de nos vies, hors de nos luttes !] Sortir de sa misère… c’est d’abord s’attaquer à ceux qui la gèrent

[Note de cestdejatoutdesuite : ce tract a été distribué dans le nord-est parisien courant 1999, il fut repris dans cette semaine n°82, janvier/février 2001. Le texte a été rediffusé au printemps…2010, « RMI » ayant été remplacé par « RSA ». ]

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Sortir de sa misère… c’est d’abord s’attaquer à ceux qui la gèrent

Dans cette société, celui qui ne travaille pas (que ce soit un choix ou non) doit comprendre qu’il n’est rien, et que même la possibilité de s’occuper de sa misère matérielle et morale lui est retirée.

Pour que le système fonctionne, c’est à dire pour que la minorité d’ordures qui en profite continue à s’engraisser en exploitant tranquillement, il faut bien que les exploités n’aient ni le désir ni le temps de se révolter. Il faut bien que chacune de leurs journées soit encadrée, contrôlée, qu’ils reçoivent leur lot quotidien d’humiliations, de tracasseries et d’insultes, afin que le soir ils se sentent suffisamment minables et impuissants pour ne pas penser un seul instant à se venger et à sortir du cauchemar dans lequel les capitalistes nous plongent en permanence.

Le salariat permet à nos dirigeants d’amener à bon compte la majorité de ceux qui y sont astreints à cet état de désespoir passif. Pour les autres — ceux qui n’ont pas de patrons qui leur crachent à la figure toute la semaine — l’Etat et sa cohorte de valets font un excellent substitut.

Ainsi, si tu ne vas pas te faire humilier au boulot, on viendra chez toi te faire comprendre que tu n’es pour eux qu’une larve tout juste bonne à fermer sa gueule, à obéir et à mendier. Quand ce n’est pas l’assistante sociale de la CAF qui vient te réveiller, histoire de vérifier que tu ne te sois pas payé une Ferrari avec ton RSA, c’est un enfoiré d’huissier qui vient t’annoncer qu’une table et un frigo, plus la montre de ton grand-père, c’est encore trop de luxe. Après ce genre de réveil, il faudra affronter la mesquinerie et le sadisme de mille autres collaborateurs du pouvoir : du regard glacé du contrôleur au mépris des travailleurs sociaux, du paternalisme de l’Armée du Salut à la gifle du vigile du supermarché.

Jusqu’à quand ?

Car au fond, leur machine de soumission et de mort ne paraît invincible que tant qu’on a rien fait contre elle. Mais si on commence à s’attaquer même à ses rouages les plus infimes, on se rend compte que toutes ces petites pièces prises séparément sont vulnérables, que le grand monstre intouchable est en réalité fait de mille petites bêtes (fonctions, structures, bâtiments) à notre portée !

L’huissier qui t’as pris tes meubles peut se retrouver bien seul dans son cabinet avec ses piles de dossiers… un vigile un peu trop zélé n’est rien si tu décides d’aller chercher de quoi manger avec une dizaine de potes ! Bref, il suffit de réfléchir un peu, de s’organiser collectivement, de prendre quelques précautions, afin d’agir efficacement pour faire payer ceux qui nous pourrissent la vie ou leur arracher quelques richesses qu’ils nous ont volées.

Bien sûr, le système économique et social ne va pas changer du jour au lendemain parce que toi et quelques autres êtes passés à l’offensive. C’est en liant nos forces et nos luttes que nous nous donnerons les moyens de vaincre ce système dans sa globalité.

Qu’avons-nous de mieux à faire que détruire ce monde de merde et prendre notre revanche ?

Si ne plus courber la tête n’est qu’un petit geste, c’est le premier à faire pour cesser de ramper et se réapproprier un peu de sa vie…

CONTRE LES BOURGEOIS QUI S’ENGRAISSENT SUR NOS CÔTES

CONTRE LEURS VALETS QUI NOUS EMMERDENT CHAQUE JOUR…

ACTION DIRECTE ET COLLECTIVE

 

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[Pour mémoire] Le problème ce n’est pas la luciole mais bien la nuit

Le problème ce n’est pas la luciole mais bien la nuit

Depuis au moins deux ans, des émeutes de novembre 2005 à l’élection présidentielle de mai 2007 pour schématiser, l’antagonisme quotidien se fait plus intense et ouvert, prenant à la fois prétexte de « mouvements sociaux » comme le CPE ou l’actualité particulière de certaines villes (un tabassage à Rouen, la rébellion face à un contrôle gare du Nord ou plus récemment l’assassinat de Lamine à Paris), tout en saisissant aussi des occasions comme l’élection présidentielle.

Dans ce cadre, les attaques anonymes deviennent paradoxalement plus visibles et le pouvoir a tôt fait de les réduire à un milieu politique qualifié d’anarchiste, autonome ou d’ultra-gauche, en fonction du degré de confusion qui règne dans le crâne des keufs qui dictent l’article aux journaleux de service. Un texte italien disait il y a quelques années que « les lucioles, on les voit parce qu’elles volent la nuit. Les anarchistes font de la lumière aux yeux de la répression parce que la société est grise comme la pacification. Le problème, ce n’est pas la luciole, mais bien la nuit ». La différence actuelle n’est pas que le brouillard de la pacification se soit levé, mais que les lucioles se sont multipliées.
Ce serait cependant une erreur de penser qu’il faille cesser d’affirmer publiquement ce que nous avons toujours dit parce que la répression commence à pointer médiatiquement sa sale gueule, de faire profil bas comme l’exige l’Etat en agitant son épée de Damoclès, ou de voir dans cette mise en lumière involontaire une quelconque reconnaissance implicite de notre force par l’ennemi, comme on a pu parfois l’entendre. Le pouvoir a ses logiques qu’on peut tenter d’analyser, mais qui restent les siennes, selon des éléments qu’on ne connaît pas ni ne maîtrise, et qu’on ne peut de toute façon totalement comprendre, à moins d’être capable de raisonner comme lui, ce que seuls des esprits contaminés par le virus autoritaire pourront faire. Les autres sont soit des prétentieux soit des menteurs.

Par ailleurs, plusieurs compagnons et camarades sont tombés dans différentes villes pour des faits spécifiques. Malgré quelques initiatives de solidarité bienvenues (tracts/articles, bouffes, cotises/caisses, compils ou concerts par exemple), il nous a semblé que personne, nous compris bien sûr, n’a réussi à développer de réponse qui soit à la hauteur de l’enjeu. La question n’est en effet plus de jouer au chat et à la souris, selon une habitude liée à l’absence de répression collective spécifique à laquelle nous avions fini par nous habituer, ni de prendre prétexte de l’isolement ou du caractère « privé » des situations particulières, mais de se rendre compte que quelque chose est en train de changer : l’Etat est en train d’ajouter, comme il l’a toujours fait par le passé lorsqu’il l’a cru bon, la dimension d’une répression politisée (et non pas politique, car toute répression est sociale, donc politique, comme l’est aussi tout prisonnier). Il ne s’agit pas ici de pleurnicher sur nos insuffisances, mais d’affirmer — parce qu’il est toujours temps (de nombreux procès doivent par exemple encore se tenir, des instructions judiciaires sont encore ouvertes dans plusieurs villes) — qu’il devient urgent de dépasser les vieilles logiques.
S’il y a d’un côté ceux qui pensent échapper aux coups de l’ennemi en fermant leur porte après avoir pourtant déjà témoigné publiquement de leur antagonisme, se croyant peut-être plus rusés que l’Etat malgré les moyens de contrôle dont il dispose, il y a surtout d’un autre côté ceux qui pensent qu’il « ne faut pas tendre le bâton pour se faire battre », croyant peut-être que ce ne sont pas les rapports de force qui nous protègent le mieux et brisent l’isolement des compagnons arrêtés. Le débat n’est alors pas comment sortir du collimateur (qui a pu se traduire par des perquisitions, des convocations devant le juge ou des filatures), mais comment relier dans la praxis la pression et la répression qui s’exerce contre nous à celle qui touche l’ensemble des rebelles, tout en continuant à s’inscrire dans l’antagonisme diffus. Non pas en se présentant comme des innocents ou des victimes – à quoi d’autre que la répression peut s’attendre un rebelle ou un révolutionnaire, une médaille ? –, mais en continuant d’affirmer nos idées et pratiques au sein de la guerre sociale et des luttes, tout en revendiquant nos compagnons incarcérés parmi tous les autres exploités révoltés qui tombent au quotidien.

Le débat reste ouvert, au-delà des limites que comporte nécessairement un tel texte, pour autant qu’il y ait débat et que l’on puisse enfin sortir des réflexes conditionnés ou de l’idéologie de la gestion interne d’« affaires courantes » qui n’en sont plus quand par exemple tous les journaux en parlent.

A suivre…

[Texte publié dans Cette Semaine, n° 93, été 2007.]

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[Vendredi 27 janvier 2012 – Rémouleur – Bagnolet] Soirée  » Les murs nous enferment. Attaquons toutes les prisons. »

Vendredi 27 janvier 2012  à 19h au Rémouleur à Bagnolet

Soirée  » Les murs nous enferment. Attaquons toutes les prisons. »
sur l’enfermement des mineurs, en solidarité avec les inculpés de Toulouse.

Ecoute du documentaire sonore  » Silence, c’est la loi! « : Une trentaine de jeunes, pour la plupart mineurs, réagissent aux déclarations médiatiques, politiques et scientifiques portés à leur encontre. Leurs témoignages – comme la musique qui les accompagne – dressent un état des lieux de la situation au fil des parcours et des quotidiens… (sons écoutables sur http://www.bandeorganisee.org/)

Cette soirée est l’occasion de revenir sur des luttes passées et présentes contre l’enfermement des mineurs, mais aussi de discuter du maillage de contrôle qui s’étend de l’école à la prison.
Des harcèlements disciplinaires aux psychologues scolaires, en passant par les assistants sociaux, les dossiers scolaires deviennent rapidement des casiers judiciaires. Pour l’État, il s’agit de contrôler, mater, dresser les « éléments potentiellement dangereux ». Refuser cette intégration, c’est souvent « tomber dans la délinquance »; catégorie créée par l’État
lui permettant de renforcer ses organes répressifs et légitimer son pouvoir.

Solidarité avec les inculpés de Toulouse!
« Au mois de mai, une révolte éclate et dure pendant plusieurs jours dans l’Etablissement pour Mineurs de Lavaur, dans le Tarn. Les enfermé-es saccagent plusieurs dizaines de cellules en affrontant les maton-nes.
Dehors aussi la colère s’exprime, contre les institutions et entreprises qui enferment, ou profitent de l’enfermement.
En juillet, à Labège, une dizaine de personnes font irruption dans les locaux de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse, et repartent sans encombre après avoir aspergé les ordinateurs, écrit des slogans contre l’incarcération des mineurs «nique la justice» «porcs» et laissé des tracts à l’intention des salariées.
Mi-novembre, des perquisitions et arrestations sont effectuées dans le cadre d’une enquête sur cette action. 4 personnes sont alors placées en détention préventive, une autre mise sous contrôle judiciaire «  plus d’infos sur http://pourlaliberte.noblogs.org/

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Le Rémouleur – 106, rue Victor Hugo 93170 Bagnolet

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Marco Camenisch : sortie conditionnelle refusée

En 2012, Marco Camenisch a purgé 2/3 de sa peine. En Suisse, tous les prisonniers ont droit à une sortie conditionnelle après 2/3 de la peine en cas de bonne conduite. La justice helvétique ne veut pourtant pas libérer le prisonnier anarchiste. Les preuves lors du procès pour l’assassinat d’un douanier étaient du moins douteuses et la peine prononcée était extrêmement dure. Le comité de soutien (knast-soli(at)riseup(point)net) appelle à la solidarité avec Marco qui est actuellement en grève de la faim en solidarité avec la résistance contre le WEF. A cette grève de la faim se sont également joints les deux prisonniers anarchistes Silvia Guerini et Luca « Billy » Bernasconi. Marco, qui souffre de problèmes de santé, aura purgé sa peine en 2018.

Pour lui écrire :

Marco Camenisch
PF 45
CH-5600 Lenzburg
Suisse

(Pour qu’il reçoive le courrier, il est indispensable de mettre une adresse d’expédition !)

[Pour mémoire : Lettres depuis la prison de Silvia, Billy, Costa et Marco]

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[Publié par Indymedia Suisse allemande, traduit par Le Réveil]

 

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[Livre] Fukushima paradise – Pour une critique radicale du nucléaire (2005-2011)

Les textes anti-nucléaires de ce recueil tentent d’élaborer une projectualité débarrassée de toute médiation institutionnelle et de s’inscrire dans une perspective anti-autoritaire, c’est-à-dire vers un monde où la liberté ne serait pas qu’un aménagement agréable de la survie – les deux pieds irradiés dans la merde. Une perspective qui est aussi de ne pas s’en prendre uniquement au nucléaire, mais de le relier à ce qui lui permet d’exister, la domination capitaliste comme la domestication étatique.

Introduction

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[Fukushima paradise – Pour une critique radicale du nucléaire (2005-2011), janvier 2012. Pour les commandes, les informations sont sur le site des Mutines Séditions.]

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[Die] Solidarité avec les inculpéEs de Labège

[Photos reçues par courriel]

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[Pour mémoire] « Les luttes, concrètement, n’ont pas pour objet des droits. »

« (…)
Cet appel constant à « l’État providence » est le crédo dominant du cycle de lutte actuelle : s’enferrant dans la défense des droits existants et des acquis sociaux, les luttes et les mouvements n’arrivent pas à se dégager d’une stricte réactivité qui consiste à évoquer un contre modèle de stabilité et de sécurité incarné par l’État providence et l’État de droit. Cette limite s’inscrit dans le cadre de la défaite du mouvement ouvrier, de la restructuration qui s’opère à partir des années 70. Au sein des luttes, le sentiment d’appartenance à la classe s’efface progressivement au profit de la figure du citoyen.

Face à l’appauvrissement des classes populaires au profit du capital et au renforcement de l’arsenal juridique, il ne s’agit pas de délaisser le champ des luttes revendicatives ou de dire que toutes les législations se valent. Il s’agit de prendre acte de l’offensive du capital et de la combattre, sans pour autant s’enfermer dans une défense de l’État providence, qui est le prolongement étatique de la restructuration du capital après-guerre.

L’enjeu est de taille car une véritable chape de plomb doctrinale se constitue, prenant notamment appui sur des slogans tels que « nos luttes ont construit nos droits ». Or, ces droits n’ont pas été « conquis de haute lutte » ; ils formalisent un rapport de force à un moment précis (souvent la fin d’une lutte) entre deux positions aux intérêts antagoniques. On fait du droit tel qu’il est le but des luttes sociales passées et non leurs limites mises en forme par l’État et le Capital. Cette illusion rétrospective établit que la somme des victoires de la lutte des classes n’est pas autre chose que l’édification lente, laborieuse et linéaire de codes juridiques. Certes des protections, des garanties ont été mises en place à l’issue de ces luttes, mais il s’agit d’avantages restreints et d’aménagements de l’exploitation. Et cela s’est fait au prix du désarmement de l’offensive et reste bien en deçà de ce qui s’y jouait : l’élaboration de solidarités de classe, de pratiques collectives et de contenus subversifs et révolutionnaires.

Les luttes, concrètement, n’ont pas pour objet des droits. Si la Bastille a été prise, ce n’était pas pour obtenir le droit de vote mais parce que c’était un dépôt d’armes. De même, si les mal logés sont en lutte, c’est avant tout pour avoir un logement. La revendication du « droit au logement » est toujours le fait des associations et des partis qui viennent se poser comme seuls médiateurs crédibles et font carrière en négociant par-dessus la tête des collectifs.

Cette position qui réduit tout à la défense du droit empêche donc la ré-appropriation de formes de luttes qui n’ont jamais été inscrites dans le droit mais qui ont toujours appartenu aux mouvements comme la grève sauvage, les auto-réductions, les ré-appropriations collectives ou le sabotage. Nous laissons aux adorateurs du code du travail le choix d’inscrire dans les textes juridiques le droit au refus du travail, à la grève sauvage, à la destruction de machines, au sabotage, à la bastonnade des petits chefs, à l’incendie des usines et à la défenestration des patrons.

Voir dans le droit la finalité de toutes les luttes passées et présentes, empêche tout renversement de perspective qui viserait la critique de l’État, de la démocratie et de la propriété privée, non pour les réformer ou les fuir dans un prétendu « en-dehors » mais pour les abolir. S’affirmer solidaires d’actes dénoncés comme irresponsables alors qu’ils ont toujours été des outils de la lutte de classes, réaffirmer par là leur contenu politique et leur appartenance à la conflictualité de classe va dans le sens de ce renversement de perspective.
(…) »

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[extrait de Contribution aux discussions sur la répression antiterroriste, octobre 2009]

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En taule pour des tags et du lisier ?

La répression des mouvements « subversifs » comme moment d’une totalité

Ce texte n’a aucune prétention particulière, si ce n’est proposer un retour sur l’affaire du 15 novembre et une rapide analyse d’un moment de la totalité, d’un moment de la lutte de classe au sein du mode de production capitaliste, dans le contexte historique à la lisière d’une crise de la valeur jamais apparue auparavant. Le titre peut paraître trompeur mais il n’est en aucun cas question, dans ce texte d’indignation face à une quelconque démesure judiciaire mais plutôt d’une réflexion par démonstration autour de l’utilsisation de la symbolique et de diverses formes idéologiques dont la bourgeoisie se munit afin d’assurer la reproduction des rapports sociaux capitalistes. La Justice en est un exemple.

Le 5 juillet 2011, un groupe d’individus s’invitait dans les locaux de la P.J.J (Protection Judiciaire de la Jeunesse) dans le but, selon le tract, d’orner les murs, très certainement ternes et austères de ce bâtiment administratif, de quelques lettres de noblesse, colorées qui plus est, et d’y ajouter un peu de lisier, pour donner du corps à l’ouvrage.

Cette performance artistique, la P.J.J, en tant qu’entité symbolique représentant la Justice des mineurs, l’avait héritée des diverses prises de positions des éducateurs intervenants à l’Etablissement Penitentiaire de Lavaur, qui avaient reclamé plus de moyens pour leur sécurité et la revalorisation de leur statut, à la suite d’une mutinerie ayant fait la Une des journaux, remettant encore une fois l’incarcération, et la justice des mineurs, sur le devant de la scène des opinions légères. Faut-il s’étonner que la branche judiciaire jeunesse – que  » tout le monde » s’entend à qualifier d’indulgente, de « sociale » et de juste, contestée et mise à nue par des détenus très certainement lucides quant à la place de chacun dans le système carcéral – adopte une position de repli et revendique sa légitimité (et la nécessité de la renforcer dans le cadre du conflit) au sein de l’incarcération des mineurs, au risque de perdre quelques couches de guenilles idéologiques construites autour des concepts d’Etat de raison et de Justice humaine ?

La symbolique est amovible. Elle est un mécanisme stratégique destiné à cristalliser des ambiances, des méthodes d’appréhension en corrélation avec l’air du temps. Celle-ci est une force de coercition, tout du moins le manteau qu’arbore cette force, dans le cadre de le reproduction des rapports sociaux capitalistes. Faire tomber le manteau et montrer les dents c’est simplement une autre façon de faire… Les divers organes étatiques, agents de cette reproduction, en ont l’habitude.
A la suite de l’action du 5 juillet, le procureur de la République de Toulouse promit vengeance face à cette attaque, qualifiée « d’extrêmement grave, bien qu’ayant fait très peu de dégâts ». La symbolique répond à la symbolique et devient elle-même la force motrice de l’engrenage judiciaire. L’enjeu idéoligique supplante les faits, ou plutôt devient le fait. Le 15 novembre 2011, de bon matin, à l’heure où les équipes de jour relaient les equipes nocturnes, une centaine de gendarmes, dont les unités de choc de P.S.I ( Peloton Surveillance Intervention), investit trois maisons, cagoulés, armés, casqués, berger-allemandés, sous les directives de la Section Recherches Midi-Pyrénées de la gendarmerie nationale.
S’en suit l’arrestation d’une dizaine de personnes, dans un coup de fliet qui a déjà un petit goût de bancal dans la bouche des gros costauds, qui, j’en suis sûr, s’attendaient à un peu plus d’action en pénétrant dans le repère de « l’ultra-gauche » toulousaine. Une perquisition destinée à la mise en lumière d’éléments à charge, comme des bouquins, des affiches ou encore des produits d’entretien…

Une quantité considérable de documents est donc saisie, accompagnée d’ordinateurs, de téléphones, disques durs, envoyés à la Tech’, ces fameux Experts, à l’accent toulousain. Ca casse un peu le mythe…
La garde-à-vue porte essentiellement sur les liens que les personnes étiquettées « ultra-gauche », entretiennent entre elles, le fond de nos pensées, nos « méthodes d’action » et j’aurai droit à la scène « Nous ne sommes plus en interrogatoire, je veux qu’on puisse débattre librement », jouée tout de même six fois par six O.P.J différents. Un certain décalage entre l’exposition des faits et la prise ADN de force m’interpelle alors. Déférés au parquet, cinq d’entre nous sont mis en examen dont quatre placés en détention provisoire.

La question ne se pose pas dans les termes judiciaires du coupable et de l’innocent. Nous sommes retenus ici sur la base de nos positionnements politiques et des dossiers RG, bien garnis – que l’on ferme certainement à l’aide de sangles de bâche pour 33 tonnes dans les locaux spécifiquement affectés à cette tâche – que ces positionnements ont générés. Il n’y a rien de prétentieux dans cette affirmation, seulement le strict détail des diverses constructions judiciaires autour de ces mouvements insaisissables que sont « l’ anarcho-autonome », « l’ultra-gauche » ou tout autre délire tape-à-l’oeil si cher à la DCRI.
Dans l’argumentation en faveur de notre maintien en détention, notre appartenance supposée à « la mouvance ultra-gauche […], mouvance politique déniant les autorités judiciaires ou de police » semble se satisfaire à elle-même, épaulée par l’existence toujours virtuelle de complices de « l’opération commando ». Il faut prendre cette appellation aussi sérieusement que lorsqu’une grève est surnommée de « prise d’otage »…
Cette appartenance représentant « un fort risque de réitération » selon les autorités judiciaires, devons-nous comprendre une détention provisoire à perpétuité ou jusqu’à un éventuel repentir ? Nous ne sommes pas la parodie minimale de la fin des années de plomb, l’étape de sa farce historique bien évidemment ; mais l’épisode justifiant sans complexe notre incarcération par notre appartenance à cette mouvance, aussi mystérieuse que terrifiante, obligeait un léger clin d’oeil. Et le tout reste une farce dont nous rions bien jaune. Mais l’affaire du 15 novembre est à inscrire dans un contexte général.
La répression des mouvements « subversifs », construite de manière exogène par les forces de police, trouve sa légitimité sur le terrain de la symbolique des Grandes Idées, mais son intensité dépend du même cadre qu’avec n’importe quel autre type de répression sociale : le cadre des tensions sociales au sein du mode de production capitaliste. Il suffit de jeter un oeil aux peines d’emprisonnement particulièrement lourdes qui tombent à la pelle autour des cambriolages, des trafics, et des braquages pour réaliser ce que veut dire actuellement le terme de guerre sociale. Comme certains disent ici, « ça charcle sévère au T.G.I de Toulouse ». Mais il faut comprendre pourquoi « ça charcle ».
La justice est un organe de la reproduction sociale, et la prison comme moment de sanction-gestion d’une partie de la population qui était déjà, au préalable, excédentaire, en est une particularité, sa dimension la plus hostile.

La crise que nous vivons actuellement est une crise particulièrement grave du mode de production capitaliste et comme toute crise, une crise spécifique au mode d’accumulation. Elle met en jeu l’ensemble du rapport social capitaliste sur la base du rapport salarial qu’entretiennent le Prolétariat et le Capital. Rapport salarial qui émane de la restructuration (financiarisation/mondialisation) des années 70/80 et qui est entré en crise, logiquement.
Avec la crise du régime fordiste d’accumulation et la restructuration qui suivit, c’est toutes les séparations, les garanties sociales, les protections diverses et variées, que l’Etat-Providence (comme agent de la reproduction de la force de travail) conférait à la classe ouvrière, qui ont été désignées comme entrave à la valorisation du Capital (à sa reproduction donc) et traitées comme telle. C’est la fin de l’accumulation capitaliste sur des aires nationales où la reproduction du prolétariat était liée à la productivité. Le prolétariat était confirmé comme pôle nécessaire du capital et la lutte de classe se structurait autour de cette confirmation dans ce qu’on appelait « le mouvement ouvrier », où l’enjeu révolutionnaire était l’affirmation du prolétariat en tant que libération du travail, de la force productive.
Avec la restructuration, c’est toute cette confirmation qui est balayée, la fin de l’identité ouvrière, la fin de cette stabilité sur laquelle les mouvements sociaux s’appuyaient pour revendiquer, l’existence sociale du prolétariat et sa nécessité étant incontestables. Dans ce capitalisme restructuré, la reproduction de la force de travail par le biais du nouveau rapport salarial a connu une double déconnexion, d’abord au niveau de la valorisation du Capital, ensuite au niveau de la consommation ouvrière (où la centralité du salaire n’est plus de mise).
Avec ce qu’on appelle la mondialisation, il n’y a plus de rapport entre la reproduction de la force de travail (segmentée en zones à modalités différentes) et la valorisation du Capital (qui elle est unifiée mondialement).
Nous pouvons repérer trois zones à modalités de reproduction différentes. Une première, que nous pouvons appeler hyper-centre capitaliste, se caractérise par des salaires conséquents où les vestiges du fordisme se représentent par la privatisation des garanties sociales, mais où la pression du « nouveau compromis » (la concurrence mondiale de la force de travail) affecte de plus en plus de fractions de la force de travail de cette zone.
Ce « nouveau compromis », c’est une donnée structurelle qui veut que « le prix de référence des marchandises, y compris la force de travail, [soit] le minimum mondial ».
Une zone secondaire, où nous retrouvons les activités de logistique, de diffusion commerciale et de sous-traitance. Les salaires sont bas et tendent encore à baisser par la pression interne de la force de travail disponible inemployée. Il n’y a pas ou peu de garanties sociales, le rapport salarial trouve sa définition dans la précarité structurelle.
La troisième zone, véritable poubelle sociale, joue le role de réceptacle pour un prolétariat excédentaire, qui n’est pas nécessaire à la valorisation du Capital et où les moyens de survie se bricolent entre aide sociale, économie informelle, débrouille.

Une population familièrement avisée de que ce qu’est la répression et la prison.
Ce zonage se dessine à plusieurs échelles, « du monde au quartier ».
Il y a donc bien rupture du lien qui reliait, territorialement, auparavant, la valorisation du Capital (sa reproduction) et la reproduction de la force de travail, du prolétariat. La seconde déconnexion se situe entre la valeur de la reproduction de la force de travail et la consommation effective du prolétariat. Quand le salaire n’est plus cette instance régulatrice de la reproduction de la force de travail, en gros que la vie est de plus en plus chère, il faut trouver une solution. Cette solution a été le crédit, mis en avant par la financiarisation de l’économie. Avec la baisse des salaires, le prolétariat s’est vu contraint d’assurer sa reproduction immédiatement par le biais de crédits, donc à l’endettement. Il y a déconnexion entre salaire et consommation ouvrière. La crise de 2008, des subprimes, dans laquelle nous sommes aujourd’hui, a été déclenchée suite à un nombre considérable d’impayé chez les ménages pauvres. Cette crise financière est une crise de la reproduction du capital et l’expression de la limite de ce mode d’accumulation. Ce qui faisait la dynamique de la valorisation, « la baisse des salaires », devient, poussée à terme, le blocage de la reproduction du Capital (parce que blocage de la reproduction d’un de ses pôles, le prolétariat). La Capital cherche toujours à accroître sa plus-value, son profit, et c’est en réduisant les coûts de la force de travail qu’il y parvient. Plus de surtravail (travail « gratuit ») et moins de travail nécessaire (rénumération de la force de travail). Voilà l’illustration du Capital comme contradiction en procès et l’exploitation comme enjeu-cible de la lutte des classes. Seulement, avec les modifications structurelles précisées plus haut, ce nouveau cycle de la lutte des classes a formalisé une limite bien particulière : l’appartenance de classe comme limite même de la lutte des classes, la prolétariat n’est rien sans le Capital.
Avec la précarité comme définition du rapport salarial, l’instabilité structurelle du prolétariat ne permet plus aux prolétaires en lutte de revendiquer, à partir de leur situation sociale, la légitimité de leur existence. C’est la non-confirmation du prolétariat qui structure actuellement la lutte des classes. La prolétariat est désormais posé comme nécessaire mais toujours de trop. Revendiquer de meilleurs conditions de vie, dans la configuration actuelle de la concurrence mondiale, s’apparente à un coup d’épée dans l’eau. Et face à cette limite, de nombreuses fractions de prolétaires en lutte ont produit une déduction pratique : l’appartenance de classe comme contrainte extérieure donc sa remise en question. Et c’est sous cette forme que s’amorce le contenu et la probabilité révolutionnaire de l’époque : l’abolition du Capital dans son intégralité, dans la lutte des prolétaires qui ne veulent simplement plus l’être.
L’essentiel de ces moments de lutte a révélé que la contradiction qui opposait le prolétariat au Capital se nouait au niveau de leur reproduction respective (bien que l’un n’aille pas sans l’autre). Que ce soit la révolte des banlieues en 2005, les diverses luttes suicidaires (ne réclamant que des indemnités) autour des sites de production destinés à être démantelés durant tout la décennie, les émeutes en Grèce, à Londres, ou encore les conflits en Guadeloupe ou à Mayotte, ces luttes ont produit l’appartenance de classe comme contrainte extériorisée dans l’objectivité du Capital. On ne peut rien faire en tant que prolétaire mais tout part de là. Il est impossible de faire un détail exhaustif des diverses productions d’écarts (la remise en cause de l’appartenance de classe) dans les luttes actuelles tellement ces phénomènes sont présents de manière constante à l’intérieur de celles-ci.
Et les temps ne vont pas en s’arrageant. Avec la crise, nos conditions de vie vont nécessairement en s’aggravant, par le biais de l’accroissement de la dévalorisation de la force de travail et de la surnumérisation de fractions du prolétariat. Pour beaucoup d’entre nous déjà, la reproduction du rapport salarial capitaliste est vue comme simple coercition et par-delà rend caduc parce qu’hostile. Cette citation donne le ton de l’antagonisme social actuel : « Partout la disciplinarisation de la force de travail face à un prolétaire redevenu, en tant que prolétaire, un pauvre, est le contenu de l’ordre du jour capitaliste » (Le moment actuel, SIC, n°1, 2011). Cette disciplinarisation, c’est la police, la justice et la prison. Les formes idéologiques qu’adopte le Capital pour réprimander les mauvais joueurs (toujours perdants dans le jeu de l’exploitation) dépendent des conditions économiques de la reproduction du capital. Elles ne sont pas là par hasard ou fantaisie. Leur rigueur est rigueur économique et la police est la matérialisation la plus concrète de l’austérité.

Dans la situation présente, la violence sociale est amenée à se renforcer, les émeutes à se multiplier, les résistances face à la dégradation des conditions de vie à se généraliser mais la seule question qui reste en suspens est bien celle de la naissance ou non, d’un mouvement révolutionnaire portant en lui, de par les conditions de son apparition, l’abolition du mode de production capitaliste. Pour la suite, il n’y a qu’ expectative…
C’est une probalité d’époque, nécessaire face aux limites actuelles de la lutte des classes. La guerre sociale s’intensifiant, les temps s’annoncent sportifs. Et ça, les capitalistes et leurs défenseurs le savent bien. Il n’y a pas d’alternative, pas de programme commun, uniquement un simple « réflexe ».

Prolétaires de tous pays, Niquez tout !
Solidarité avec les engêolés de la guerre sociale.

Bises aux camarades.

un inculpé du 15 novembre

[ bagdad122 [a] riseup.net pour répondre ]

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[Texte publié sur Indymedia Paris]

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[Os Cangaceiros] Rapport sur Marseille

Réédition du Rapport sur Marseille, publié dans la revue Os Cangaceiros, n°1, janvier 1985. L’original est aussi disponible.
Des extraits ont été dans lus dans l’émission n°8 de Basse Intensité, 23 avril 2008.

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[Éléments trouvés sur le site de Basse Intensité]

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[Du son] Retour sur la manifestation anti-répression du 17 décembre 2011 à Toulouse

Points de vue et témoignages sur la manifestation du 17 décembre 2011 à Toulouse.

C’est ici.

[Extraits de « Bruits de Taule » -émission de Canal Sud– trouvés sur le site Sons en Luttes].

Pour mémoire :
[Toulouse] A propos de la manif du 17 décembre…
[Toulouse] Beau comme une prison qui brûle
[Toulouse] Manifestation le 17/12 pour la libération des inculpé-e-s du 15 novembre

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